Requin-marteau ou requin-tigre : qui a la morsure la plus redoutable ?

Un photographe sous-marin est parvenu à mesurer la force de morsure de deux des grands prédateurs les plus imposants du monde : le requin-marteau et le requin-tigre.

De Melissa Hobson
Publication 13 juil. 2022, 16:41 CEST
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Les requins tigres sont nombreux à Tiger Beach, un site de plongée aux Bahamas.

PHOTOGRAPHIE DE Brian J. Skerry, Nat Geo Image Collection

En tant que prédateurs suprêmes des océans, les requins sont connus pour leurs talents pour la chasse, tels que l’embuscade furtive du requin du Groenland ou de la queue en forme de fouet du requin-renard. Pourtant, les experts ignorent encore beaucoup de choses sur ces animaux dans la vie sauvage, comme leur vitesse maximale et la puissance de leur morsure.

La plupart des connaissances scientifiques sur la force de morsure proviennent d’expériences menées sur des requins en captivité ou de modélisations informatiques. Sans surprise, travailler avec « des requins vivants, grands et charismatiques dans la nature présente des contraintes logistiques majeures », selon Dan Huber, un biologiste de l’université de Tampa qui étudie les requins.

Cependant, le photographe sous-marin Brocq Maxey, qui participe à la gestion de la société de plongée Shark Explorers, établie en Afrique du Sud, a voulu relever ce défi. Au cours d’une expérience, Maxey est parvenu à enregistrer la force de morsure d’un requin-tigre sauvage nageant librement et d’un grand requin-marteau, deux des plus grands requins prédateurs du monde : une première pour ces deux espèces.

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Brocq Maxey enregistre la force de morsure d'un grand requin-tigre femelle à l'aide d'une jauge de force de morsure fabriquée sur mesure, à Tiger Beach, aux Bahamas.

PHOTOGRAPHIE DE Morne Hardenberg, National Geographic
Droite: Fond:

Les requins-citrons se rassemblent à la surface alors que Maxey tente d'enregistrer leur force de morsure.

PHOTOGRAPHIE DE Mark McClean, National Geographic

L’étude de la force de morsure aide les scientifiques à comprendre l’évolution des stratégies de chasse des requins durant les dernières 400 millions d’années qui leur a permis de devenir des prédateurs aussi efficaces, explique Huber, qui n'a pas pris part à la nouvelle expérience.

Il s’agit également de données essentielles pour les efforts de conservation : plus les scientifiques en savent sur les requins et leurs comportements, plus ils peuvent élaborer des plans pour les sauver, ajoute-t-il.

De plus, l’Union internationale pour la conservation de la nature ayant classé le requin-tigre dans la catégorie des espèces quasi menacées et le grand requin-marteau dans celle des espèces en danger critique d’extinction, il est crucial de comprendre ce que mangent ces espèces en déclin, soutient Huber. Si une espèce a évolué pour se spécialiser dans la chasse d’une proie spécifique, comme c’est le cas des tortues de mer en voie de disparition, il y aura de graves répercussions si cette nourriture n’est plus disponible.

 

MESURER LA FORCE DE MORSURE

Pour l’expérience, afin de mesurer la force de morsure des requins, Maxey a commandé une jauge fabriquée sur mesure. Il a conçu cet équipement pour être assez sensible pour effectuer des relevés précis, mais assez robuste pour résister aux puissantes mâchoires des requins. Puis, aux Bahamas, il a utilisé des appâts pour inciter les requins à mordre la jauge.

Avec son équipe, il a relevé une force de 230 kg pour un requin-marteau de 3,3 mètres de long, et une de 392 kg pour un requin-tigre de 2,75 mètres de long. Bien que plus petit d’un demi-mètre que le requin-marteau, le requin-tigre avait donc une puissance de morsure de 70 % supérieure.

Selon Huber, c’est ce à quoi il s’attendait d’après ses modèles mathématiques.

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    Le grand requin-marteau (ici nageant au large des Bahamas) est la plus grande espèce de requin-marteau, pouvant atteindre une longueur de près de 6 mètres.

