Les safaris végans : une alternative efficace pour des vacances plus écoresponsables ?
Le véganisme ne se limite pas au régime alimentaire. Pour proposer des safaris plus respectueux de l'environnement, des entreprises africaines s'attèlent à intégrer de bonnes habitudes liées au bien-être animal dans leurs activités.
Deux rhinocéros broutent au coucher du soleil dans le delta de l'Okavango au Botswana, une destination où les voyageur.ses peuvent trouver des safaris végans.
Certaines expériences peuvent être à l’extrême opposé des convictions des voyageuses et voyageurs végans. Un safari africain typique, par exemple, sert une cuisine riche en viande, propose de s’allonger sur des canapés en cuir et organise des expéditions en voiture à moteur diesel pour observer les animaux sauvages. Il est donc compréhensible que les personnes qui adoptent un mode de vie qui évite la consommation de produits d’origine animale, mais qui met également l’accent sur la durabilité et la conservation des ressources de la Terre, ne soient pas attirées par de telles activités.
Aujourd’hui, cependant, des safaris plus accessibles aux personnes véganes commencent à voir le jour. Ces destinations ne se contentent pas de servir des repas à base de plantes : elles s’attachent également à limiter l’exposition aux produits animaux, à minimiser leur impact sur l’environnement et à compenser les émissions de carbone du voyage lui-même.
Dans quelle mesure les safaris peuvent-ils réellement être adaptés aux convictions du véganisme ?
UN SAFARI VÉGAN : QU’EST-CE QUE C’EST ?
Les premiers safaris végans ont été lancés vers 2017, avec Vegan Safari Africa et World Vegan Travel, qui proposaient des expériences au Botswana, en Afrique du Sud et au Rwanda. Maintenant, dans un monde où les voyageurs qui s’identifient comme végans ou végétariens sont de plus en plus nombreux, selon l’association PETA, ces nouveaux safaris sont non seulement plus accessibles et durables, mais aussi une nouvelle source de revenus pour les organisateurs.
Vegan Safari Africa, établi au Botswana et dirigé par Helene et David Forward, propose des safaris végans grâce à des camps partenaires depuis environ six ans. Compte tenu de l’histoire de sa famille, c’est un changement conséquent pour David : son père était arrivé au Botswana en 1959 avec un groupe de chasseurs de gros gibier et, quand David était enfant, il a voulu suivre les traces de son père.
Les girafes comptent parmi les animaux que l'on peut observer lors des safaris à pied dans la réserve privée de Shamwari, en Afrique du Sud.
Les visites guidées en bateau avec Vegan Safari permettent d'observer la faune du delta de l'Okavango au Botswana en provoquant moins de perturbations.
Aujourd’hui, les Forward emmènent des groupes d’environ six personnes dans des safaris végans au Botswana et en Zambie. Ils utilisent un véhicule à quatre roues motrices avec un guide local professionnel, et passent jusqu’à dix nuits à camper dans la brousse. Ils n’ont pas de camp permanent, mais s’associent si nécessaire avec des offres de camps végans existants, afin de réduire leur impact sur l’environnement. Les lieux de camps fonctionnent selon un principe simple : ne pas laisser de traces. Les clients disposent de bouteilles d’eau réutilisables, toute la nourriture servie est végétalienne, les savons sont biodégradables, fabriqués à la main par des producteurs locaux, et ne sont pas testés sur les animaux.
Des excursions dans la nature ont lieu tous les matins, et le reste de la journée, les clients se détendent au camp. « Les guides font très attention à la manière dont ils cherchent les animaux », explique Helene. Par exemple, s’ils doivent éclairer un animal pour montrer sa position lors d’une promenade, ils utilisent une lumière teintée en rouge pour minimiser les perturbations.
Une autre entreprise, Vegans, Baby (en collaboration avec Alluring Africa), propose des safaris en Afrique du Sud, mais aussi au Botswana, une nouveauté pour 2023. Cette dernière utilise des articles de toilette sans cruauté (autrement dit, ils n’ont pas été testés sur des animaux et ne contiennent aucun produit animal) ainsi que du linge de maison sans laine ni soie, et évite les espaces présentant des peaux d’animaux (comme les chaises en cuir) ou des trophées de chasse (comme les cornes accrochées au mur).
