Quels sont les risques associés à la surconsommation de caféine ?

Nous sommes nombreux à boire du café et du thé pour rester éveillés. Mais les scientifiques mettent en garde contre la surconsommation de caféine ; un dosage trop élevé peut entraîner stress, troubles du sommeil et même la mort.

De Daryl Austin
Publication 12 mars 2024, 11:59 CET
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Caféine : à partir de quelle quantité est-ce trop ?

PHOTOGRAPHIE DE Rebecca Hale, National Geographic

Une chaîne de boulangeries-cafés nord-américaine se voit en ce moment même intenter deux procès pour faute ayant entraîné la mort par des familles de personnes décédées après avoir bu une boisson hautement caféinée. 

La boisson en question est une limonade sucrée à haute teneur en caféine. La quantité exacte de stimulant consommée dans chacun des deux cas reste à confirmer, mais à en croire les deux plaintes, la femme de 21 ans et l’homme de 46 ans concernés sont décédés peu après avoir bu chacun un gobelet de 90 centilitres d’une limonade qui a pu contenir jusqu’à 390 milligrammes de caféine et 124 grammes de sucre, si aucun glaçon n’est entré dans sa préparation. À titre de comparaison, une tasse de café de 24 centilitres contient 80 à 100 milligrammes de caféine, et une canette de Red Bull de 35 centilitres en contient 114.

La quantité de caféine consommée dans ces cas a son importance, car cet excitant peut affecter les individus de plusieurs manières, raison pour laquelle les scientifiques spécialistes de la nutrition mettent fréquemment en garde contre sa surconsommation.

« À très hautes doses, la caféine peut être toxique, voire létale », prévient Rob van Dam, professeur de sport et de sciences de la nutrition à l’Institut Milken de l’École de santé publique de l’Université George-Washington.

Mais il n’est pas toujours simple de déterminer la quantité de caféine présente dans un aliment ou dans une boisson donnés. Le problème réside en partie dans le fait que la caféine n’est pas considérée comme un additif lorsqu’elle y est présente naturellement, comme cela est le cas pour le thé et le chocolat.

Dans ces aliments, « vous ne verrez pas le mot "caféine" sur l’étiquette », fait observer Marilyn Cornelis, maître de conférences en médecine préventive à la Faculté de médecine Feinberg de l’Université Northwestern. Aux États-Unis, la caféine ne doit en fait être indiquée comme ingrédient que lorsqu’elle a été ajoutée à certains produits. Mais comme l’explique cette dernière, malgré cela, aucune règlementation ne stipule qu’il faille indiquer la quantité exacte de caféine contenue dans ceux-ci.

 

QU’EST-CE QUE LA CAFÉINE ET COMMENT FONCTIONNE-T-ELLE ?

Obtenue à partir de feuilles, de racines, de fruits ou de grains de café, de thé, de cacao et de guarana, la caféine est le stimulant du système nerveux central le plus consommé dans le monde. On la trouve à l’état naturel dans diverses plantes et dans divers aliments dont nous nous nourrissons et est également ajoutée sous forme synthétique à de nombreux produits comme les colas et les boissons énergisantes.

La caféine fait partie d’un groupe de composés chimiques, les méthylxanthines, qui sont rapidement absorbés dans le sang et qui affectent le système nerveux central. Si ces composés se comportent ainsi, c’est notamment parce qu’ils parviennent à s’attacher aux récepteurs de l’adénosine présents dans l’ensemble du cerveau et du corps.

L’adénosine est une substance chimique qui joue un rôle important dans le sommeil et dans le délassement du corps. Quand l’adénosine augmente en période d’éveil, elle s’attache à ses récepteurs et déclenche une envie de dormir.

La caféine ressemble à l’adénosine et peut s’attacher aux mêmes récepteurs sur les cellules nerveuses, et donc empêcher l’adénosine de le faire. Sans adénosine pour induire le sommeil, un individu reste en état d’éveil et alerte. Cette interférence a pour effet à la fois d’accélérer l’activité de la cellule et de l’empêcher de ralentir comme elle le ferait sous l’effet de l’adénosine.

De plus, des recherches montrent que la caféine accroît également les taux de cortisol et d’épinéphrine, deux hormones associées à l’excitation, au stress et à l’anxiété.

 

LE BON CÔTÉ DE LA CAFÉINE

Grâce à ces effets, la caféine peut s’avérer un stimulant bienvenu pour accroître la vigilance mentale et pour réduire la fatigue. Elle est également utile pour conserver un certain niveau de performance lorsque l’on manque de sommeil, les soldats de l’armée américaine s’en servent d’ailleurs dans ce but.

Certaines recherches montrent que la caféine peut également améliorer la mémoire et la capacité à se concentrer. La consommation de caféine sur le long terme est également associée à un risque réduit de contracter la maladie de Parkinson.

Selon Rob van Dam, la consommation modérée de café et de thé peut également s’avérer bénéfique pour la santé cardiovasculaire. Il tempère toutefois immédiatement et tient à souligner que tout bénéfice associé à cette consommation est probablement imputable à d’autres composés présents dans ces boissons, comme l’acide chlorogénique et la trigonelline, auxquels on attribue des propriétés antioxydantes, et non nécessairement à la teneur caféinée de ces boissons.

