La religion peut-elle nous rendre heureux ?

La pratique religieuse est invariablement corrélée à de plus hauts niveaux de contentement et de satisfaction. Voici ce que les recherches s’étant penchées sur ce lien révèlent.

De Julia Flynn Siler
Publication 24 janv. 2025, 18:28 CET
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La religion apporte bien des choses à la vie d’une personne, notamment un sentiment de communauté. Ici, les membres de l’église de l’union baptiste du quartier de Plateau, à Mobile, dans l’Alabama, discutent après un office.

PHOTOGRAPHIE DE Elias Williams, Nat Geo Image Collection

Le Centre de réhabilitation de San Quentin, établissement pénitentiaire situé sur le littoral de la baie de San Francisco, semble être un lieu peu propice au bonheur.

Mais le révérend George Williams, qui y est aumônier, s’épanouit. Le dimanche, il célèbre des messes catholiques en anglais et en espagnol pour 200 hommes incarcérés là et leur apporte un soutien pastoral durant la semaine. Pour ce prêtre, qui porte des lunettes et n’élève jamais la voix, le fait de partager sa foi avec des détenus est source de joie.

« Chaque jour, j’ai hâte d’aller au travail », me confie celui qui fait ce métier en prison depuis trente ans (et qui officie à San Quentin depuis quinze ans). C’est comme « boire la grâce sur une lance à incendie », illustre-t-il.

Des chercheurs ont découvert un lien étroit entre foi et bonheur, un lien dont George Williams a fait l’expérience à San Quentin où il pratique sa foi en se mettant au service de ceux qui se trouvent derrière les barreaux. Ces dernières années, des chercheurs en sciences sociales ont sondé des personnes du monde entier pour leur demander combien elles étaient heureuses. Dans bien des cas, ils ont constaté des corrélations significatives entre le niveau de bonheur déclaré par les sondés et le fait qu’ils participent ou non à des offices religieux structurés.

Peu importe la religion, des corrélations similaires sont observées chez les pratiquants du christianisme, du bouddhisme, du judaïsme, de l’hindouisme ou d’autres religions ; et chez des personnes vivant et travaillant dans les prisons mais aussi en dehors.

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Yom Kippour est le jour le plus saint de l'année juive et marque un temps d'expiation par le jeûne et la prière. Sur cette image, des hommes juifs ultra-orthodoxes prient au pied du mur des lamentations pendant Yom Kippour dans la vieille ville de Jérusalem.

PHOTOGRAPHIE DE Xinhua, Li Rui, Getty

Une influente étude du Pew Research Center a par exemple montré que les personnes actives au sein de congrégations religieuses ont tendance à être plus heureuses que les membres non affiliés ou inactifs de groupes religieux. Celles-ci ont également tendance à davantage s’engager sur le plan civique. Ces résultats, publiés en 2019, s’appuient sur une analyse de données récoltées par le biais d’enquêtes réalisées aux États-Unis et dans une vingtaine d’autres pays, comme le Mexique, le Japon ou l’Espagne. L’étude suggère également que l’on est susceptible de voir le bien-être social et personnel décliner dans les pays où l’engagement religieux chute, comme c’est le cas aux États-Unis.

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    Mais les auteurs de l’étude du Pew Research Center émettent une mise en garde, la nature de ces liens doit être étudiée davantage : « Ces nombres ne prouvent pas que le fait d’assister à des offices religieux soit directement responsable d’une amélioration de la vie des individus ».

    Qu’est-ce qui, au juste, dans la foi semble améliorer le bien-être ? Doit-on nécessairement croire en Dieu ou être pratiquant pour profiter de ces bienfaits ?

     

    LA RELIGION PEUT-ELLE MENER AU BONHEUR ? 

    En partenariat avec l’institut de sondage Gallup, une équipe d’universitaires a entrepris une étude de cinq années portant sur plus de 200 000 participants de vingt-deux pays afin de découvrir ce qui conduit à ce que les chercheurs nomment eux-mêmes l’épanouissement. Être épanoui, c’est plus qu’être simplement heureux ; il s’agit là d’un indicateur conçu pour savoir si l’on se trouve « dans un état dans lequel tous les aspects de la vie d’une personne sont positifs ».

    Le projet est dirigé par Tyler J. VanderWeele, directeur du Programme de l’épanouissement humain de l’Université Harvard, et par Byron Johnson, directeur de l’Institut d’étude de la religion de l’Université Baylor. Leur initiative, qui porte le nom d’Étude mondiale sur l’épanouissement, est conçue pour approfondir nos connaissances sur le lien entre épanouissement et religion. Dans le cadre de celle-ci, on pose un ensemble de questions à des personnes du monde entier sur leur bien-être (bonheur y compris) tout en recueillant des données démographiques, sociales, économiques, politiques et religieuses les concernant. 

    Certains résultats préliminaires ont été publiés. « La foi revient de manière répétée comme une variable importante corrélée à l’épanouissement », indique Byron Johnson.