Les hébergements du camp de Vegan Safari arborent généralement une décoration et des matériaux respectueux des animaux.
L’itinéraire sud-africain se déroule dans la Shamwari Private Game Reserve, où les repas peuvent inclure des légumes du jardin du camp grillés sur le feu. De nombreuses activités sont proposées, telles que des excursions pour repérer les grands félins, les éléphants et les girafes dans des réserves où les véhicules tout-terrain sont interdits, des promenades pour découvrir l’écosystème de la brousse, la plantation d’arbres pour compenser les émissions de carbone et l’aide aux sanctuaires et aux centres de réhabilitation pour les animaux orphelins.
Kings Camp en Afrique du Sud propose également une alimentation végétalienne et un guide de safari végan, tout comme Emboo Camp au Kenya. Emboo est la première entreprise d’Afrique de l’Est à disposer d’une flotte complète de véhicules de safari électriques qui sont rechargés à l’énergie solaire. Au camp, qui fonctionne également à l’énergie solaire, l’eau et les déchets sont recyclés et un jardin fournit tous les ingrédients des repas.
Des visiteur.ses d'Emboo Camp, dans la réserve nationale du Masai Mara, au Kenya, se tiennent à côté d'un véhicule de safari électrique.
En janvier, Kings Camp, Vegan Safari et Alluring Africa ont toutes été récompensées par PETA pour leurs safaris africains respectueux des animaux. C’était la première fois que PETA décernait ce prix.
Le nombre d’entreprises offrant des safaris végans demeure néanmoins assez faible, selon Wolfgang Strasdas, professeur de gestion du tourisme durable à l’Université d’Eberswalde pour le développement durable, en Allemagne. Le marché pour ce type de safari est en effet encore restreint, mais cela pourrait également résulter d’une différence culturelle. « Les pays où se déroulent les safaris ont une culture fortement liée à la consommation de viande, notamment en raison des conditions naturelles semi-arides, qui rendent la culture de produits végétaux plus difficile », explique Strasdas.
UNE VRAIE BONNE ALTERNATIVE ?
Un voyage végan ne se limite toutefois pas uniquement à la non-consommation de viande. Tous les safaris ont un impact sur l’écosystème et l’environnement locaux, en particulier dans les parcs populaires, où les animaux sont harcelés, les habitats détruits, et où la pollution et la conduite hors route représentent des menaces non négligeables. « Nous avons constaté une diminution des pâturages ainsi qu’une érosion des sols dans certaines zones [de la réserve nationale du] Masai Mara, causées par l’intensité des passages des camions tout-terrain », déplore Shem Wambugu Maingi, expert en écotourisme pour les safaris et chargé d’enseignement à l’Université Kenyatta, au Kenya.
Les transports aériens et automobiles que les voyageurs empruntent pour arriver à destination, ainsi que la distance parcourue par les aliments s’ils ne sont pas cultivés sur place, devraient également être pris en compte pour atteindre une durabilité globale.
« Je ne veux pas être trop pessimiste à ce sujet, car nous devons vivre avec cette contradiction », affirme Strasdas. « Le tourisme du safari, s’il est bien géré, présente de nombreux avantages pour les destinations. »
En fin de compte, Strasdas et Maingi s’accordent à dire que le niveau de durabilité des safaris végans (même s’ils ne sont sans doute pas complètement végans) est plutôt bon, surtout si les entreprises embauchent des employés venant de la région, si les camps cultivent leur propre nourriture et si les groupes de safari se concentrent sur la préservation et la restauration de l’habitat. Tant que les voyageuses et les voyageurs gardent l’environnement et la communauté à l’esprit, les safaris végans peuvent être bénéfiques à la fois pour les personnes et pour la planète.
« Entrez en contact avec des personnes du monde entier, découvrez leur vie, explorez la nature sauvage et appréciez ce que nous avons à perdre », recommande Helene Forward. « Laissez-vous inspirer, et travaillez ensuite à des solutions. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.