Les allergies alimentaires sont en augmentation dans le monde entier

Le nombre de personnes souffrant d’allergies alimentaires est en hausse. Alors que les chercheurs tentent de déterminer les causes possibles de cette progression, une étude parue récemment pourrait nous donner les clés pour apprendre à les gérer.

De Allie Yang, Tatyana Woodall
Publication 6 sept. 2024, 16:46 CEST
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Les intolérances alimentaires sont souvent confondues avec les allergies alimentaires. Il est possible de recourir aux tests épicutanés d’atopie (APT) pour déterminer si un aliment provoque réellement une réaction allergique, mais, tout comme les prises de sang, cette méthode de diagnostic n’est pas 100 % fiable et ses résultats nécessitent d’être interprétés, souligne le D. Edwin Kim.

PHOTOGRAPHIE DE Benoit Durand, Hans Lucas, Redux

Les allergies alimentaires peuvent être extrêmement graves : urticaire, vomissements, problèmes respiratoires et baisse de tension sont quelques-unes des réactions les plus sévères dont souffrent les personnes ayant ingéré des aliments auxquels ils sont allergiques. Selon le cas, les allergies peuvent se manifester rapidement et nécessiter des soins médicaux d’urgence pour être traitées.

Selon les Centers for Disease Control and Prevention (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, ou CDC), environ 8 % des enfants ont des réactions négatives à certains types d’aliments contre 6,2 % des adultes. Les experts en santé cherchent de nouvelles façons de contourner ces intolérances ou, dans certains cas, de les prévenir complètement.

« Les allergies alimentaires sont en hausse, cela ne fait aucun doute ; nous le constatons dans nos diagnostics », observe Patricia Fulkerson, directrice du département Allergies alimentaires, dermatite atopique et mécanismes allergiques du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (Institut national des allergies et des maladies infectieuses, ou NIAID). « Les allergies en général augmentent dans le monde entier ».

Alors qu’il a été recommandé pendant des années aux parents d’éviter de donner à leurs enfants des aliments pouvant déclencher des allergies, les études démontrent désormais que les exposer aux allergènes tôt dans leur vie réduit le risque qu’ils développent une allergie. Les personnes qui souffrent déjà d’intolérances alimentaires peuvent quant à elles espérer éviter les réactions dangereuses grâce aux nouvelles immunothérapies.

 

QU’EST-CE QU’UNE ALLERGIE ALIMENTAIRE ?

Combien de personnes souffrent d’allergies alimentaires particulières ? Difficile de le savoir, notamment parce qu’il existe une multitude d’intolérances alimentaires dont les symptômes peuvent faire penser à une réaction allergique. L’intolérance au lactose, par exemple, provoque des douleurs abdominales semblables à celles découlant d’une réaction allergique, mais il s’agit en réalité d’un problème digestif et non d’une allergie au lactose.

Pour savoir si une réaction grave à un aliment résulte en effet d’une allergie, le mieux est de consulter un allergologue, recommande Ruchi S. Gupta, directrice du Center for Food Allergy & Asthma Research (Centre de recherche sur les allergies alimentaires et l’asthme, ou CFAAR) à l’école de médecine de l’université Northwestern. Ce n’est qu’une fois que vous saurez si vous êtes bien allergique qu’il sera possible d’établir un plan d’attaque, poursuit-elle.

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Ce garçon porte sur son sac à dos deux étiquettes indiquant qu’il souffre d’allergie et qu’il a son Epipen sur lui. Les intolérances au lactose, aux œufs et au gluten disparaissent chez environ 80 % des enfants en grandissant, contre seulement 20 à 25 % chez ceux allergiques aux arachides.

PHOTOGRAPHIE DE Melissa Lukenbaugh, The New York Times, Redux

Les allergies alimentaires se distinguent des intolérances par une réponse du système immunitaire. Lors d’une réaction allergique, l’organisme perçoit par erreur une protéine étrangère inoffensive (comme une protéine d’arachide) comme dangereuse. Il produit alors un anticorps appelé immunoglobuline E (IgE) pour combattre l’intrus.

Ces anticorps se fixent sur certains globules blancs (les granulocytes basophiles, les éosinophiles et les mastocytes) qui libèrent, lorsqu’ils sont activés, une substance chimique appelée histamine. Cela entraîne une réaction allergique au niveau de l’un des quatre systèmes organiques majeurs, à savoir l’intestin, la peau, les poumons et le cœur, qui se manifeste notamment par des éruptions cutanées et des démangeaisons, des douleurs thoraciques, des vomissements et de la diarrhée.

Lorsque plus d’un des quatre systèmes est impliqué (par exemple, si le patient présente des symptômes abdominaux, comme des vomissements, ou pulmonaires, comme des difficultés à respirer), on parle d’anaphylaxie. Dans ce cas, il est possible d’utiliser un auto-injecteur EpiPen pour administrer une hormone, l’épinéphrine, cette dernière permettant de détendre les muscles et d’ouvrir les voies aériennes pour faciliter la respiration.

« Les réactions respiratoires et cardiaques sont celles qui font le plus peur, car elles peuvent être mortelles », explique le D. Edwin Kim, responsable du département d’allergologie et d’immunologie pédiatriques de l’université de Caroline du Nord et directeur de l’initiative Food Allergy de l’université.

Ce ne sont pas les allergies alimentaires qui sont légères ou graves, mais bien les réactions. Ces dernières peuvent parfois être imprévisibles : un allergène qui provoquait une réaction légère par le passé peut causer une réaction plus grave par la suite et inversement.

