La "graisse brune" pourrait retarder le vieillissement

Des études suggèrent que la graisse brune (que nous perdons avec l'âge) pourrait contribuer à réduire le risque de maladies inflammatoires, à contrôler l'obésité et à allonger notre espérance de vie.

De Michael F. Roizen, M.D., Peter Linneman, Albert Ratner
Publication 21 févr. 2023, 14:10 CET
Nous détenons le plus de « bonnes graisses » lorsque nous sommes bébés, puis les perdons en grandissant. ...

Nous détenons le plus de « bonnes graisses » lorsque nous sommes bébés, puis les perdons en grandissant. Des scientifiques essaient de trouver un moyen de reconstituer cette graisse pour lutter contre le vieillissement.

PHOTOGRAPHIE DE FroggyFrogg, iStock, Getty Images Plus

Dans un monde où nous pouvons tout éteindre et rallumer grâce à un simple interrupteur, il n’est pas étonnant que nous souhaitions appliquer un tel principe à notre biologie. Imaginez avoir la possibilité d’activer ou de désactiver tout ce que vous voulez dans votre organisme.

En août 2020, une équipe de recherche internationale a annoncé avoir découvert comment activer la « graisse brune », qui est l'une des clés du bon fonctionnement du métabolisme, du contrôle de l'obésité et du diabète, et peut-être même de la longévité. Les résultats de la collaboration entre le Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CRCHUS) au Québec et le Novo Nordisk Foundation Center for Basic Metabolic Research (CBMR) de l'Université de Copenhague ont été publiés dans la revue Cell Metabolism.

La graisse brune brûle de l'énergie et produit de la chaleur (un processus appelé thermogenèse) après avoir été activée par le froid ou des signaux chimiques. Les humains possèdent de petits dépôts de graisse brune, et les scientifiques affirment depuis longtemps que trouver d'autres moyens d'activer cette graisse de manière pharmacologique ou de transformer la graisse blanche en graisse brune pourrait contribuer à améliorer notre métabolisme.

 

La science et la technologie révolutionneront notre capacité à vivre mieux, plus longtemps, et plus jeune, selon The Great Age Reboot, dont cet article est adapté. Cet ouvrage a été publié par National Geographic Partners, LLC, le 13 septembre 2022. Copyright ©2022 Michael F. Roizen. Tous droits réservés.

PHOTOGRAPHIE DE National Geographic

GRAISSE BLANCHE ET GRAISSE BRUNE : DIFFÉRENCES

Toutes les graisses ne se valent pas. Quand on parle de graisse, on pense généralement à la graisse blanche qui, comme son nom l’indique, est blanche ou blanc-jaune sous la peau. Nous naissons pourtant aussi avec de la graisse brune.

Localisée dans le cou et les épaules des nouveau-nés, la graisse brune est efficace sur le plan métabolique, car elle brûle une grande quantité de calories, ce qui permet de garder l’organisme au chaud (une condition essentielle pour les nouveau-nés). Nous perdons la majeure partie de notre graisse brune en vieillissant. À l'âge de 6 ans, il nous reste moins de 5 % de la graisse brune que nous avions à la naissance ; la graisse que nous prenons au fil du temps est principalement blanche. Cette dernière est inefficace sur le plan métabolique, ce qui signifie qu'elle est relativement inactive : elle ne consomme pas beaucoup d'énergie, est difficile à brûler, s'accumule, et provoque d'autres problèmes de santé.

Quel est le rapport avec la jeunesse ? Des chercheurs d'une entreprise proche de l'université de Californie à Davis et d’autres de l'université de Copenhague ont parallèlement disposé de la graisse blanche dans des tubes à essai, l'ont fait régresser en cellules graisseuses pluripotentes, ont actionné quelques interrupteurs épigénétiques… et sont parvenus à la transformer en graisse brune. Ils ont ensuite injecté cette graisse brune à des moutons gras. Résultat : comme prévu, les moutons disposant de plus de graisse brune se sont amincis et ont vu leur syndrome métabolique et leur diabète disparaître.

