Les compléments en vitamines A et E feraient plus de mal que de bien

Les vitamines liposolubles, comme la vitamine E, sont stockées dans les réserves de graisse du corps. Pour cette raison, il est possible d'en consommer à des niveaux toxiques.

De Daryl Austin
Publication 9 avr. 2025, 11:43 CEST
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Les vitamines liposolubles causeraient plus d’effets néfastes si on en consomme des doses élevées. Découvrez l’avis des experts sur les vitamines A et E.

PHOTOGRAPHIE DE Wolfgang Volz, Laif, Redux

L’industrie des vitamines et des compléments alimentaires explose. Et, bien qu’il existe des compléments essentiels aux personnes souffrant de carences ou de certaines maladies, les recherches tendent à prouver que certaines vitamines synthétisées pourraient avoir des effets néfastes, comme des atteintes au niveau du foie, la perte de cheveux, des douleurs articulaires et musculaires, et des troubles de la vision.

« Tout le monde est à la recherche de la pilule magique qui guérira de tous leurs maux mais ce ne sont pas les compléments alimentaires », explique JoAnn Manson, cheffe de médecine préventive au Brigham and Women’s Hospital à Boston, dans l’État du Massachussetts.

Cela ne veut pas dire qu’une certaines personnes n’ont pas besoin de compléments alimentaires pour pallier un manque de nutriments. Cela signifie seulement que la plupart des personnes qui pensent devoir en consommer, n’en ont en réalité pas besoin.

« Généralement, je ne conseille pas de consommer des compléments en vitamines sauf s’il y a une raison spécifique de le faire », ajoute Walter Willett, professeur d’épidémiologie et de nutrition au département de santé publique T. H. Chan de Harvard.

De telles recommandations sont surtout pertinentes lorsque l’on prend des vitamines A et E. Celles-ci sont associées à des risques bien précis et ne sont pas absorbées par le corps de la même manière que les autres vitamines.

 

VITAMINES HYDROSOLUBLES OU LIPOSOLUBLES ?

Les vitamines qui se dissolvent dans un liquide sont des vitamines hydrosolubles, comme la vitamine C et les huit vitamines B. Rapidement assimilées et métabolisées, les nutriments essentiels que l’on en retire sont utilisés sur-le-champ et ne sont pas stockés pour une utilisation ultérieure.

« Les excès de vitamines hydrosolubles sont évacués dans les urines », explique Alice Lichtenstein, directrice de l’équipe en charge de la nutrition cardiovasculaire du centre Jean Mayer USDA de recherche sur la nutrition humaine et son influence sur le vieillissement à l’université de Tufts.

D’un autre côté, les nutriments liposolubles, comme les vitamines A, D, E et K, sont stockés dans le foie et les tissus graisseux du corps pour une utilisation ultérieure. Tandis que ce mécanisme aide à subvenir à des besoins comme l’emmagasinement de vitamine D au cours de l’été afin de compenser le manque d’exposition au soleil en hiver, cela signifie également que ces vitamines peuvent atteindre un taux potentiellement toxique.

C’est pour cette raison que les apports maximaux tolérables (AMT) sont mis à jour par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), afin de connaître la quantité de nutriments, protéines et certaines vitamines, que l’on peut consommer sans effets néfastes sur la santé. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail applique également les recommandations de l’EFSA.

« Les vitamines liposolubles ont un AMT plus faible comparé aux vitamines hydrosolubles, insistant sur l’importance de se montrer prudent lors de leur consommation », explique Jen Messer, diététicienne reconnue et présidente élue de l’Académie de nutrition et de diététique de l’État du New Hampshire.

Parmi les quatre vitamines liposolubles, les experts incitent particulièrement à la prudence vis-à-vis des vitamines A et E.

 

À PROPOS DE LA VITAMINE A

La vitamine A est importante pour la vision, le développement, la reproduction et la santé immunitaire. Lorsqu’on en consomme via des aliments naturels, comme le foie de veau, les patates douces, les épinards et les carottes, en respectant les doses recommandées de 750 microgrammes pour l’homme adulte et de 650 microgrammes pour la femme adulte, la vitamine A est sans risque et même essentielle.

