Pourquoi et comment faire attention à sa prostate ?
Un homme sur huit est atteint du cancer de la prostate au cours de sa vie. En outre, vivre plus longtemps augmente la probabilité de souffrir d’hypertrophie de la prostate. Voici ce qu’il faut savoir.
Les changements hormonaux liés au vieillissement du corps d'un homme peuvent provoquer une croissance excessive de la prostate, ce qui entraîne des problèmes urinaires puisque la glande entoure l'urètre, comme le montre cette image tirée de l'Atlas Asklepios d'anatomie humaine, sur laquelle on voit que la prostate se trouve sous la vessie.
Peu d’hommes osent parler de leurs problèmes de prostate. Pourtant, ignorer ces soucis de santé répandus ne les fera pas disparaitre. Charles III, opéré cette semaine pour une hypertrophie de la prostate, aurait annoncé sa maladie publiquement afin d’encourager les hommes à se faire dépister.
Environ un homme sur huit se verra diagnostiquer un cancer de la prostate au cours de sa vie et la moitié de ceux âgés de cinquante-et-un à soixante ans souffriront d’une hypertrophie bénigne de la prostate. Ce chiffre passe à 70 % chez les hommes âgés de soixante à soixante-neuf ans et à 90 % chez les hommes de plus de quatre-vingt-cinq ans.
Selon Arvin George, directeur du programme contre le cancer de la prostate de l’école de médecine Johns Hopkins, les experts ne savent pas quelles combinaisons exactes de facteurs génétiques, environnementaux, alimentaires ou autres jouent un rôle dans les problèmes de prostate à mesure que les hommes vieillissent. Cela signifie qu’il n’existe pas de solution facile permettant de les éviter. « Que ce soit pour l’hypertrophie ou le cancer de la prostate, il n’y a pas de solution miracle », dit-il.
Heureusement, il existe des moyens de lutter contre la maladie. De nombreux traitements sont disponibles pour les hommes qui souffrent de problèmes urinaires et même si le cancer de la prostate est tristement fréquent, des recherches émergentes suggèrent que de nombreux hommes peuvent retarder le traitement en toute sécurité, voire l'éviter complètement.
Cette micrographie électronique à balayage (MEB) colorée représente deux cellules cancéreuses de la prostate au stade final de la division cellulaire (cytokinèse). Bien que 70 % des hommes de plus de soixante-dix ans aient des cellules cancéreuses dans leur prostate, les taux de survie sont extrêmement élevés.
QU’EST-CE QUE LA PROSTATE ET QU’EST-CE QUE L’HYPERTROPHIE ?
La prostate est une glande de la taille d’une noix qui produit le liquide séminal, qui permet d’envoyer le sperme vers l’ovule après l’éjaculation. Elle entoure l’urètre, le tube qui permet au liquide séminal et à l’urine de sortir du corps, ce qui signifie qu’en grossissant, elle peut empêcher ce processus.
L’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) se produit chez les hommes âgés lorsque le gland double, voire triple de volume. Imaginez cette noix devenir aussi grosse qu’un citron et empêcher ainsi l’urine de s’écouler normalement pour vider complètement la vessie. Ceux qui en souffrent peuvent avoir besoin d’uriner plus souvent, en particulier la nuit, et peinent parfois à se contrôler.
QUELS SONT LES CAUSES ET LES TRAITEMENTS DE L’HYPERTROPHIE ?
Le facteur le plus important dans l'apparition d'une hypertrophie de la prostate est tout simplement l'âge, probablement parce que le corps subit des changements dans l'équilibre des hormones sexuelles en vieillissant. L'HBP est également plus fréquente chez les personnes ayant des antécédents familiaux et il est prouvé que les hommes obèses ou présentant des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires et de diabète sont plus susceptibles de souffrir d'une hypertrophie de la prostate. Il n'existe absolument aucune preuve que les rapports sexuels puissent entraîner des problèmes de prostate, rassure Arvin George.
Environ la moitié des hommes souffrant d'hypertrophie de la prostate ne présentent aucun symptôme. « S'il n'y a pas de symptômes, il n'y a pas lieu de s'inquiéter », explique Nick Ridgman, responsable de l'information sur la santé et du soutien clinique de l’organisation de recherche Prostate Cancer UK.
Une scintigraphie colorisée d'un patient atteint d'un cancer de la prostate métastatique (représenté en blanc). En l'absence de traitement, le cancer de la prostate peut métastaser dans les os, les ganglions lymphatiques, les poumons et le foie. De nouvelles recherches suggèrent cependant que certains hommes atteints d’un cancer dont la progression est lente peuvent repousser les traitements invasifs.
L'HBP peut parfois entraîner des problèmes de santé tels que des infections urinaires à répétition ou des problèmes rénaux. Cependant, les symptômes les plus fréquents altèrent la qualité de la vie quotidienne et les traitements se concentrent sur l'atténuation des inconvénients des problèmes urinaires. La solution la plus simple consiste à réduire la consommation de liquides, en particulier le soir, ou de limiter les diurétiques tels que la caféine et l'alcool. Pour ceux qui ont besoin d'un soulagement plus important, des médicaments peuvent détendre les muscles autour de la prostate, voire la rétrécir, et des traitements chirurgicaux peuvent réduire la taille de la prostate.
