Les photographes National Geographic dévoilent les coulisses de leurs clichés préférés
Pour célébrer la journée mondiale de la photographie, nos photographes reviennent sur certains de leurs clichés mondialement connus.
Jennifer Hayes et David Doubilet étaient en mission pour photographier des mérous goliath (Epinephelus itajara) lorsqu’ils ont pris cette photo des coulisses. Cette espèce énorme peut atteindre 2,43 m de long et peser plus de 360 kg. Près de Boynton Beach, en Floride, les populations de mérous se sont effondrées en raison de la surpêche, ce qui a entraîné la fermeture de la pêcherie dans les années 1990.
Les photographes National Geographic peuvent être envoyés en mission quasiment n’importe où, du fond de la mer à un camp d’été du Père Noël dans le Missouri.
Sur la photo ci-dessus, le photographe animalier David Doubilet installe un trépied pendant que sa partenaire, Jennifer Hayes, le photographie. À côté de M. Doubilet, un mérou curieux observe la scène.
« Il surveillait chacun de nos mouvements et a pris une partie de notre équipement pour le transporter ; nous avons bien rigolé », raconte Jennifer Hayes.
« Le jeune poisson curieux est devenu obsédé par les clics de l’obturateur et s’est positionné directement devant l’objectif sans bouger pendant tout ce temps… Il y a eu des centaines de photos, toutes identiques ! Des portraits en gros plan et flous, alors qu’il regardait l’appareil photo avec insistance. »
Des plus fantaisistes aux plus tragiques, nous célébrons la journée mondiale de la photographie avec une sélection d’images prises par nos photographes en mission pour National Geographic.
« [Nos photographes] travaillent sans relâche sur le terrain pendant des semaines, des mois et parfois même des années. Ils nous livrent des histoires à l’aide d’une technologie développée en interne par notre équipe d’ingénieurs », explique Dominique Hildebrand, la rédactrice en chef de National Geographic qui a choisi ces photos.
« Chacune de ces images capture un moment qui dure à peine une fraction de seconde pour transmettre un récit plus profond et susciter des émotions, favorisant ainsi les liens entre le spectateur, le photographe et le sujet », explique-t-elle.
Chacune de ces missions présente des défis particuliers.
Atteindre des communautés isolées peut être physiquement exigeant. La faune, en particulier celle qui se délecte d’une carcasse, est difficile à approcher. Et les gens, que l’on voit ici à travers des portraits, sont des êtres complexes. Le photographe doit être capable à la fois de prendre au sérieux un rassemblement humoristique, mais aussi de capturer notre part d'humanité lors d'une tragédie mondiale.
Plongez dans l’histoire qui se cache derrière chaque cliché, et rendez-vous sur notre compte Instagram officiel @natgeofr pour admirer d’autres photos sélectionnées pour célébrer l’art de la photographie.
Un homme Wakhi s’abreuve à une source près de son yak en Afghanistan.
MATTHIEU PALEY AU SOMMET DU « TOIT DU MONDE »
« Parfois, le simple fait de réussir à arriver sur place est la partie la plus importante de mon travail de photographe.
Pour mon premier reportage dans le magazine National Geographic en janvier 2012, j’ai passé 40 jours en mission, dont 28 consacrés au voyage lui-même. L’objectif était de remonter la rivière Wakhan gelée en Afghanistan, une randonnée hivernale jusqu’au plateau de haute altitude du Petit Pamir, à plus de 4 200 mètres, afin de documenter la vie difficile de la communauté kirghize afghane. Même si je connaissais cette région pour y avoir travaillé par intermittence pendant plus d’une décennie, l’hiver dans le Pamir afghan était inconnu pour moi. Les derniers étrangers à avoir navigué sur la rivière gelée l’ont fait en 1972… J’étais à la fois enthousiaste et inquiet, c’est le moins que l’on puisse dire.
Je venais d’être père, mon fils avait tout juste 11 mois, ce qui me rajoutait du stress. Et si la glace se brisait sous mon poids ? Comme pour la plupart des choses effrayantes dans votre esprit, une fois que vous les vivez réellement, vous les comprenez et elles vous accompagnent… Ce sont les images de “mon ascension” vers mon premier article pour le magazine, des moments extraordinaires, gravitant autour de cette histoire. »
— Matthieu Paley, @paleyphoto
Un Père Noël prend la pose au bord d’une piscine lors d’une convention de Pères Noël au Missouri.
DINA LITOVSKY S’INSCRIT AU CAMP D’ÉTÉ DU PÈRE NOËL
« Lorsque les gens pensent à National Geographic, ils imaginent des paysages épiques, des animaux sauvages et des cultures lointaines. Ils ne pensent probablement pas à 750 imitateurs professionnels du père Noël réunis dans la chaleur étouffante de Branson, dans le Missouri.