Mais comme pour tout, « c’est la dose qui fait le poison », disait Paracelse.

L’apport maximal tolérable journalier de vitamine A est fixé à 3 000 microgrammes. Il est cependant important de remarquer que cette autorisation inclut la consommation ou l’absorption de toutes les sources de vitamine A : aliments, compléments alimentaires, ainsi que les crèmes et les lotions contenant du rétinol. Pour donner un ordre d’idée, une portion de 100 grammes de foie de veau cuit contient environ 11 450 microgrammes de vitamine A.

Certains experts en nutrition insistent pour que l’apport maximal soit revu à la baisse et soit plus adapté aux enfants et aux adolescents, les plus jeunes étant potentiellement plus affectés par la surconsommation de la vitamine.

L’apport actuel est dangereux pour quiconque car « une seule large dose peut contribuer à la toxicité », explique Yufang Lin, médecin généraliste au centre de médecine intégrative de la Cleveland Clinic. Cela peut entraîner des problèmes tels que des douleurs aux articulations, des maux de tête, la perte de cheveux, des courbatures, une perte de la vision, des nausées et, dans des cas extrêmes, un coma, voire la mort.

De plus, la vitamine A étant stockée dans les cellules du foie, son accumulation peut entraîner des dommages. La vitamine A n’est cependant pas la seule responsable de ces problèmes, comme le montrent les études qui sont continuellement publiées et qui révèlent des problèmes au foie liés à la prise de compléments.

Il a également été démontré qu’une consommation excessive pouvait mener à des complications lors de la grossesse. « La vitamine A est essentielle au développement normal du fœtus mais un surplus peut être néfaste, pour la mère comme pour le fœtus en croissance ; cela entraîne un risque accru de problèmes liés aux yeux, au cœur, aux organes et au système nerveux central », explique Jen Messer.

Même en quantités raisonnable hors grossesse, « les compléments en vitamine A sont liés à des irritations de la peau et des risques accrus de fractures osseuses », rajoute JoAnn Manson.

Une étude publiée en 2023 révèle que la toxicité de la vitamine A peut également découler du rétinol, la vitamine A topique, utilisé dans les traitements de l’acné et du psoriasis.

Il y a même eu des cas de problèmes enregistrés lors de l’inclusion de la vitamine A dans les compléments multivitaminés. « À un moment, la quantité de vitamine A dans les compléments multivitaminés a été source d’inquiétude dans le cadre de la perte osseuse chez les femmes âgées », explique Alice Lichtenstein. Elle ajoute que c’est pour cette raison que certaines marques de compléments multivitaminés n’incluent à présent la vitamine A dans leurs produits que sous forme de bêta-carotène. Des études ont montré que le bêta-carotène est converti en vitamine A dans le corps mais qu’il comporte moins de risques que ses autres formes.

De plus, bien que certaines études montrent que la vitamine A, lorsqu’elle provient d’un régime équilibré, peut réduire le risque de développer certains cancers, selon le département des compléments alimentaire du National Institute of Health des États-Unis, elle pourrait augmenter le risque de certains autres, à cause du rôle de la vitamine A dans la régulation de la croissance des cellules et leur différentiation.

 

À PROPOS DE LA VITAMINE E

La vitamine E est une vitamine liposoluble encore plus sujette à la controverse.

Naturellement assimilée via des aliments tels que l’huile de germes de blé, les avocats, le poisson, les graines et les noix comme les amandes, les noisettes et les cacahuètes, la vitamine E est un antioxydant puissant qui protège les cellules d’un individu contre les effets des radicaux libres et améliore la santé oculaire et de la peau.

