Pour cuire parfaitement un œuf dur, il faudrait... 32 minutes

Des scientifiques italiens affirment avoir trouvé la meilleure façon, du point de vue de la science, de préparer un œuf dur. Après avoir testé leur méthode, nous pouvons confirmer que c’est un délice.

De Kieran Mulvaney
Publication 11 févr. 2025, 13:51 CET
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Des températures disparates sont nécessaires pour cuire le jaune et le blanc d’un œuf de la meilleure manière. En concevant un système avec deux récipients d’eau à des températures différentes, les scientifiques ont mis au point un moyen de cuire les deux à la perfection.

PHOTOGRAPHIE DE Rebecca Hale, National Geographic

Cela semble être une tâche culinaire des plus élémentaires mais cuire un œuf dur a fait froncer les sourcils de nombreuses personnes dans leur cuisine et donné naissance à une pléthore de techniques et d’astuces transmises de génération en génération. Qui d’entre nous n’a jamais été déçu d’ouvrir un œuf que nous pensions avoir cuit parfaitement et de découvrir que l’intérieur était soit dur comme de la pierre, soit affreusement liquide ?

Selon une équipe de recherche italienne, si cuire un œuf à la perfection constitue un tel défi, il y a une bonne raison. L’albumen, soit le blanc de l’œuf, et le jaune nécessitent en effet deux températures différentes pour une cuisson optimale : près de 85 °C pour le premier et presque 65 °C pour le second.

Dans la revue Communications Engineering, cette équipe de recherche de l’université de Naples - Frédéric-II affirme avoir découvert la méthode qui permettrait de cuire l’albumen et le jaune d’œuf de la meilleure manière et d’obtenir des œufs à la fois plus savoureux et plus nutritifs que ceux cuits de façons différentes L’inconvénient ? Cela exige d’utiliser deux casseroles d’eau, ainsi qu’un thermomètre, et demande un peu plus d’une demi-heure.  

La technique consiste à se servir d’une casserole d’eau bouillante et d’une autre casserole ou d’un bol d’eau qu’il faut maintenir à une température avoisinant les 30 °C. Le secret est de placer les œufs dans l’eau bouillante pendant deux minutes, puis dans l’eau plus froide durant deux autres minutes et enfin de nouveau dans l’eau bouillante, en répétant le processus complet à huit reprises, ce qui représente une durée de trente-deux minutes au total.

Même si j’étais curieux de découvrir de quelle façon cette équipe de recherche en était venue à élaborer une recette aussi compliquée, une question avait immédiatement fait irruption dans mon esprit : le jeu en valait-il vraiment la chandelle ?

 

REPRODUCTION DE L’EXPÉRIENCE

Désireux de mettre leurs conclusions à l’épreuve, j’ai réalisé ma propre expérience, avec une casserole d’eau en constante ébullition et une autre que j’ai tenté de maintenir aux alentours des 30 °C à l’aide d’un thermomètre de cuisine.

Mon expérimentation ne relevait pas de la même précision technique que celle de l’étude : bien que je me sois servi d’un chronomètre, un délai de quelques secondes m’était inévitablement nécessaire pour transférer les œufs d’une casserole à l’autre, et conserver la température de l’eau plus froide représentait un véritable défi.  

Le simple fait d’introduire les œufs qui venaient de cuire dans l’eau bouillante provoquait une augmentation d’un ou deux degrés. L’équipe de recherche conseille de commencer à 28 °C afin de pallier ce problème. Elle recommande également de gratter légèrement la coquille à une extrémité de l’œuf avant de le cuire et de remuer les œufs en douceur lorsqu’ils sont dans l’eau plus froide, ce que, pour être tout à fait honnête, j’ai omis de faire. 

Ce qui en a résulté était néanmoins délicieux.

La couleur du jaune d’œuf était d’un doré intense, le goût savoureux et la consistance plutôt tendre sans pour autant être liquide. Pour les personnes qui aiment les œufs réellement durs, le résultat pourrait être décevant. Le cas échéant, l’équipe de recherche leur suggèrent d’augmenter la température de la casserole d’eau plus froide. En ce qui me concerne, l’aboutissement était très proche de ce que je considère comme idéal.

 

POURQUOI ÉLABORER UNE TELLE RECETTE ?

L’équipe de recherche travaille au FoamLab de l’université, dont la spécialité est la structure de la matière à différentes températures et dans diverses conditions, notamment le plastique.

Ernesto Di Maio, directeur du laboratoire et coauteur de l’étude, a déclaré à National Geographic que l’équipe s’était lancée dans ce projet lorsqu’un collègue l’avait mis personnellement au défi d’appliquer leurs recherches à des champs plus conventionnels tels que la nourriture.

Cette même personne lui avait appris qu’un chef cuisinier qui vendait « ses œufs quatre-vingts euros pièce » faisait appel à une technique consistant à cuire l’albumen et le jaune de manière séparée avant de « rassembler les deux après la cuisson, d’une façon plutôt élaborée ».   

Ce défi ayant piqué la curiosité d’Ernesto Di Maio, celui-ci a chargé Emilia Di Lorenzo, doctorante, de concevoir une méthode permettant de soumettre les deux parties de l’œuf à leur température idéale au cours du processus de cuisson, tout en gardant intacts la coquille et le contenu.

Celle-ci a abordé cette mission comme le ferait tout bon scientifique des matériaux : bien avant de procéder à des essais en conditions réelles, elle a passé plusieurs semaines à effectuer des simulations informatiques, à modéliser le « transfert de chaleur » depuis l’eau jusqu’au cœur de l’œuf en passant par la coquille, cherchant à allier une température et une durée qui permettraient à l’albumen et au jaune de cuire tout en obtenant la consistance parfaite. 

« Nous avons mis au point un modèle mathématique approprié », explique Emilia Di Lorenzo. « Nous avons ensuite pris l’équation que nous avions écrite et développé un logiciel de mécanique des fluides numérique. "Et si nous les faisions cuire à 100 degrés Celsius ? Que se passerait-il ?" Et ainsi de suite. »

Ce n’est qu’après quelques mois qu’Ernesto Di Maio a découvert qu’Emilia Di Lorenzo n’aimait pas du tout les œufs. « Je l’ai donc torturée avec ce projet. »

Lui, en revanche, n’a aucunement été incommodé et en a même préparé pour sa famille à Pâques. « Le goût les a stupéfaits. »

En dehors du fait que la cuisson des albumens et des jaunes soit parfaite du point de vue de la texture et du goût, Ernesto Di Maio, Emilia Di Lorenzo et leurs collègues ont constaté que les œufs cuits selon leur méthode présentaient de meilleures valeurs nutritionnelles à tous les niveaux par rapport à ceux cuits d’autres manières.

En définitive, leur objectif n’était pas de breveter une nouvelle façon de cuire des œufs, mais de réaliser une expérience de pensée amusante qui montrerait, comme l’équipe de recherche l’a écrit dans son article, qu’« avoir connaissance de la science se cachant derrière des problèmes élémentaires pouvait même améliorer les plus petites choses de notre vie quotidienne, comme le simple fait de manger un œuf ».

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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