    Ce projet encore en cours fait une chose que la plupart des études précédentes sur la foi et sur le bonheur n’ont pas faite. Il suit l’évolution des réponses des participants à l’enquête sur une période de plusieurs années (au lieu de les évaluer à un unique moment dans le temps), ce qui pourrait aider les chercheurs à tirer des conclusions concernant un éventuel lien de cause à effet.

    Ces données n’ont pas encore été publiées. Mais les résultats obtenus jusqu’ici corroborent ceux du PewReasearch Center et d’autres chercheurs. Le score d’épanouissement moyen était supérieur de 0,23 points chez les personnes affirmant que la religion constitue une partie importante de leur vie quotidienne par rapport à celles pour qui ce n’est pas le cas ; et il était supérieur de 0,41 points chez les personnes qui assistent à un office religieux au moins une fois par semaine.

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    Une chorale répète un chant et une danse à la veille d’une messe spéciale en l’église Jubilee Revival, à Sango Bay, en Ouganda.

    PHOTOGRAPHIE DE Rubén Salgado Escudero, Nat Geo Image Collection

    Les chercheurs pensent que toutes les expériences religieuses n’ont pas un effet égal sur le bonheur. Par exemple, l’étude essaie de savoir si le fait de participer à des offices religieux enfant a un effet sur le bonheur plus tard dans la vie. « L’un des meilleurs indicateurs prédisant le fait que l’on va s’inscrire au sein d’une communauté religieuse à l’âge adulte est le fait d’avoir pris part à l’une d’elles enfant », explique Brendan Case, directeur-adjoint de la recherche pour le Programme sur l’épanouissement humain d’Harvard. « Et cette participation en tant qu’adulte est très étroitement associée à un épanouissement dans le présent. »

     

    CE QUE LA RELIGION PEUT ENSEIGNER AUX NON-RELIGIEUX SUR LE BONHEUR

    Qu’est-ce qui, dans la religion, favorise le bonheur ? Selon Byron Johnson, le souci de l’autre, chose que la plupart des religions traditionnelles enseignent, comporte l’avantage de permettre d’améliorer sa propre vie, sa propre santé et de s’épanouir.

    Pour Brendan Case, c’est le soutien social qu’apportent les communautés religieuses qui semble être la clé, ainsi que le sens, la raison d’être et la consolation qu’elles offrent. « Si les communautés religieuses sont probablement aussi omniprésentes dans les cultures humaines, c’est parce qu’elles satisfont un besoin humain fondamental, peut-être même une nécessité, de trouver une communauté morale orientée vers le sacré ou le divin ou le transcendant », explique-t-il en paraphrasant l’analyse du sociologue français Émile Durkheim traitant des raisons pour lesquelles les êtres humains sont des animaux intrinsèquement religieux.

    Chez Kelli Fleitas, femme d’âge mûr et mère de deux enfants, ce sentiment de transcendance vient du fait de chanter à l’église. Si elle aimerait que ses deux adolescents aient encore l’envie d’assister à des offices comme lorsqu’ils étaient plus jeunes, elle n’en éprouve pas moins de gratitude, et ce en raison de sa propre expérience ; durant plusieurs mois, elle et ses compagnons de chorale ont chanté des cantiques avant les offices de Noël (par exemple « Nova, nova », un hymne reprenant un texte anglais du 15e siècle mis en musique par un joueur de flûte à bec). Kelli Fleitas éprouve du bonheur lorsqu’elle mêle sa voix à celle des autres à l’église. Chanter est pour elle une forme active de prière.

    Ainsi que l’explique Robert D. Putnam, politologue émérite de l’Université Harvard, dans son livre Bowling Alone, pour les non-croyants, d’autres types de communautés, comme les ligues de bowling ou les clubs de bienfaisance, sont susceptibles d’offrir le même sentiment de but, le même cadre rituel et la même impression de communauté que la religion. Cependant, Brendan Case met en garde : celles-ci pourraient ne pas avoir d’effet aussi puissant que les groupes religieux.

    Un dimanche matin, voilà peu de temps, à l’église épiscopale St. John, dans le nord de la Californie, Kelli Fleitas et quelques dizaines d’autres personnes se tenaient en cercle sous des guirlandes colorées laissées là après Noël.

    « Élevez vos cœurs », a psalmodié Chris Rankin-Williams, recteur de la petite paroisse qu’elle fréquente. « Nous les élevons vers le Seigneur », ont répondu à l’unisson les enfants, couples et personnes âgées formant le cercle. Quelques minutes plus tard, des fidèles ont prié à tour de rôle. Quand est venu son tour, Kelli Fleitas a prononcé une prière de gratitude pour avoir eu l’occasion de chanter avec sa chorale durant les fêtes. « Mon cœur est si plein », s’est-elle réjouie.

    Julia Flynn Siler est autrice et journaliste. Elle est également choriste à l’église St. John et a récemment écrit pour National Geographic un article sur les bienfaits de l’obscurité pour la santé.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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