« Dans l’ensemble, les bienfaits de la consommation de caféine pour la santé sont relativement mineurs et pas assez importants pour en encourager la consommation », indique Jennifer Temple, directrice du Laboratoire de recherche en nutrition et santé de l’Université d’État de New York à Buffalo. En outre, « tout bénéfice potentiel pourrait se voir annulé par d’autres composants des boissons, comme une teneur en sucre plus importante. »

En effet, à l’instar de la limonade hautement caféinée mentionnée précédemment qui contient 124 grammes de sucre, de nombreuses boissons caféinées ont une teneur en sucre particulièrement élevée.

Selon Jennifer Temple, bien que les fabricants affirment que la caféine est ajoutée pour « rehausser la saveur » de leurs boissons, « la caféine est très amère et contraint à l’ajout de plus de sucre ou d’édulcorants pour que ces boissons soient buvables », explique-t-elle.

 

LES MAUVAIS CÔTÉS DE LA CAFÉINE ET LES RISQUES DE SURCONSOMMATION

En plus d’éviter les importantes quantités de sucre présentes dans de nombreuses boissons caféinées et les problèmes de santé qui les accompagnent, il est important d’éviter la surconsommation de caféine elle-même.

L’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) recommande aux adultes en bonne santé de limiter leur consommation de caféine à 400 milligrammes par jour au maximum ; ce qui équivaut à quatre petites tasses environ.

« Les enfants et adolescents de plus de douze ans en bonne santé peuvent consommer sans risque jusqu’à 100 milligrammes de caféine par jour », indique Jennifer Temple. Cependant, les effets de la caféine sur cette population plus jeune sont moins étudiés que ses effets sur les adultes. « Les recherches ciblant ce groupe démographique progressent et sont nourries par la préoccupation grandissante entourant la consommation de boissons énergisantes », révèle Marilyn Cornelis.

Selon une étude, la consommation de café serait bénéfique aux buveurs, réduisant notamment les risques de mort prématurée, à condition d'être consommée avec modération.

PHOTOGRAPHIE DE Rebecca Hale, National Geographic Magazine

Les spécialistes déconseillent la consommation de caféine aux enfants de moins de douze ans.

Bien que de nombreux adultes tolèrent des quantités dépassant ces limites quotidiennes, il existe des dégâts associés à l’ingestion trop fréquente de caféine : mauvaise qualité de sommeil, tremblements, vomissements, rythme cardiaque élevé, carence en potassium, irritabilité, maux de tête, agitation et anxiété notamment.

Des études montrent que la caféine peut également créer une dépendance et qu’elle comporte des effets indésirables à long terme. Il y a par exemple « un risque accru d’hypertension, de pré-diabète, de maladies rénales et de cardiopathies pour les personnes qui en boivent plusieurs tasses par jour », prévient Ahmed El-Sohemy, professeur en sciences de la nutrition à l’Université de Toronto.

À très hautes doses, la caféine peut s’avérer particulièrement dangereuse.

À ce titre, la FDA met en garde. Des crises peuvent survenir lorsque l’on consomme plus de 1 200 milligrammes de caféine trop rapidement, chose susceptible d’arriver lorsque l’on ingère de trop nombreuses boissons à haute teneur en caféine, des pilules caféinées ou bien de la caféine en poudre, dont une simple cuillérée peut contenir l’équivalent en caféine de vingt-huit tasse de café. « Les produits à base de caféine pure et hautement concentrée représentent une importante menace pour la santé publique et sont impliqués dans la mort d’au moins deux personnes aux États-Unis », rappelle l’agence de santé.

 

QUI EST LE PLUS À RISQUE ?

La consommation de caféine présente également un risque accru pour les personnes souffrant de certaines maladies.

Les personnes présentant du diabète devraient par exemple faire preuve de prudence lorsqu’elles consomment de la caféine. En effet, on a montré que celle-ci modifie le processus de métabolisation du sucre ; la sensibilité à l’insuline diminue donc et la concentration du glucose dans le sang augmente.

Les personnes atteintes de maladies chroniques du foie sont susceptibles d’être davantage sensibles à ces effets « à cause d’une capacité moindre à métaboliser la caféine », explique Adrienne Hughes, médecin urgentiste et toxicologue de l’Université de la santé et des sciences de l’Oregon. De plus, l’Association américaine du cœur (AHA) déconseille aux personnes souffrant d’hypertension grave (tension artérielle supérieure ou égale à 16/10) d’éviter de boire ne serait-ce que de petites quantités de caféine, car en effet, on a pu associer la consommation de deux tasses ou plus à « un risque deux fois plus élevé de mourir d’une maladie cardiovasculaire » pour ces individus.

On déconseille également la caféine aux personnes qui ressentent fréquemment des brûlures d’estomac, et plus particulièrement à celles qui subissent des reflux d’acide extrêmes, comme c’est le cas de certains patiets à qui l’on a diagnostiqué des reflux gastro-œsophagiens (RGO).

Les futures mères ont également peut-être intérêt à limiter leur consommation de caféine. En effet, la science a montré que celle-ci entraîne la constriction de vaisseaux sanguins dans le placenta et dans l’utérus, ce qui réduirait l’apport sanguin au fœtus et inhiberait sa croissance. 

« Nous disposons désormais de preuves substantielles que la consommation de caféine par les mères durant la grossesse est susceptible de ralentir la croissance du fœtus et même d’accroître le risque de fausse couche », commente Rob van Dam. 

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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