Anthony Fauci : Il n'y a aucune preuve scientifique que le virus a été fabriqué en laboratoire
Dans une interview exclusive, le désormais célèbre immunologiste américain met en garde contre la ruée des États vers le déconfinement et le déluge de fausses informations sur la pandémie.
Anthony Fauci dirige l'Institut national des allergies et maladies infectieuses (NIAID) des États-Unis depuis près de 40 ans. À la tête de cette institution, il a affronté des dizaines d'épidémies, notamment celle du VIH. Pour lui, le coronavirus est d'une « extraordinaire » efficacité.
Anthony Fauci est devenu le visage scientifique de la réponse américaine au COVID-19 et il affirme que les preuves les plus probantes montrent que le virus à l'origine de la pandémie n'a pas été fabriqué dans un laboratoire chinois.
Directeur de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses des États-Unis (NIAID), le docteur Fauci a clôturé le débat qui faisait rage parmi les politiciens et les commentateurs en le qualifiant de « raisonnement circulaire » lors d'un entretien avec National Geographic lundi 4 mai 2020.
« Si l'on compare l'évolution du virus chez les chauves-souris et ce qui circule aujourd'hui, [les preuves scientifiques] penchent très, très fortement en faveur du fait que le virus n'a pas pu être créé artificiellement ou manipulé délibérément… l'ensemble de l'évolution progressive au fil du temps indique fermement que [le virus] a évolué dans la nature avant de réaliser un saut d'espèce, » explique Fauci. En s'appuyant sur des preuves scientifiques, il écarte également une autre théorie qui voudrait que le virus ait été trouvé dans la nature et rapporté en laboratoire avant de s'échapper accidentellement.
Le Dr Anthony Fauci et la Dre Deborah Birx, coordinatrice pour la Maison Blanche de la riposte face au coronavirus, écoutent le discours prononcé par le président Donald Trump à propos du coronavirus dans la salle de conférence James Brady au sein de la Maison Blanche, le 9 avril 2020, à Washington.
Ce qui préoccupe le plus le Dr Fauci, c'est la seconde vague épidémique de COVID-19 qui risque de frapper les États-Unis si le pays ne parvient pas à réduire le taux d'infection d'ici l'été.
« Honte à nous si nous ne disposons pas d'un nombre suffisant de tests avant le retour, comme il est appelé, de l'épidémie à l'automne ou à l'hiver, » déclare-t-il, en ajoutant que les États-Unis doivent s'assurer que nous disposons non seulement d'une réserve adéquate de tests disponibles avant l'arrivée de la seconde vague, mais également d'un système pour fournir ces tests à ceux qui en ont le plus besoin.
« Je ne pense pas qu'il y ait une chance que ce virus finisse simplement par disparaître, » poursuit-il. « Il va rester dans les parages et s'il en a l'occasion, il émergera à nouveau. » C'est pourquoi le Dr Fauci préconise également aux États de se concentrer cet été sur un véritable renforcement du système de santé publique en veillant à la bonne disponibilité de lits d'hôpitaux, de ventilateurs et d'équipements individuels de protection pour les soignants.
Il a également insisté sur l'importance de la continuité des mesures de distanciation sociale jusqu'à voir le nombre de cas sérieusement diminuer. Au mois d'avril, les États-Unis ont enregistré 20 000 à 30 000 nouveaux cas par jour, ce qui suggère que le pays stagne à son pic épidémique.
Il reste toutefois optimiste quant à la mise à disposition d'un vaccin dans un délai historiquement court, en évoquant notamment un candidat qui d'après lui pourrait arriver au stade des essais cliniques avancés d'ici le début de l'été. Le Dr Fauci pense qu'une version finale du vaccin pourrait être disponible dès le mois de janvier pour un usage général, ce qui battrait tous les records de vitesse précédemment établis en matière de développement de vaccins.
Alors président des États-Unis, George W. Bush remet la médaille présidentielle de la Liberté à Anthony Fauci, directeur de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses, à Bethesda, dans le Maryland, à l'occasion d'une cérémonie à la Maison Blanche le 19 juin 2008. Plus haute récompense civile des États-Unis, la médaille présidentielle de la Liberté est décernée en reconnaissance d'un service exceptionnel rendu à la nation.