Cependant, le département de nutrition T. H. Chan de santé publique de Harvard remarque que le profil de sûreté de sa forme synthétique est une source d’inquiétude parmi les académiciens. « À cause de rapports occasionnels d’effets néfastes pour la santé des compléments en vitamine E, les scientifiques se demandent s’ils pourraient être dangereux, voire s’ils pourraient augmenter les risques de décès. »

L’un des points de controverse et de confusion à propos de la vitamine E, c’est que le nutriment existe sous plusieurs formes, certaines plus étudiées que d’autres.

« La vitamine E existe à l’état naturel sous huit formes chimiques, et la plupart des compléments en vitamine E sont à base d’alpha-tocophérol synthétique », explique Yufang Lin. Il semblerait que, sous cette forme, la vitamine E comporte plus de risques. « C’est pour cela qu’il est préférable de consommer des aliments riches en vitamine E plutôt que de consommer des compléments synthétiques. »

Kate Zeratsky, diététicienne et nutritionniste à la Mayo Clinic, abonde : « je crois que nous avons besoin de mieux comprendre comment fonctionnent les différentes formes de vitamines E et leurs interactions dans notre corps ».

Il demeure aussi une certaine confusion quant à la quantité de vitamine E qu’un individu peut consommer sans risque. Chez l’homme adulte, l’Efsa recommande un apport satisfaisant de 10 milligrammes par jour et de 9 milligrammes par jour chez la femme adulte. Cependant, la limite supérieure de sécurité est de 300 milligrammes chez l’adulte, au-delà, « la prise de vitamine E est susceptible de présenter un risque et même en-dessous, sa prise n’est pas sans danger », selon le NIH.

En effet, une étude clinique a montré qu’une prise de 268 milligrammes de vitamine E chaque jour augmenterait de 17 % les risques de cancer de la prostate chez les hommes%. La forme de vitamine E présente dans les compléments alimentaires étudiés a également été reliée à des risques de cancer du poumon.

« Et les effets secondaires néfastes peuvent être ressentis même sans atteindre ces niveaux de toxicité », ajoute JoAnn Manson. « Les tests randomisés de la vitamine E ont documenté des problèmes même à des quantités modérées. »

De plus hautes doses de compléments en vitamine E interféreraient également avec la coagulation sanguine, ce qui pourrait être à l’origine d’hémorragies, explique Jessika Rose, diététicienne bariatrique à l’université de santé Upper Chesapeake, dans le Maryland.

Il subsiste aussi des inquiétudes sur les effets négatifs de la vitamine E lors de la prise de médicaments, de traitements contre le cancer, voire lors de la prise d’autres compléments en vitamines. Des antioxydants, comme la vitamine C, le sélénium et le bêta-carotène, consommés en même temps que des compléments en vitamine E pourraient potentiellement atténuer la production de cholestérol HDL, considéré comme le « bon » cholestérol dont notre corps a besoin.

Une étude publiée par l’Association américaine de santé cardiovasculaire (AHA) montre que la prise de compléments en vitamine E n’est plus recommandée aux plus hauts taux requis afin d’aider à prévenir des maladies chroniques comme le cancer, l’arthrose et la cataracte.

« Finalement, il faut peser le pour et le contre entre les risques encourus et les bénéfices que l’on en retire », conclut Jen Messer.

 

RESPECTER LES DOSES RECOMMANDÉES

Il est important de toujours vérifier les recommandations officielles en termes de posologie, et de respecter les apports maximaux tolérés des compléments en vitamines. Il faut également prendre garde à ne pas mélanger les vitamines et vérifier que la prise de vitamines différentes n’entraîne pas d’effets néfastes sur la santé. « Parlez-en à votre médecin traitant ou votre diététicien afin de déterminer quels nutriments vous sont utiles », suggère Jessika Rose.

« C’est une idée reçue répandue que les compléments en vitamines ont des bienfaits pour toute la population », rajoute Jen Messer. « Ils peuvent en avoir pour certains individus, dans des situations particulières, mais tous n’en ont pas besoin. De plus, les compléments sont parfois onéreux et ne sont pas sans risques. »

Note de l’éditeur : Cet article a initialement paru le 20 novembre 2023, sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise. Il a depuis été réactualisé avec de nouvelles recherches.

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