Pourquoi la maladie de Parkinson est-elle si difficile à diagnostiquer ?

Les origines des troubles neurologiques, marqués par des mouvements incontrôlables, restent inaccessibles. Et pourtant, des experts pensent qu’on est en train de rentrer dans l’âge d’or des recherches sur Parkinson.

De Erin Blakemore
Publication 2 août 2024, 11:18 CEST
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À l'université de Floride, Russel Price, patient atteint par la maladie de Parkinson, est soumis à une intervention chirurgicale qui vise à implanter une sonde de stimulation cérébrale profonde qui fournira des impulsions électriques au cortex moteur de son cerveau. Il a été démontré que ce traitement offre un soulagement substantiel des symptômes chez certains patients.

PHOTOGRAPHIE DE Erika Larsen, Nat Geo Image Collection

En 1817, le chirurgien britannique James Parkinson a rédigé une étude de cas sur une maladie qu'il a appelée « the shaking palsy » (littéralement « paralysie des tremblements » en français), une maladie dégénérative qui provoque chez les personnes atteintes des tremblements, des faiblesses et l'incapacité de contrôler leur corps. Déconcerté par la cause de ce trouble, le médecin a conclu son étude en demandant à ses confrères de poursuivre ses travaux.

Plus de deux siècles plus tard, cette affection, connue aujourd'hui sous le nom de maladie de Parkinson, est le second trouble neurologique le plus fréquent de ce genre. Mais bien qu'il affecte plus de huit millions de personnes dans le monde, nombre qui devrait encore augmenter dans les années à venir, le remède imaginé par Parkinson reste presque aussi insaisissable qu'il ne l'était au 19ᵉ siècle.

« On ne sait pas quelle en est la cause. On ne sait pas pourquoi la maladie progresse. Et encore moins comment l'arrêter. Et nous avons du mal à la diagnostiquer », déclare James Beck, directeur scientifique de la Fondation Parkinson.

Le scan par IRM révèle les fibres nerveuses, de couleur rouge, verte et bleue, dans les ...

Le scan par IRM révèle les fibres nerveuses, de couleur rouge, verte et bleue, dans les régions du cerveau chargées du contrôle des muscles. Lorsque l'on est atteint de maladie de Parkinson, la destruction de ces neurones réduit la quantité de dopamine présente dans cette région du cerveau, ce qui cause des tremblements, des mouvements brusques et un manque de coordination.

PHOTOGRAPHIE DE Mark & Mary Stevens Neuroimaging and Informatics Institute, SCIENCE PHOTO LIBRARY

 

QU'EST-CE QUE LA MALADIE DE PARKINSON ?

La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative progressive, le plus souvent diagnostiquée chez les adultes âgés de soixante ans ou plus. Mais, bien qu'elle soit souvent perçue à tort comme une maladie qui n'affecte que les personnes âgées, elle peut survenir bien des années avant, et la maladie empire avec le temps.

Même si cela varie d'un patient à l'autre, la première phase de la maladie de Parkinson est bénigne et passe souvent inaperçue. Pendant cette phase, les neurones des ganglions de la base, structures se situant à proximité de centre du cerveau, commencent à malfonctionner ou à mourir. Ces cellules nerveuses produisent généralement de la dopamine, un neurotransmetteur qui affecte les mouvements et la mémoire.

Alors que les neurones commencent à mourir, d'autres neurotransmetteurs qui contrôlent les fonctions corporelles comme la digestion et la pression artérielle peuvent aussi être affectés. Le temps que les premiers symptômes physiques apparaissent, plus de 80 % des transmetteurs de dopamine dans les ganglions de la base sont probablement déjà morts.

« Le diagnostic est vraiment délicat à poser », explique James Beck, qui note qu'il n'y a pas de test sanguin ou cérébral définitif pour cette maladie. Au lieu de cela, les neurologues la diagnostiquent à partir de symptômes moteurs, comme la bradykinésie (les mouvements ralentis) et les tremblements. Puisque énormément de patients ont soixante ans ou plus, James Beck estime que les médecins négligent la piste de cette maladie chez les adultes plus jeunes.

Au fil du temps, les patients atteints de la maladie de Parkinson peuvent présenter des symptômes physiques tels que le syndrome des jambes sans repos, la constipation, l'hypersalivation, une perte de l'odorat et un visage moins expressif, ressemblant à un masque. Au fur et à mesure de l'évolution de la maladie, les patients peuvent développer des symptômes moteurs tels que des tremblements, de la rigidité, de la lenteur et de l'instabilité. Les patients peuvent aussi présenter des symptômes mentaux, des troubles digestifs, des troubles du sommeil, de la démence et des troubles cognitifs.

Bien que la maladie de Parkinson ne soit pas fatale, elle augmente le risque de décès dû à des facteurs associés tels que les chutes. Les patients souffrant de complications telles que la démence et les troubles du sommeil courent également un risque plus élevé.

 

QU'EST-CE QUI CAUSE LA MALADIE DE PARKINSON ET QUI SONT LES PERSONNES À RISQUE ?

Les scientifiques savent que la perte de neurones joue un rôle dans la maladie de Parkinson et les recherches ont aussi connecté la maladie à des mutations présentes dans certains gènes.