Cette confiance, il l'explique en partie par les résultats « impressionnants » observés actuellement chez les animaux sur lesquels a été testé un vaccin candidat fabriqué par Moderna Therapeutics, une société basée à Cambridge dans le Massachusetts, qui a atteint le stade des essais humains au bout de 42 jours, un record. Ce candidat s'inscrit dans la catégorie des vaccins à ARNm, un médicament qui utilise des fragments du matériel génétique du virus plutôt que le virus lui-même dans une version inerte ou affaiblie, pour produire les protéines nécessaires au déclenchement de la réponse immunitaire protectrice de l'organisme.
À ce jour, aucun type de vaccin à ARNm n'a été homologué pour une utilisation chez l'Homme, mais en s'appuyant en partie sur son expérience dans la mise au point de traitements contre le VIH/SIDA dans les années 1980 et 1990, le Dr Fauci estime cette technologie très prometteuse pour cibler le coronavirus.
« Pour une raison que nous tentons encore d'élucider, l'organisme n'apporte pas une réponse immunitaire adéquate contre le VIH, » dit-il. Pour combattre ce virus, le vaccin doit être plus performant que la réponse naturelle de l'organisme. À l'inverse, « il est clair que bon nombre de patients développent une réponse immunitaire tout à fait adéquate » contre le virus SARS-CoV-2 et les essais sur les animaux ont jusqu'à présent montré que des doses raisonnables du vaccin à ARNm pour le coronavirus généraient également une réponse immunitaire solide.
Il précise que le NIAID n'a pas pour autant arrêté ses recherches vaccinales ni suspendu son soutien apporté aux différentes initiatives, dans le cas où les candidats arrivés les premiers au stade des essais cliniques se révéleraient peu sûrs et inefficaces. « Il nous faut un grand nombre de tirs au but. Le mieux serait d'avoir quatre ou cinq candidats à l'essai dans des délais raisonnables, » illustre-t-il.
Le Dr Fauci a fait part à National Geographic de ses inquiétudes concernant la hâte avec laquelle certains Etats ordonnent la reprise des activités économiques avant même la diminution du taux d'infection. Il a également dévoilé sa stratégie pour faire face à l'avalanche de nouvelles informations scientifiques associées au coronavirus et la façon dont sa foi et sa famille lui permettaient de garder le cap malgré un emploi du temps toujours plus mouvementé.
(L'interview qui suit a été éditée par souci de longueur et de clarté.)
À propos du vaccin
En tant que directeur de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses depuis 1984, vous avez été témoin de plusieurs dizaines d'épidémies. L'une des premières était l'épidémie de VIH. Comment se compare-t-elle à la pandémie de COVID-19 ?
L'un des avantages considérables est ce que nous appelons le développement de médicaments à cible définie. Les virus provoquent des maladies en se fixant sur les récepteurs des cellules de votre organisme, au niveau des voies respiratoires ou des poumons dans le cas du coronavirus. Ils procèdent ensuite à une réplication rapide qui déclenche divers processus pathogènes. Le ciblage des médicaments afin qu'ils interfèrent au niveau d'un ou plusieurs sites vulnérables dans ce cycle de réplication est une technique que nous avons mise au point avec le VIH.
L'ex-président des États-Unis, Barack Obama, écoute la Dre Nancy Sullivan, directrice du programme de recherche en biodéfense de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses, pendant son explication relative aux tests sur sujets humains du candidat vaccin contre le virus Ebola, à l'occasion d'une visite des laboratoires du Centre de recherche pour les vaccins de la NIAID à Bethesda, dans le Maryland, le 2 décembre 2014. Les docteurs Anthony Fauci et Francis Collins, directeur du National Institutes of Health, se tiennent en arrière-plan.
Le SARS-CoV-2 [le virus à l'origine du COVID-19] présente le même type de points vulnérables. Nous devons les identifier et mettre au point des médicaments capables de bloquer la réplication, seuls ou en combinaison.
Y a-t-il également des leçons à tirer du VIH/SIDA pour le développement d'un vaccin contre le SARS-CoV-2 ?
Ce sont des vaccins différents. Nous avons plus de chance aujourd'hui d'obtenir rapidement, relativement parlant, un vaccin pour le nouveau coronavirus que nous n'en avions pour le VIH, car pour une raison encore inconnue l'organisme ne fournit pas de réponse immunitaire efficace contre le VIH.
Nous n'avons pas nécessairement ce genre de problème avec le coronavirus, car il est clair que bon nombre de patients développent une réponse immunitaire tout à fait adéquate. Ils se débarrassent du virus et ils le font bien. Comme nous l'a montré l'histoire naturelle de cette maladie, la majorité des cas se rétablissent soit sans avoir manifesté de symptôme, ils sont alors asymptomatiques, soit après avoir développé des symptômes modérés comme de la fièvre et des courbatures.
