Visiter l'épave du Titanic : un tourisme aussi lucratif que controversé

Depuis plus de 20 ans, il est possible (moyennant 250 000 dollars) de découvrir l'épave du Titanic de ses propres yeux. Une activité dangereuse aussi bien pour la conservation du site que pour la sécurité des personnes qui s'y rendent.

De Allie Yang
Publication 22 juin 2023, 16:49 CEST
Le Titanic se dégrade depuis plus d'un siècle : des structures importantes se sont effondrées alors ...

Le Titanic se dégrade depuis plus d'un siècle : des structures importantes se sont effondrées alors que des bactéries mangeuses de fer dégradent la coque. Les visites touristiques du navire risquent d'accélérer cette détérioration.

PHOTOGRAPHIE DE Emory Kristof, Nat Geo Image Collection

Huit heures et 250 000 dollars (230 000 euros) : c’est ce qu’il faut pour aller à la découverte de la célèbre épave du RMS Titanic, située à environ 610 km de la côte de Saint-Jean de Terre-Neuve, au Canada.

Ce dimanche, cinq personnes sont montées à bord d’un petit submersible touristique destiné à effectuer ce voyage jusqu’aux profondeurs de l’Atlantique. Baptisé le Titan, celui-ci a perdu le contact seulement 1 heure et 45 minutes après le début de l’expédition qui devait durer huit jours. Les recherches sont encore en cours.

Malgré le danger que représente une telle excursion à plus de 3 800 mètres sous la surface, pour certains, cette opportunité semble irrésistible. En effet, rares sont les personnes qui ont l’occasion de voir le fameux paquebot de leurs propres yeux. 

Plus d’un siècle après son naufrage, le Titanic continue de susciter un grand intérêt et, bien que la plupart d’entre nous nous contentions de visiter des musées, expositions et collections permanentes consacrés à l’épave, toute personne qui est prête à y mettre le prix a la possibilité de partir à sa découverte.

Les préoccupations éthiques d’un tel voyage sont néanmoins nombreuses, et le risque d’endommager encore davantage cette épave centenaire n’est pas à négliger, et pourtant, ces excursions sous-marines vers le Titanic sont organisées depuis plus de vingt ans. Voici tout ce qu’il faut savoir sur cette activité touristique très lucrative et controversée.

 

LA COURSE À LA RÉCUPÉRATION DES ARTEFACTS

Ce n’est qu’en 1985, plus de 70 ans après le naufrage, qu’une expédition menée par Robert Ballard, grand explorateur National Geographic, et Jean-Louis Michel, océanographe français, a permis de découvrir la dernière demeure du Titanic.

Peu après, l’explorateur a témoigné devant le Congrès américain dans le but de faire du site un mémorial maritime protégé et, en juillet 1986, il a entrepris de déposer une plaque près de l’épave en honneur des plus de 1 500 personnes qui y ont trouvé la mort.

Cependant, rien de tout ça n’a pu empêcher ce qui a suivi. La concurrence pour le droit à récupérer les artefacts du navire s’est intensifiée dans un objectif de conservation, mais également de profit, grâce à la vente et à l’exposition de ces derniers auprès du public.

Le premier effort officiel de récupération a été lancé en 1987 par la Titanic Ventures Limited Partnership (TVLP) et l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer ; environ 1 800 objets ont été collectés et conservés. En 1992, un tribunal fédéral américain a statué que TVLP était la seule société habilitée à récupérer des objets sur le Titanic, bien que dans les décennies qui ont suivi, celle-ci ait fait pression pour obtenir davantage de droits.

Désormais connue sous le nom de RMS Titanic Inc., elle a mené huit expéditions sur l’épave et a vendu aux enchères plus de 5 000 objets prélevés sur le site, dont des bijoux et un morceau du grand escalier du navire.

Alors que les batailles pour les droits de visite et de récupération faisaient rage devant les tribunaux, les expéditions sur le paquebot se poursuivaient, et ont donné lieu à un marché touristique restreint et coûteux.

Les toutes premières images du Titanic, avant la révélation au grand public

 

DES DÉCENNIES DE TOURISME LUCRATIF

Des chercheurs, des sauveteurs et même des cinéastes comme James Cameron, réalisateur du célèbre film Titanic sorti en 1997, ont effectué d’innombrables excursions sur l’épave ; et pour une somme conséquente, des touristes ont eux aussi pu vivre cette expérience sous-marine historique.

En 1998, la société britannique Deep Ocean Expeditions a été l’une des premières à vendre, au prix de 32 500 dollars (29 500 euros) l’unité, des billets permettant de découvrir les vestiges du navire. En 2012, Rob McCallum, chef de l’expédition, a déclaré que, après être déjà descendue 197 fois, la société allait organiser une dernière série d’excursions cette même année. Ces expéditions ont duré 12 jours chacune et ont permis d’emmener 20 passagers sur le site pour 59 000 dollars (53 500 euros) le billet.

Dès 2002, l’agence de voyages Bluefish, établie à Los Angeles, a également organisé des plongées sur le Titanic, mais n’a embarqué que huit personnes dans les quatre années suivantes, avant d’arrêter ses expéditions. En 2012, l’entreprise a recommencé à accepter des réservations, avec des billets à 59 680 dollars (54 200 euros).

La société londonienne Blue Marble a elle aussi proposé des billets pour 105 129 dollars (95 500 euros) en 2019, un montant équivalent à la valeur ajustée d’un billet de première classe à l’époque du naufrage. Blue Marble s’est associée à OceanGate Expeditions (la société dont le submersible a disparu ce dimanche) pour organiser les excursions.

OceanGate a mené des expéditions avec succès en 2021 et 2022, et dix-huit sont prévues pour 2023.

 

PROTÉGER LE TITANIC

Ces visites ont-elles un impact sur l’épave du navire, qui habite les eaux de l’Atlantique depuis 111 ans ?

Le Titanic a été considérablement endommagé lors de son impact avec le fond marin après son naufrage et, lentement, des bactéries mangeuses de fer ont commencé à consommer ce qu’il en restait. Une détérioration rapide a été constatée moins de dix ans après la découverte de l’épave et, en 2019, une plongée a permis de confirmer que d’énormes parties du paquebot étaient en train de s’effondrer.

Aujourd’hui, le site est jonché de déchets, tels que des bouteilles de bière et de soda, des poids, des chaînes et des filets de cargaison provenant des opérations de récupération. Les visiteurs ont également apposé des plaques et des monuments commémoratifs. En 2001, un couple a même célébré son mariage dans un submersible reposant sur la proue du Titanic.

Même s’ils ne touchent pas volontairement l’épave, les submersibles sont tout de même susceptibles de l’endommager. Une expédition se serait par exemple écrasée sur le Titanic en 2019, et aurait omis de communiquer les informations relatives aux dégâts causés par cet accident.

Les tentatives de protection de l’épave se poursuivent. Du fait de son emplacement dans les eaux internationales, le site peut bénéficier des protections de base prévues par la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique de l’UNESCO, qui lui ont été accordées en 2012. En 2020, le Royaume-Uni et les États-Unis ont convenu de collaborer afin de donner ou de refuser des permis aux personnes qui souhaitent pénétrer sur le site afin d’y prélever des objets.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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