Mais son origine reste incertaine. Plus de 90 % des patients n'ont aucune prédisposition génétique connue à la maladie de Parkinson. Les études montrent que le risque est légèrement plus élevé chez les hommes que chez les femmes, et selon l'Organisation mondiale de la santé, « le risque de la contracter est plus élevé chez les personnes ayant des antécédents familiaux de la maladie ». L'origine ethnique peut jouer un rôle : des recherches récentes montrent que les Juifs ashkénazes et les Berbères d'Afrique du Nord sont beaucoup plus susceptibles d'être porteurs de mutations génétiques associées à la maladie, bien qu'une minorité d'entre eux développent effectivement la maladie de Parkinson.

« Si vous avez un membre de la famille atteint de Parkinson, vous vous inquiétez sûrement de l'attraper également », déclare Beck. « Le risque est nettement plus élevé, il est doublé ». Mais toutes les personnes à risque ne développent pas la maladie, note-t-il, et les recherches sur les mécanismes exacts qui provoquent la maladie de Parkinson se poursuivent.

Il en va de même pour les enquêtes visant à déterminer combien de personnes sont atteintes de la maladie. Les diagnostics tardifs et les erreurs de diagnostic étant fréquents, il est difficile d'estimer la prévalence de la maladie. Environ 175 000 personnes seraient traitées pour une maladie de Parkinson en France, soit une prévalence de 2,63 pour 1 000 habitants, selon Santé Publique France.

Aux États-Unis, environ un million de personnes seraient touchées, soit le double de la prévalence observée il y a quarante ans. Les chercheurs prédisent que le nombre augmentera à 1.2 million d'ici 2030, principalement à cause du vieillissement de la population. D'après l'Organisation mondiale de la Santé, environ 8.5 millions de personnes dans le monde seraient actuellement diagnostiquées comme étant atteintes par cette maladie.

 

COMMENT LA MALADIE DE PARKINSON EST-ELLE TRAITÉE ?

Étant donné que les symptômes de la maladie de Parkinson varient d'une personne à l'autre et qu'il n'existe pas de remède, les options de traitement varient également. Le Lévopoda est le médicament le plus fréquemment utilisé chez les patients atteints de Parkinson. On l'utilise généralement pour gérer les symptômes moteurs les plus connus de la maladie. Les autres traitements comprennent des thérapies physiques, professionnelles et orthophoniques, ainsi que de la stimulation cérébrale profonde, une intervention chirurgicale qui stimule la partie du cerveau affectée pour traiter les tremblements et certains autres symptômes.

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    Cette photo-micrographie d'une section du cerveau affectée par la maladie de Parkinson nous montre le noyau des cellules nerveuses (en bleu) et la protéine alpha-synucléine (en rouge). On pense que l'accumulation de cette protéine mène à la formation de corps de Lewy et à la dégénérescence progressive de neurones, ce qui est à l'origine des symptômes de la maladie de Parkinson.

    PHOTOGRAPHIE DE Mya C. Schiess, Roger Bick, UT Medical School, SCIENCE PHOTO LIBRARY

    Mais la pénurie de neurologues et les disparités en matière de diagnostic et de traitement à l'échelle mondiale font que tout le monde n'a pas le même accès au traitement de la maladie de Parkinson. « Malgré l'impact significatif de la maladie », écrivait un groupe d'experts de l'Organisation mondiale de la Santé en 2022, « il y a aussi une inégalité mondiale dans la disponibilité des ressources neurologiques pour gérer la maladie, en particulier dans les pays à faible revenu. »

     

    LA MALADIE DE PARKINSON AUJOURD'HUI

    Mais malgré ces lacunes en termes de connaissances et d'accès aux soins, la lutte contre la maladie de Parkinson continue. Des essais cliniques et des études à grande échelle sont en cours, et chaque nouvelle année est synonyme de nouvelles avancées en matière de diagnostic, de génétique et de traitement, afin d'améliorer la qualité de vie des patients atteints de la maladie de Parkinson.

    Et ces recherches entrent dans leur âge d'or, notamment avec la découverte du premier marqueur biologique connu de la maladie, la protéine alpha-synucléine. Quand la protéine subit une mutation et est anormalement pliée, elle endommage les neurones et entraîne des symptômes de la maladie de Parkinson. Et pourtant, des questions subsistent sur le fonctionnement de la « protéine de Parkinson » dans l'organisme.

    Les recherches en cours portent sur des sujets aussi variés que la possibilité de détecter la maladie par l'odorat ou l'étude de juillet 2024 sur les liens potentiels entre la maladie et l'anxiété chez les personnes âgées. Une autre étude réalisée en 2024 a montré que les patients atteints de la maladie de Parkinson qui prenaient du lixisénatide, un médicament injectable utilisé pour traiter le diabète, voyaient leurs symptômes moteurs progresser moins vite que les personnes atteintes de la maladie de Parkinson qui prenaient un placebo. Le médicament agit en stimulant la production d'insuline en réponse à l'augmentation du taux de sucre dans le sang.

    Les actions de sensibilisation se poursuivent également. La maladie a fait l'objet d'une publicité sans précédent ces dernières années, avec le diagnostic de personnalités telles que Michael J. Fox, Muhammad Ali, Linda Ronstadt et d'autres. Rien qu'en 2022, le National Institute of Neurological Disorders and Stroke a financé la recherche sur la maladie de Parkinson à hauteur de 259 millions de dollars (environ 239 millions d'euros), chiffre auquel s'ajoutent les fonds collectés par les organisations de défense et les groupes de patients du monde entier.

    La maladie de Parkinson est peut-être toujours aussi dérangeante qu'à l'époque de James Parkinson, mais grâce à la recherche et à la sensibilisation, ses jours sont peut-être comptés.

    « Nous n'y sommes pas encore », déclare Beck. « Mais on progresse. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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