Selon Arvin George, les décisions en matière de traitement dépendent avant tout de la gêne occasionnée par les symptômes. « Certains hommes se réveillent pour uriner plusieurs fois par nuit, mais ils se rendorment et tout va bien », explique-t-il. « D'autres n'ont pas accès régulièrement à des toilettes, ce qui peut affecter leur qualité de vie. »
QUELS SONT LES RISQUES DE CONTRACTER UN CANCER ?
Les hommes qui vivent assez longtemps se verront probablement diagnostiquer un cancer de la prostate. Le nombre de personnes âgées de plus de soixante-dix ans ayant des cellules cancéreuses dans leur prostate sans avoir été diagnostiquées s’élève à 70 %. En France, le cancer de la prostate est la troisième cause de décès par cancer chez l’homme, derrière le cancer du poumon et celui du côlon, tandis qu’il est le deuxième cancer le plus meurtrier aux États-Unis et au Royaume-Uni chez les hommes. L'âge moyen au moment du diagnostic est de soixante-neuf ans en France et les diagnostics sont rares chez les hommes de moins de quarante ans.
Les scientifiques étudient encore les mutations génétiques liées au cancer de la prostate, mais l’hérédité de ce cancer est une certitude. Un homme dont au moins deux proches parents masculins, père ou frères, sont atteints d'un cancer de la prostate a cinq à dix fois plus de chances d'être lui-même diagnostiqué. Pour des raisons encore incomprises, les hommes d'origine africaine sont particulièrement exposés. La probabilité pour eux d’être atteints d’un cancer de la prostate est 70 % plus élevée et ils sont également plus susceptibles de mourir de la maladie.
Le cancer de la prostate peut également se propager aux tissus environnants ou, pire, se répandre plus largement dans le corps. Heureusement, la plupart des cas sont localisés et rarement graves puisque 96 % des hommes diagnostiqués survivent au moins quinze ans.
COMMENT SAVOIR SI ON EST ATTEINT D’UN CANCER DE LA PROSTATE ?
Arvin George fait remarquer que de nombreux hommes qu'il rencontre et qui présentent des symptômes urinaires incommodants craignent d'être atteints d'un grave cancer de la prostate, ce qui peut se comprendre. « Il s’agit probablement de l'idée fausse la plus répandue chez les patients et même au sein de la communauté médicale », déclare-t-il.
Dans des pays comme les États-Unis, où le dépistage est courant depuis des décennies, le cancer de la prostate est souvent détecté bien avant que le patient ne présente des symptômes, explique-t-il. « La plupart du temps, lorsqu'un homme présente des symptômes, il est très peu probable qu'il souffre d'un cancer de la prostate. Le plus souvent, il s’agit d'une simple hypertrophie. »
Alors qu’aucune autorité de santé en France ou à l’étranger ne recommande un dépistage systématique du cancer de la prostate, l'American Urological Association conseille à la plupart des hommes âgés de cinquante-cinq à soixante-neuf ans de se faire dépister tous les deux ans. Consulter un médecin pour parler de vos facteurs de risque personnels peut permettre d'affiner cette recommandation. Les personnes présentant des facteurs de risque plus élevés, comme les hommes noirs et les personnes dont les parents proches sont atteints ou ont été atteints d'un cancer de la prostate, devraient se faire dépister plus tôt et plus souvent.
IL N’EST PAS NÉCESSAIRE DE TRAITER TOUS LES CAS DE CANCER DE LA PROSTATE
Les dépistages indiquent si le cancer présente un risque élevé de se propager et permet aux médecins de le traiter rapidement et de sauver des vies.
Cependant, pour certains experts, le dépistage a ses inconvénients. Le test d’antigène prostatique spécifique (PSA), qui identifie les protéines produites par la prostate, peut produire des résultats faussement positifs ou faussement négatifs, ce qui peut entraîner un stress ou des traitements inutiles. Sur mille hommes dépistés entre cinquante-cinq et soixante-neuf ans, environ un décès pourra être évité.
En outre, de nombreux cancers de la prostate évoluent lentement et ne causent jamais de problèmes. En réalité, des recherches récentes montrent que de nombreux hommes atteints d'un cancer de la prostate ont intérêt à ne pas le traiter du tout, mais simplement à le surveiller. En avril 2013, une étude publiée dans la revue New England Journal of Medicine a montré que la surveillance active du cancer de la prostate a le même taux élevé de survie, c’est-à-dire quinze ans, que des interventions beaucoup plus agressives comme la radiothérapie et la chirurgie.
La même étude a mis en évidence les effets secondaires de ces traitements, en faisant remarquer qu'ils pouvaient causer des problèmes persistants de fonction sexuelle et de miction pendant une période plus longue qu'on ne le pensait allant jusqu'à douze ans. « Il s'agit là d'un problème lourd à porter à long terme pour les personnes concernées », déclare Ridgman. « Les données montrent que les hommes peuvent vivre avec un cancer de la prostate localisé et à faible risque pendant de nombreuses années, voire des décennies, sans avoir besoin d'un traitement actif. »
Bien que leurs problèmes urinaires ne soient généralement pas synonymes de cancer, les hommes ne devraient pas souffrir en silence.
« Si vous avez des symptômes qui vous dérangent, parlez-en à votre médecin », conseille Arvin George. « Nous ne voulons pas que les personnes concernées se résignent à penser qu’il s’agit d’un problème individuel et qu’elles doivent s’en accommoder. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.