Cette pirogue polynésienne va partir pour un long voyage, de l'Alaska à Tahiti

L'équipage de la pirogue Hōkūleʻa s'apprête à embarquer pour un périple de 47 mois à travers l'océan Pacifique avec de multiples objectifs, allant de la protection des terres à la revitalisation de la culture polynésienne.

De Jill K. Robinson
Publication 9 juin 2023, 16:02 CEST
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Sur cette photographie de 2013, l'équipage d'Hōkūleʻa s'entraîne à l'art ancestral de la navigation polynésienne sans outils modernes. Hōkūleʻa et sa pirogue jumelle, Hikianalia, entameront un tour du Pacifique en 2023, et ce afin de relier les cultures polynésiennes et de mettre l'accent sur la conservation des océans.

PHOTOGRAPHIE DE Paul Nicklen, Nat Geo Image Collection

La navigation polynésienne se fiait aux étoiles, au vent et aux vagues, et a longtemps été sous-estimée par les spécialistes, persuadés que les peuples polynésiens anciens n’avaient pas les connaissances nécessaires pour être des navigateurs chevronnés. En 1976, une pirogue traditionnelle à double coque de près de 19 mètres de long est cependant parvenue à les contredire. Baptisée Hōkūleʻa, cette dernière a effectué un voyage d’Hawaï à Tahiti avec un équipage de quinze personnes à son bord, prouvant ainsi que les méthodes traditionnelles étaient plus que capables de traverser le vaste océan.

Aujourd’hui, la prochaine génération de voyageurs polynésiens s’apprête à entreprendre un nouveau périple maritime particulièrement ambitieux. À partir du 15 juin, Hōkūleʻa et sa pirogue jumelle Hikianalia entameront un tour de l’océan Pacifique de 43 000 milles nautiques et de 47 mois, au départ de l’Alaska. Le voyage les mènera dans 36 pays et archipels, près d’une centaine de territoires natifs et 345 ports. Les pirogues abriteront 12 membres d’équipage qui seront remplacés toutes les 4 semaines ; ils formeront donc un équipage total de 400 personnes sur 4 ans.

Voici ce qu’il faut savoir sur ce voyage épique qui sera lancé ce mois-ci.

 

LES ORIGINES D’HŌKŪLEʻA

Nommé d’après Arcturus, l’étoile zénithale des îles hawaïennes, Hōkūleʻa (« étoile du bonheur ») a été conçu et construit par la Polynesian Voyaging Society (PVS). Établie à Honolulu (Hawaï), cette organisation a vu le jour dans l’objectif d’étudier les méthodes autrefois utilisées par les marins polynésiens pour trouver des îles dans l’immense océan Pacifique, et pour s’y installer. Depuis son premier voyage, Hōkūleʻa a parcouru les eaux du monde entier. Ses fondateurs souhaitent désormais explorer et se réapproprier la culture polynésienne, ses traditions et son rapport à ses territoires et à la planète.

« Hōkūleʻa nous permet de retrouver le lien que beaucoup croyaient perdu », explique Lehua Kamalu, exploratrice National Geographic, première femme capitaine d’Hōkūleʻa et directrice des voyages de la PVS.

 

LE VOYAGE MOANANUIĀKEA

Le voyage Moananuiākea (« le vaste Pacifique ») d’Hōkūleʻa sera lancé ce mois-ci en Alaska, un point de départ qui découle d'un partenariat qui a débuté en 1990. Après avoir cherché en vain des rondins de koa suffisamment grands pour construire une pirogue de voyage hawaïen à partir de matériaux traditionnels natifs, la PVS avait alors contacté les peuples Tlingits, les Haïdas et les Tsimshians de la Sealaska Corporation. Le groupe de conservation natif de l’Alaska avait alors offert deux rondins d’épicéa de Sitka à la société.

« C’est la raison pour laquelle nous commençons par l’Alaska », selon Randie Fong, responsable du ʻAha Moananuiākea Pacific Consortium. « Il est important, lorsque nous voyageons, que nous reconnaissions les peuples natifs du monde ainsi que nos systèmes traditionnels afin de trouver des solutions au changement climatique et d’encourager la restauration de nos océans et de nos paysages. »

« Nous voulions que tout cela soit lié au Pacifique, car c’est ici que réside notre culture », confie Nainoa Thompson, navigatrice et présidente de la PVS. « Nous savons que les grands systèmes de la planète sont reliés les uns aux autres. Nos océans ne sont pas multiples ; ils ne font qu’un. »

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Hōkūleʻa est un waʻa kaulua de près de 19 mètres, une pirogue de voyage à double coque ouvert aux éléments. « Même si le fait d’avoir navigué sur le bateau et d’en comprendre le fonctionnement est d’une grande aide, lorsque les conditions sont mauvaises, on entre en mode survie », explique la capitaine Lehua Kamalu.

PHOTOGRAPHIE DE Paul Nicklen, Nat Geo Image Collection

 

UN VOYAGE À SUIVRE

Le voyage d’Hōkūleʻa et Hikianalia sera retracé sur Hokulea.com ; tous ceux qui le souhaitent pourront donc suivre le parcours des deux pirogues. Le site web indiquera également les dates de chacune de leurs escales.

Depuis l’Alaska, les pirogues navigueront le long des côtes occidentales de l’Amérique du Nord et du Sud, traverseront la Polynésie et remonteront vers le nord le long du Pacifique occidental. Hōkūleʻa partira ensuite du Japon jusqu’à Los Angeles, et rentrera à Hawaï. De là, il voyagera jusqu’à Tahiti au printemps 2027.

« L’océan fait ce qu’il veut », affirme Kamalu. « Hōkūleʻa est un navire ouvert, nous sommes donc très exposés et ne pourrons pas nous cacher des complications météo. Nous serons peut-être trempés continuellement pendant des jours. »

L’équipage sera certainement confronté à des défis en cours de route, mais son succès ne sera pas lié à l’ampleur des difficultés qu’il sera capable de surmonter, mais à sa responsabilité de s’assurer que la prochaine génération de navires pourra aller encore plus loin.

À cette fin, la PVS a également lancé Wa’a Honua, un centre virtuel mondial destiné à encourager les futurs navigateurs de la planète. « Ce voyage et son impact vont bien au-delà de l’équipage qui sera à bord », affirme Kamalu.

Hōkūleʻa sera probablement en mer au moment de célébrer le cinquantième anniversaire de la pirogue, le 1er mai 2026. « La beauté du voyage ne réside pas dans la vitesse », selon Thompson. Ce qui est beau, « c’est d’aller lentement et de prendre son temps. On ne peut pas simplement regarder les étoiles pour savoir où l’on se trouve. Dans ce type de navigation, on ne sait où l’on est que si l’on se souvient d’où on vient. »

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    Jill K. Robinson est une rédactrice voyage et aventure établie à San Francisco. Retrouvez-la sur Instagram.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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