    PHOTOGRAPHIE DE Brian J. Skerry, Nat Geo Image Collection

    Les requins-tigres, parfois appelés poubelles de l’océan, sont non seulement plus agressifs mais aussi réputés pour manger presque n’importe quoi, y compris des tortues de mer. Enroulant leur grande bouche autour de leur proie, ils secouent la tête pour scier la carapace coriace des tortues. Le requin-marteau, quant à lui, nécessite beaucoup moins d’énergie puisqu’il saisit ses repas, dont des raies et des calmars, d’un seul coup de dents.

    Si les requins peuvent avoir une force de morsure énorme, c’est souvent « en raison de leur taille gigantesque », explique Huber. Si l’on prend la taille de leur corps en compte, leur force de morsure est relativement faible par rapport à celle d’autres animaux comme l’hippopotame (829 kg), et le crocodile marin, dont la morsure de 1 700 kg serait la plus puissante du règne animal.

    Parce qu’ils ont une « bouche pleine de couteaux à steak », les grands requins n’ont pas besoin d’une morsure forte pour se nourrir.

     

    LA RAPIDITÉ DU REQUIN MAKO

    Une autre première a été présentée dans le nouveau documentaire. Le réalisateur de films animaliers Andy Casagrande a tenté d’enregistrer la vitesse d’un requin mako, considéré comme l’un des requins les plus rapides du monde.

    Le requin mako, parfois appelé guépard des océans, a « la forme d’une torpille », décrit Marianne Porter, une biologiste qui étudie la biomécanique des requins à la Florida Atlantic University. Ils sont « élégants et profilés » jusqu’à leur « petite pointe » de nez, idéale pour percer l’eau, dit-elle. Ils se propulsent également grâce à leur puissante queue en forme de croissant.

    Bien que des rapports anecdotiques aient présenté des makos nageant à 69 km/heure, Casagrande espère être le premier à enregistrer leur vitesse maximale avec certitude.

    Dans une expérience inédite au large de San Diego, Casagrande a fait en sorte qu’un requin mako poursuive un appât en forme de poisson, puis elle l’a suivi avec un drone ultra-rapide équipé d’un GPS. Le requin a mis 2 secondes pour parcourir 22 mètres, distance mesurée grâce à une règle flottante, soit une vitesse de 39,5 kilomètres par heure. L’expérience a permis de valider la méthode de Casagrande, mais il est très peu probable que cette vitesse soit la plus rapide dont le requin mako est capable.

    Bien que déçu, Casagrande comprend pourquoi personne n’a encore enregistré la vraie vitesse maximale d’un requin mako. « C’est presque impossible. Presque », affirme-t-il dans l’épisode.

     

    LES DÉFIS DES RECHERCHES SUR LES REQUINS

    Huber et Porter précisent qu’il est difficile de déterminer la vitesse ou la force de morsure maximales d’un animal.

    Par exemple, les forces de morsure volontaire des requins sauvages sont probablement « grandement sous-estimées », selon Huber, car leur offrir un appât « n’est pas un scénario de prédation réaliste ».

    « Certes, les requins vont mordre, mais ils n’ont pas de raison d’utiliser leur plus haut niveau de performance. »

    Comment mesurer la force de la morsure d'un requin-bouledogue ?

    Nous, humains, pouvons comprendre pourquoi, ajoute le biologiste. Est-ce que ça vous arrive souvent d’utiliser le maximum de vos forces ?

    Comme pour la force de morsure, la vitesse d’un requin peut varier énormément en fonction de la situation, explique Marianne Porter, qui n’était pas impliquée dans l’expérience sur la vitesse. « Nous ne savons pas si le requin suivait cet appât par curiosité, ou s’il essayait réellement de capturer de la nourriture comme si sa vie en dépendait. »

    Selon elle, confirmer la vitesse maximale d’un animal nécessiterait « d’énormes quantités de données » sur une longue période de temps, mais l’expérience à petite échelle de Casagrande pourrait inspirer d’autres expériences.

    L’utilisation de la vidéo par drone pourrait notamment être un moyen de donner aux scientifiques un aperçu sans précédent de l’incroyable rapidité des requins, estime la biologiste de la Florida Atlantic University.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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