Le fait qu'une majorité de la population puisse effectivement se débarrasser du virus est un signe encourageant pour la faisabilité du développement d'un vaccin.
Les deux candidats vaccins les plus évoqués sont un vaccin à ARNm de Moderna Therapeutics, arrivé au stade des essais sur l'Homme en un délai record de 42 jours, et le candidat de l'université Oxford, fondé sur les vecteurs viraux non propagatifs. Pourtant, aucun vaccin utilisant ces deux technologies n'a été à ce jour homologué pour une utilisation chez l'Homme. Pourquoi ces deux vaccins semblent-ils si prometteurs, notamment avec ces délais accélérés ?
Ces vaccins induisent, au moins chez les modèles animaux, des réponses immunitaires plutôt conséquentes, particulièrement le candidat à ARNm. Lorsque nous regardons la réponse immunitaire qu'il est possible de provoquer avec une dose modeste, pouvant être adaptée à l'Homme, et le temps nécessaire pour atteindre ce degré d'immunité, les résultats sont assez impressionnants. Il est également très facile de passer ces deux candidats à l'échelle, c'est-à-dire de produire beaucoup de doses en relativement peu de temps. Donc, vous avez raison, ils n'ont pas été approuvés, comme ont pu l'être de nombreux vaccins issus des autres stratégies, mais ils sont très prometteurs.
Avec le NIAID, nous développons ou soutenons le développement de plusieurs candidats. Il nous faut un grand nombre de tirs au but. L'idéal serait de voir quatre ou cinq candidats émerger dans des délais raisonnables, peut-être juin, juillet ou août, pour les étudier en phase avancée d'essais cliniques. Le vaccin à ARNm est déjà à l'étude depuis un certain temps dans la phase 1 des essais cliniques et nous nous préparons à une entrée en phase 2 et 3 au début de l'été.
À propos de la reprise et des masques
À l'heure où les Etats se dirigent vers une réouverture des commerces pendant que le beau temps incite les populations à sortir, à quel point l'émergence d'un nouveau pic d'infection aux États-Unis vous préoccupe-t-elle ?
Il suffit de regarder les directives énoncées dans le programme Opening Up America Again. Elles présentent des étapes clairement délimitées. L'une d'entre elles précise que les infections doivent avoir diminué pendant quatorze jours avant d'accéder à la première phase de réouverture. Si vous remplissez les exigences de la phase 1, vous passez à la phase 2. Si la phase 2 se déroule correctement, vous passez à la phase 3.
Donc lorsque vous vivez dans un environnement où les infections ne diminuent pas, puis vous voyez 30 ou 40 personnes sur la plage sans aucun masque… c'est très bien de s'amuser au soleil, mais vous faites courir le risque aux autres et à vous-même de générer un pic d'infection encore plus important.
Redoutez-vous l'arrivée d'une seconde vague ?
Ce qui m'a le plus impressionné, mais de façon troublante, c'est l'extraordinaire efficacité de ce virus à se propager. Il se transmet bien plus efficacement que la grippe. Il y a des situations où les patients tentent chez eux de se séparer physiquement ; ils n'ont aucun contact hormis celui d'avoir touché un plat ou une poignée de porte, et ils finissent par être infectés.
Les clusters au sein même des familles, les épidémies à bord du porte-avions Teddy Roosevelt, l'énorme propagation sur le navire de croisière Diamond Princess dans le port de Yokohama ; tout cela montre que c'est un virus très, très transmissible.
Anthony Fauci prend dans ses bras Nina Pham, l'infirmière contaminée par le virus Ebola après avoir soigné un patient, Thomas Eric Duncan, à Dallas, sous le regard de la mère de Nina, Diana (sixième depuis la gauche), de sa sœur, Cathy (quatrième depuis la gauche), et du directeur du National Institutes of Health, Francis Collins (à gauche) à la fin d'une conférence de presse dans les locaux du NIH, le 24 octobre 2014, à Bethesda dans le Maryland. Nina Pham a été déclarée indemne du virus.
Nous allons être mis au défi à mesure que nous approchons de l'automne et de l'hiver cette année. Si tout se passe bien, alors nous pourrions être en mesure de ralentir et diminuer le rythme quotidien des infections dans ce pays à l'arrivée de la période estivale. Je ne peux pas le garantir, mais si nous procédons correctement, il est probable que cela se produise.
