Un rassemblement rare de 1 000 baleines a été observé près de l'Antarctique

Les passagers d'un bateau de croisière ont eu l'immense surprise d'assister au plus grand rassemblement de rorquals communs observé depuis plus d'un siècle : un événement rare qui rappelle l'importance de la protection des espèces marines menacées.

De Annie Roth
Publication 24 févr. 2023, 09:30 CET
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Une baleine à bosse nage au large de l'Antarctique. Cette espèce comptait parmi les centaines de baleines observées en train de se nourrir au large de l'île du Couronnement, au nord de la péninsule Antarctique, en 2022.

PHOTOGRAPHIE DE Jordi Chias, Nature Picture Library

En janvier 2022, près de l’Antarctique, les passagers et l’équipage du National Geographic Endurance ont eu la chance d’assister à une scène époustouflante, jamais observée depuis que la chasse à la baleine avait conduit à la quasi-extinction du rorqual commun.

« Alors que nous naviguions au nord de l’île du Couronnement l’année dernière, nous avons vu un spectacle absolument incroyable : l’horizon était rempli de jets de baleines », se souvient Conor Ryan, zoologiste et naturaliste à bord du navire de croisière, exploité par Lindblad Expeditions.

« Une fois que nous nous sommes rapprochés, le son du souffle des rorquals était continu. Il nous entourait, tout comme la condensation de l’haleine des baleines dans l’air, qui nécessitait un nettoyage régulier de nos objectifs d’appareil photo et de nos lunettes de soleil », nous raconte Ryan dans un e-mail.

Entre 830 et 1 153 rorquals communs, ainsi qu’une poignée de baleines à bosse et de baleines bleues, s’étaient rassemblés pour se nourrir d’une masse dense de krill au large de l’île du Couronnement, située au nord de la péninsule Antarctique.

Selon des scientifiques de l’Université de Stanford qui ont analysé les photos et les vidéos de cet événement, ce grand rassemblement de baleines à fanons pourrait être le plus important depuis la fin de la chasse industrielle à la baleine, à la fin du 20e siècle. Jusque-là, le plus grand rassemblement de rorquals communs enregistré ne comptait que 300 individus.

« Il y a un peu plus de 100 ans, il n’aurait probablement pas été si exceptionnel d’observer un tel phénomène », soulève Matthew Savoca, écologiste marin à Stanford et co-auteur d’une nouvelle étude sur l’événement, publiée cette semaine dans la revue Ecology.

Avec ses 80 tonnes, le rorqual commun est le deuxième plus grand mammifère du monde, juste après la baleine bleue. Environ un million de ces cétacés colossaux parcouraient autrefois les océans du monde, mais à la suite d’un siècle de chasse intensive, leur population a chuté d’environ 98 %. L’Union internationale pour la conservation de la nature considère que l’espèce est vulnérable à l’extinction, bien que son nombre soit désormais en augmentation.

Grâce à cette observation, Matthew Savoca, qui est explorateur National Geographic, se dit optimiste quant au rétablissement des rorquals communs dans l’océan Austral. Mais il est également inquiet : des menaces pèsent sur les rorquals communs, telles que la collision avec les navires, mais aussi l’enchevêtrement dans les engins de pêche. En outre, des baleines ont été aperçues dans le chemin de plusieurs navires de pêche industrielle au krill.

 

LA PÊCHE AU KRILL INQUIÈTE

« Il est formidable de voir que les rorquals communs sont de retour, et que de plus en plus de personnes peuvent en témoigner », affirme Helena Herr, écologiste spécialiste des mammifères marins au centre d’Histoire naturelle de l’Université de Hambourg, en Allemagne.

Herr, qui a mené des recherches approfondies sur les baleines dans l’océan Austral, explique que ces mammifères se rassemblent souvent au large de l’île du Couronnement parce que les eaux environnantes sont riches en krill antarctique.

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    Le krill, de minuscules crustacés que l'on voit ici se nourrir de phytoplancton, forme la base du réseau alimentaire de l'océan.

    PHOTOGRAPHIE DE Paul Nicklen, Nat Geo Image Collection

    Ces minuscules crustacés constituent la base du réseau alimentaire de l’océan Austral ; ils sont les proies préférées des manchots, des baleines et des calmars. Les humains, eux aussi, chassent le krill : chaque année, nous en prélevons des centaines de milliers de tonnes dans l’océan Austral pour les utiliser dans des compléments alimentaires, mais aussi pour nourrir les poissons d’élevage.

    L’émerveillement ressenti par Ryan et les touristes du bateau de croisière en voyant tant de rorquals communs a été « quelque peu terni lorsque nous avons réalisé que les bateaux de pêche étaient en train de pêcher au beau milieu du groupe de baleines. C’était assez choquant de voir ça de nos propres yeux. »

    L’étude publiée cette semaine prévient ainsi que, face à l’augmentation du nombre de baleines, les conflits avec l’industrie de la pêche au krill ne peuvent que s’aggraver… à moins que des mesures supplémentaires ne soient prises.

    La Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR), qui réglemente la pêche au krill dans l’océan Austral, devrait par exemple tenir compte de la sécurité et des besoins nutritionnels des baleines, indique Savoca.

    La commission doit également faire respecter les règles existantes, ajoute Herr. « Des règles existent pour faire en sorte que la pêche au krill ne soit pas pratiquée à proximité des baleines ou de tout autre animal qui s’en nourrit. Cette étude nous a montré que ces quatre navires, au moins, ne suivent pas cette règle. »

    Selon Savoca, notre gestion de la pêche au krill dans l’Antarctique dans les dix prochaines années déterminera si de telles observations deviendront courantes à l’avenir, ou si elles resteront de simples coups de chance ponctuels.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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