Photographier cette sous-culture a été ma première mission pour Nat Geo et reste l’une de mes préférées. Sur la première photo, le père Noël Steven se rafraîchit au bord de la piscine avant une soirée de gala au cours de laquelle tous les pères Noël doivent revêtir leur tenue d’hiver professionnelle… Être un père Noël professionnel exige à la fois dévouement et générosité. La plupart des pères Noël que j’ai rencontrés étaient des professeurs à la retraite ou d’anciens combattants. Tous partagent une passion pour leur métier qui m’a donné, ainsi qu’aux lecteurs, un aperçu fascinant d’une profession dont je ne savais pas grand-chose. »
— Dina Litovsky, @dina_litovsky
Une louve (Canis lupus) prévient sa meute de rester à l’écart pendant qu’elle mange.
JOEL SARTORE DÎNE AVEC LES LOUPS
« L’International Wolf Center d’Ely, dans le Minnesota, possédait une petite “meute d’étude” de loups dans un grand enclos extérieur. Les chercheurs pouvaient observer leur comportement tout au long de l’année et les touristes s’arrêtaient de temps en temps en espérant les apercevoir.
J’ai demandé ce que les loups mangeaient et l’un des biologistes m’a répondu que le département chargé des transports apportait les cerfs tués sur la route deux fois par semaine. Ils y jetaient la carcasse entière et laissaient les loups la déchiqueter et la dévorer comme ils le feraient dans la nature. J’ai trouvé que ce serait une bonne occasion de mettre en place une caméra à distance. Je l’ai appelée la “Camcarcasse”.
J’ai passé une semaine sur place, ce qui m’a donné deux fois l’occasion d’installer un petit appareil photo à déclenchement radio à proximité de la carcasse. Le laboratoire d’ingénierie photographique de National Geographic a créé une lourde sphère en plexiglas dotée d’un port pour l’objectif, dans laquelle l’appareil photo a été placé. Le dispositif était suffisamment large pour que les loups ne puissent pas l’attraper et le réduire en miettes avec leur mâchoire. La première fois que j’ai essayé, tout ce que j’ai obtenu, c’est des images de la gorge poilue des loups pendant qu’ils mangeaient le cerf derrière l’appareil photo. Deux ou trois jours plus tard, lorsque le deuxième cerf mort de la semaine a été apporté dans l’enclos, j’ai procédé un peu différemment. J’ai placé le cerf et l’appareil photo aux opposés, avec beaucoup de plaques de bois derrière l’appareil photo. Je me suis dit que les loups ne voudraient pas marcher sur une surface dure et étrange comme celle-là, et j’avais raison.
Cette fois, ils se sont approchés pour manger face à l’appareil photo. Leurs pattes gelées n’ont pas quitté la neige. Cette photo a été prise au moment où la louve cheffe de meute hurlait à ses compagnons de rester à l’écart jusqu’à ce qu’elle ait terminé ce qu’elle avait à manger. La petite zone floue sur sa gorge est l’endroit où elle a léché le port de l’objectif pour essayer de comprendre de quoi il s’agissait avant de dévorer son repas.
— Joel Sartore, @joelsartore
Une femme traverse le Somaliland, un territoire frappé par la sécheresse.
NICHOLE SOBECKI EXPOSE LES CONSÉQUENCES D’UNE CATASTROPHE CLIMATIQUE
« En traversant une région de l’ouest du Somaliland frappée par la sécheresse, je suis tombée sur un groupe de femmes qui lavaient leur linge dans une flaque d’eau au bord de la route, la seule qu’elles aient trouvée. Nous avons parlé pendant un moment des défis auxquels elles étaient confrontées, des animaux qu’elles avaient perdus à cause de la sécheresse et des puits qui s’étaient asséchés.
La Somalie est depuis longtemps une terre de tous les extrêmes, mais les changements climatiques et environnementaux aggravent ces problèmes mettent fin à certains modes de vie.
Alors que ces femmes se retournaient pour rentrer chez elles, j’ai pris cette image de l’une d’entre elles dans un champ de cactus. Les couleurs de son foulard se fondent dans la végétation et le ciel, et me rappellent à quel point les liens entre les gens et la terre sont intimes. Ce que nous appelons notre voix est profondément façonné par les récits que nous voyons, entendons et intériorisons chaque jour. C’est ainsi que nous façonnons le monde, au-delà de nos expériences limitées. Certains récits peuvent guider nos choix et nous changer, parfois radicalement. J’espère que des clichés comme celui-ci peuvent renforcer notre lien avec le monde naturel et mettre fin à notre supposée indépendance, qui engendre des comportements néfastes envers notre planète, et les uns envers les autres. »
— Nichole Sobecki, @nicholesobecki
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.