Par contre, je ne pense pas qu'il y ait une chance que ce virus finisse simplement par disparaître. Il va rester dans les parages et si nous lui en donnons l'occasion, il émergera à nouveau. À présent, nous allons disposer de quelques mois (mai, juin, juillet et août) pour nous préparer, en veillant à ce que notre système de santé soit adéquatement approvisionné en ventilateurs, lits de soins intensifs, équipement de protection personnel, et cætera. Nous devons non seulement avoir des tests, mais également garantir que les personnes qui en ont besoin puissent être testées.
Tout cela pour qu'en arrivant au mois de septembre, le débat ne soit pas continuellement centré autour de la question : a-t-on suffisamment de tests ? Honte à nous si nous ne disposons pas d'un nombre suffisant de tests avant cet éventuel retour à l'automne et à l'hiver.
Quelle est votre position quant au port du masque pour le grand public ?
Je suis ravi que vous me le demandiez, car elle a évolué au fil des mois et des semaines. Le débat a fait sa première apparition lorsque les masques faciaux, chirurgicaux ou N95, se faisaient très rares.
Admettons que nous ayons désormais suffisamment de masques ou qu'il soit possible d'en fabriquer facilement en tissu, comme l'ont judicieusement suggéré les Centers for Disease Control and Prevention (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies américain, ndlr). Je pense que ces hypothèses sont raisonnables. Nous savons que les masques sont plus utiles dans le cadre sanitaire pour empêcher une personne infectée de contaminer d'autres personnes de son environnement en toussant ou en éternuant. Lorsque l'on s'intéresse à leur effet dans la population générale, les données ne sont pas du 100 % : ils ne vous empêchent pas à 100 % d'infecter quelqu'un d'autre et ils ne vous protègent en aucun cas à 100 % contre une infection venant d'une autre personne.
Mais si vous portez un masque, vous vous munissez d'une protection pour vous-même, et s'il arrive que vous soyez infecté sans le savoir, vous évitez dans une certaine mesure de transmettre la maladie à quelqu'un autre. Sachant cela, la première chose qui semble évidente, c'est que la meilleure façon d'empêcher la propagation du virus est de respecter la distance physique de deux mètres.
Donc, si vous êtes dans une situation où vous n'avez aucun contact, alors il est inutile de porter un masque toute la journée, bien entendu. Mais si vous êtes dans une situation où vous n'allez pas pouvoir respecter cette distance, au supermarché ou dans la rue par exemple, alors portez un masque.
À propos du déluge d'informations et de l'hypothèse d'un virus fabriqué dans un laboratoire chinois.
Quelle est votre stratégie pour faire face au déluge d'informations et ne retenir que les éléments scientifiques les plus importants ?
C'est un peu comme essayer de boire à une bouche d'incendie. Heureusement pour moi, j'ai une équipe de trois ou quatre personnes très compétentes qui parcourent les articles et lorsque l'un d'entre eux semble peu raisonnable ou complètement illusoire, ils ne s'ennuient pas à me le présenter. Une fois toutes les études rassemblées sur mon bureau, je lis le titre et le résumé. S'ils me semblent réalisables, je mets l'étude de côté et je m'efforce de la lire. S'ils pensent que je dois lire une étude en particulier, ils veillent à ce que ce soit fait.
Même avec cet écrémage, il est encore difficile d'ingurgiter toutes les publications, surtout avec cette tendance relativement récente des prépublications, non évaluées par les pairs [qui n'ont pas subi la traditionnelle validation avant d'apparaître dans les grandes revues scientifiques].
Le Dr Anthony Fauci discute avec les membres de son laboratoire lors d'une réunion le 31 août 1990 pendant laquelle il décrit un facteur de croissance naturelle nécessaire pour que le virus du SIDA se multiplie.
Quels seraient vos conseils au grand public pour passer au crible les gros titres et déchiffrer ce flot d'informations ?
N'importe qui peut se prétendre expert d'un sujet, même en l'absence totale de connaissance, et il est très difficile pour le grand public de faire la distinction. Il faudra donc veiller à ce que l'étude provienne d'une organisation respectable qui a pour habitude de dire la vérité — même si dans certaines organisations respectables, il y a parfois un intrus qui ne raconte que des inepties.
Si un article est publié dans des revues comme le New England Journal of Medicine, Science, Nature, Cell ou JAMA, vous savez, généralement ces revues sont correctement évaluées par des pairs, car les rédacteurs en chef et leurs équipes prennent les choses très au sérieux.
L'un des sujets en vogue dans les médias en ce moment est l'origine du SARS-CoV-2. Pensez-vous, ou existe-t-il des preuves que le virus a été fabriqué dans un laboratoire en Chine ou s'est accidentellement échappé de l'un de ces laboratoires ?