 

DES ALLERGIES ALIMENTAIRES EN HAUSSE

Les allergies alimentaires sont causées par deux types de facteurs : les facteurs génétiques et les facteurs environnements. Selon Ruchi S. Gupta, la génétique ne peut expliquer à elle seule l’augmentation rapide des allergies. Nous savons en revanche que les enfants dont les deux parents souffrent d’un dérèglement immunitaire, qu’il s’agisse d’allergies saisonnières ou d’eczéma, sont plus susceptibles de développer des allergies, souligne le D. Edwin Kim.

Deux grandes théories étudient les facteurs environnementaux entraînant des allergies alimentaires. L’hypothèse hygiéniste avance que l’obsession de la société pour la propreté réduirait notre exposition précoce aux allergènes, ce qui rendrait notre système immunitaire plus susceptible de réagir de façon excessive aux protéines courantes inoffensives et de déclencher une réaction allergique.

Dans de nombreuses régions du monde, les enfants jouent également moins souvent dehors et passent moins de temps à proximité du bétail que par le passé. Ceci pourrait expliquer pourquoi certaines études ont démontré qu’il y avait davantage de personnes allergiques en ville qu’à la campagne.

« Nous entendons souvent dire que les 100 premiers jours ou la première année d’un enfant sont primordiaux pour exposer son organisme à différentes choses. Cela s’applique aussi aux activités en extérieur ou à la découverte de divers types d’aliments », souligne Ruchi S. Gupta, avant d’ajouter que certains parents, craignant que leur nourrisson ne développe des allergies, se révèlent excessivement prudents au moment de lui donner de nouveaux aliments à manger.

Cette hypothèse de l’hygiène n’explique cependant pas entièrement l’augmentation des allergies. Des chercheurs ont ainsi découvert qu’une exposition importante à un aliment particulier (comme les produits de la mer en Asie) était parfois associée à une prévalence plus élevée d’allergie à cet aliment. C’est là qu’entre en scène l’hypothèse de double exposition : selon cette théorie, la probabilité de développer une allergie alimentaire augmente si un nourrisson est exposé à des traces d’un allergène (par l’inhalation ou le toucher) avant de le consommer.

Cela peut se produire lorsqu’un parent applique de la lotion sur la peau de son enfant, rapporte Robert A. Wood, responsable du département Eudowood d’allergologie et d’immunologie au Centre pour enfants Johns Hopkins. Si le parent présente même une quantité infime de protéine d’arachide sur les mains, la probabilité que l’enfant développe ultérieurement une allergie aux arachides est plus élevée.

Pour l’heure, ces deux hypothèses sont les plus étudiées. Mais d’autres chercheurs s’intéressent aux changements survenus dans la manière dont nous cultivons et emballons les aliments, ainsi qu’au changement climatique, qui pourrait jouer un rôle dans la hausse des allergies.

 

DE NOUVELLES AVANCÉES EN MATIÈRE DE PRÉVENTION

Les immunothérapies orales, y compris l’exposition à des allergènes en bas âge, peuvent être incroyablement bénéfiques sur le long terme.

Un des meilleurs exemples de cela est l’étude LEAP. Dans le cadre de celle-ci, les chercheurs ont découvert que le fait de donner à manger des arachides aux enfants avant leur premier anniversaire permettait de réduire de 81 % le risque qu’ils développent une allergie aux arachides avant l’âge de cinq ans comparé aux enfants qui n’avaient pas consommé d’arachides.

Une étude de suivi parue cette année et portant sur plus de 500 participants initiaux a démontré que ces mesures préventives empêchaient encore plus longtemps ces désormais adolescents de développer des allergies alimentaires. Le temps écoulé depuis la dernière fois qu’ils avaient consommé des arachides n’avait aucune importance ; la protection fournie par l’exposition précoce à ces aliments était si forte que ses effets perduraient pendant des années, rapporte Patricia Fulkerson. « C’était très enrichissant de voir à quel point la réponse était durable », ajoute-t-elle.

Empêcher les allergies de s’installer s’apparente au Saint-Graal pour les chercheurs, poursuit Patricia Fulkerson. Mais face à la recrudescence des allergies, si certaines méthodes de prévention ne peuvent être utilisées, le recours à de nouveaux traitements devra être envisagé pour réapprendre à notre corps à mieux accepter des aliments dont nous savons qu’ils posent problème.

Par exemple, les allergies alimentaires ne pouvaient auparavant être traitées qu’en évitant de consommer un allergène ou en en ingérant une dose de plus en plus élevée chaque jour, jusqu’à atteindre une quantité tolérable.

De nos jours, les médicaments approuvés par la Food and Drug Administration (FDA) aident à protéger contre les dangers d’une exposition accidentelle. C’est notamment le cas de l’omalizumab, un anticorps thérapeutique plus connu sous le nom de marque Xolair : en se fixant à l’immunoglobuline E dans le sang, il l’empêche d’activer les globules blancs responsables des réactions allergiques. Au cours des essais cliniques, 68 % des personnes allergiques aux arachides ayant pris du Xolair ont pu manger des arachides, mais 17 % n’ont constaté aucun changement significatif de leur tolérance à ces aliments. Par conséquent, les chercheurs estiment que la prévention des allergies demeure nécessaire, et ce malgré le suivi d’un traitement.

Grâce aux avancées réalisées par la technologie CRISPR, les scientifiques peuvent modifier et supprimer les gènes codant pour un allergène, ce qui pourrait un jour permettre des percées majeures.

Bien que la recherche sur le traitement des allergies progresse, souffrir d’une allergie n’en reste pas moins stressant. Mais avec les conseils d'un professionnel de santé, vous pouvez apprendre à gérer cette allergie et peut-être même remanger certains aliments sans risque.

« La question est réellement de savoir ce qui est soutenable pour la famille, ce qui fait sens ; c’est pour ça qu’il est essentiel d’inclure son pédiatre », conclut Patricia Fulkerson.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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