L'utilisation de la graisse brune est difficile, notamment car tous ses effets positifs doivent être programmés et intégrés dans l'ancienne graisse blanche : un processus certes difficile, mais pas impossible. Un groupe du Delaware est en effet parvenu à transformer de la graisse blanche en graisse brune à petite échelle en activant, à l'aide d'un médicament approuvé, la graisse brune inactive dans le corps de plusieurs femmes. Cette réussite pourrait mener à la mise au point d'un nouveau médicament apparenté, mais également conduire à une série de transplantations de cellules souches et d'exosomes capables de transformer une plus grande partie de la graisse blanche en graisse brune, qui est beaucoup plus active sur le plan métabolique. Cependant, la plupart des personnes plus âgées ne disposent pas d'une quantité significative de graisse brune. Activer la graisse brune déjà présente ne suffit donc pas : il faut en développer davantage.

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    REPROGRAMMATION ET RÉGÉNÉRATION

    Que se passerait-il si l'on pouvait transformer la graisse blanche d'une personne en graisse brune, grâce à ce que l'on appelle la « régénération tissulaire induite » – en utilisant la reprogrammation pour transformer un type de cellule en cellules souches pluripotentes ? Et si l'on pouvait activer des gènes spécifiques pour faire fonctionner ces cellules comme des cellules de tissus adipeux bruns ? Et si ces nouvelles cellules de tissus adipeux bruns pouvaient ensuite être réinjectées dans le corps de la personne ?

    Pour réaliser ce processus, deux découvertes distinctes et importantes seraient nécessaires. Comme indiqué précédemment, les cellules souches pluripotentes induites à partir de cellules adultes sont très prometteuses. Shinya Yamanaka, au Japon, a ramené des cellules adultes à leur état embryonnaire d'origine : à ce stade, elles peuvent encore se transformer en de nombreuses cellules différentes et former de la graisse brune, de la graisse blanche, le cœur, le cerveau, les reins, etc. Yamanaka a procédé à ce retour en arrière en activant quatre gènes (désormais appelés les « facteurs Yamanaka »), ce qu'il a pu faire en activant quatre interrupteurs embryonnaires.

    Ainsi, après avoir transformé des cellules adipeuses blanches adultes en cellules pluripotentes, le groupe de recherche a procédé à quelques modifications épigénétiques supplémentaires pour obtenir des cellules adipeuses brunes. Les scientifiques ont ensuite cultivé ces dernières, et les ont rendues non immunogènes en activant un autre gène qui a permis de modifier l'expression des protéines à la surface des cellules. Ils ont ainsi pu réinjecter la graisse brune à des moutons gras, sans que ceux-ci la rejettent par la suite.

    Une fois que les études sur les humaines auront commencé, il devrait falloir moins de cinq ans pour que cette capacité à transformer la graisse blanche en graisse brune change vraiment la donne. La graisse brune nous rendra probablement beaucoup plus minces et réduira les risques de diabète, de maladie cardiaque, de cancer, d'arthrose et de démence.

     

    AMÉLIORER LA LONGÉVITÉ

    Depuis 1974, l'accroissement du taux de graisse blanche est l'une des principales causes de la diminution de la durée de vie, de l’apparition de maladies et de l'augmentation du nombre d’individus souffrant de maladies chroniques comme l'arthrose, le diabète de type 2 et de nombreux cancers. De nombreux symptômes du vieillissement, tels que la fatigue et le manque d'énergie, sont dus à la destruction biologique et à l'inflammation qui résultent de l'excès de graisse blanche. L'accumulation de ce tissu adipeux dans la société a fait baisser l’espérance de vie.

    Bien que des traitements médicaux aient permis d'atténuer une grande partie des maladies et des évolutions dans l'espérance de vie causées par la graisse blanche, les humains continuent d'accumuler un excès de graisse blanche. Ce phénomène est majoritairement dû à la consommation d'aliments contenant des graisses saturées, et d'aliments qui provoquent une augmentation trop rapide du taux de sucre dans le sang.

    Si les scientifiques trouvent un moyen de remplacer la graisse blanche par de la graisse brune, les risques inhérents aux maladies inflammatoires comme l'arthrose, le diabète, les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et les dysfonctionnements cérébraux, pourraient baisser considérablement, à l'inverse des niveaux d'énergie qui pourraient quant à eux connaître une amélioration. En d'autres termes, sur le plan fonctionnel, nous deviendrions plus jeunes. 

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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