Si l'on compare l'évolution du virus chez les chauves-souris à ce qui circule aujourd'hui, [les preuves scientifiques] penchent très, très fortement en faveur du fait que le virus n'a pas pu être créé artificiellement ou manipulé délibérément, il n'y a qu'à regarder la façon dont les mutations ont évolué naturellement. Un certain nombre de biologistes de l'évolution hautement qualifiés affirment que l'ensemble de l'évolution progressive au fil du temps indique fermement que [le virus] a évolué dans la nature avant de réaliser un saut d'espèce.
Très bien, mais est-il possible que des scientifiques aient trouvé le virus en dehors des laboratoires, l'aient rapporté, et qu'il se soit ensuite échappé ?
Mais cela signifie que le virus était déjà dans la nature. C'est pour cela que je ne comprends pas leurs propos ; et c'est pourquoi je ne consacre pas beaucoup de temps à ce raisonnement circulaire.
La vie du Dr Fauci à l'heure de la pandémie
À quoi ressemble votre journée type ?
Je me lève vers 5 h du matin et je me précipite généralement dans les escaliers pour prendre un bref petit-déjeuner et lire un millier d'e-mails, littéralement.
Je me dirige ensuite vers les locaux du National Institutes of Health pour mon premier emploi : tenter de développer un vaccin et des médicaments tout en dirigeant une institution évaluée à six milliards de dollars. J'y reste jusque 13 h environ, puis je pars pour la Maison Blanche afin d'assister à une série de réunions.
La première, avec le groupe de médecins composé de Debbie Birx, coordinatrice de la riposte face au coronavirus, Bob Redfield, directeur des CDC, Steve Hahn, Commissaire de la Food and Drugs Administration, moi-même et d'autres responsables. Nous passons ensuite à la réunion de la Task-Force menée par le Vice-Président [Mike Pence], qui dure généralement une heure et demie. Nous résumons ce prébriefing avec le Vice-Président puis allons briefer le Président [Donald Trump] pour la conférence de presse.
Ensuite, le travail commence… Je rentre chez moi ou je regagne les locaux du NIH et je travaille jusqu'aux petites heures du matin. La journée est ponctuée de personnes qui veulent absolument vous parler : chaque gouverneur d'état, chaque leader du Congrès, chaque responsable de la Maison Blanche. Les téléconférences n'en finissent jamais. C'est une situation presque impossible et elle se répète sept jours par semaine.
Puis il faut ajouter à cela les entretiens avec la presse à travers la télévision, la radio ou les interviews. C'est un état quelque peu surréaliste. Lorsque je me réveille le matin je dois littéralement demander à ma femme "Quel jour est-on ?" et je ne plaisante pas.
Impressionnant, comment faites-vous pour décompresser ?
Je fais de la marche rapide avec ma femme, généralement le soir ou les week-ends. Il fait noir, mais nous y allons quand même.
Avez-vous déjà eu le sentiment que cette vie était trop contraignante ?
Il y a quelques mois, j'ai été naïf en pensant que je pouvais m'en sortir sans presque aucun sommeil. Je veux dire, environ trois heures par nuit. C'est ce que j'ai fait durant plusieurs semaines et j'ai failli en mourir. Ça m'avait vraiment beaucoup affecté. Dieu merci, j'ai une femme intelligente et cliniquement compétente qui a su renverser la situation et me dire de ne pas oublier de manger ni de dormir. Les journées sont toujours impossibles, mais je ne pense pas qu'elles finiront par me tuer. Je l'espère en tout cas.
Vous êtes allé au lycée jésuite, où vous avez appris l'importance de faire le bien. En quoi cette expérience influe-t-elle sur votre vie professionnelle ?
Toute ma vie, j'ai vu ma mère et mon père très portés sur le principe du service. Ils n'ont jamais été intéressés par l'argent ou les choses matérielles. C'était leur façon d'être, à tous les deux. Je n'étais donc pas familier avec le fait de travailler pour gagner énormément d'argent et cet état d'esprit a vraiment été renforcé lors de mon passage au lycée puis au Collège des jésuites, où le principal leitmotiv était de rendre service aux autres.
Je n'ai presque jamais eu envie de faire autre chose qu'un métier avec une composante de service public. Je suis quelqu'un de très sociable avec un penchant pour les sciences. L'ensemble de ma formation a baigné dans les humanités et lorsque vous associez cela à une aptitude pour les sciences, vous finissez par être médecin.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.