Après une baisse significative, les émissions carbone repartent à la hausse
Il y a plusieurs raisons à cela, mais la principale est liée à la hausse des combustions de charbon en Chine.
Pendant plusieurs mois, la transition écologique semblait bien engagée. Mais après trois années consécutives de maintien à l'équilibre, les émissions carbone liées à l'activité humaine repartent à la hausse. Une équipe internationale de scientifiques s'alarme ce nouveau pic.
En 2017, les émissions de CO2 relatives aux combustibles fossiles augmenteront encore de 2 % selon les projections scientifiques, pour dépasser le précédent un record de 37 milliards de tonnes métriques.
Ces émissions n'avaient pourtant augmenté que de 0.25 % de 2014 à 2016. L'occupation des sols a considérablement aggravé le bilan carbone de la planète. La déforestation à elle seule ajoute 4 milliards de tonnes métriques de CO2 produits en plus en 2017, faisant ainsi passer les émissions globales de 37 milliards de tonnes métriques à 41 milliards de tonnes métriques.
Cette hausse significative réduit le temps imparti à la communauté internationale pour limiter à 2 degrés Celsius le réchauffement climatique - un cap que la communauté scientifique internationale pense indispensable de ne pas dépasser pour limiter les catastrophes naturelles.
« Ce qui induit cette hausse est l'agressive productivité de la Chine » estime Corinne Le Quéré de l'université d'East Anglia, et auteur principal de plusieurs études sur les nouvelles émissions carbone publiées lundi 13 novembre. Une hausse inattendue de la combustion du charbon en Chine a été le premier contributeur de la hausse globale d'émissions carbone. En Chine, des sécheresses estivales ont asséché plusieurs rivières et limité la production national d'hydroélectricité.
LA CHINE N'EST PAS LA SEULE À BLÂMER
Ce changement en matière de politique énergétique n'est pas sorti de nulle part. Les émissions carbone chinoises ont certes augmenté, mais dans le temps les États-Unis et l'Union européenne n'ont pas réduit leurs émissions carbone autant qu'ils s'étaient engagé à le faire.
Aux États-Unis, la hausse du prix du gaz naturel a conduit à un recours légèrement plus important à la combustion de charbon pour la première fois en cinq ans. Elle a été accompagnée d'une hausse de la consommation de pétrole. En conséquence de quoi les émissions carbone qui déclinaient de 1.2 % par an n'ont baissé l'an dernier que de 0.5 %.
En Europe, les émissions n'ont baissé que de 0.25 % après une décennie de baisse significative d'environ 2 % par an.
Par ailleurs les émissions de l'Inde, qui augmentaient de manière régulière de 6 % par an, suivant la courbe de l'industrialisation du pays et l'accès croissant des régions rurales à l'électricité, ne devraient augmenter « que » de 2 % en 2017. Cette bonne nouvelle génère toutefois des inquiétudes, cet état de grâce risquant de ne pas durer très longtemps.
Depuis 2010, la Terre a connu cinq des années les plus chaudes de son histoire. La question est donc de savoir si la hausse continue d'émissions carbones est exceptionnelle ou la nouvelle norme.
« C'est difficile de dire si 2017 est un couac dans une trajectoire plutôt positive ou si cette année signe le retour à une croissance continue d'émissions carbones » explique Corinne Le Quéré.
UN NUAGE PASSE
L'annonce a été faite lors de la conférence sur le climat réunissant les experts climatiques à Bonn, en Allemagne, dont le but était d'engager les gouvernants à contenir le changement climatique. En 2015, durant la COP21, 195 Nations, dont les États-Unis, s'étaient engagées à faire tout leur possible pour maintenir la hausse des températures en-deçà de 2°C, tout en reconnaissant que la maintenir sous la barre des 1.5°C serait encore préférable. Les États-Unis, sous l'impulsion de Donald Trump, ont depuis décidé de se retirer de l'Accord de Paris.
Les scientifiques avaient anticipé que les émissions carbone ne baisseraient pas immédiatement. Entre autres, des centaines de millions de personnes en Inde vivent toujours sans électricité, et l'accès progressif des ruraux à cette technologie induisait une plus grande production d'émissions. Mais l'espoir était permis grâce au refus de la Chine d'avoir recours au charbon, dont les émissions polluaient l'air et tuaient des citoyens par milliers chaque année. La Chine était en passe de devenir le premier producteur d'énergie renouvelable mondial.
Si Corinne Le Quéré reste optimiste et estime que 2017 pourrait n'être qu'une mauvaise parenthèse, une autre étude sur laquelle elle travaille avec le climatologue Robert Jackson pour l'université de Stanford suggère que les mauvaises nouvelles climatiques pourraient continuer de pleuvoir.
La Banque mondiale et le Fonds monétaire international projettent une augmentation du PIB par habitant en 2018 à des taux inédits depuis 2011. Selon Robert Jackson, une activité économique de cette ampleur devrait générer encore plus d'émissions carbone. Et pour cause : malgré le boom des énergies solaires et éoliennes depuis le début des années 2000, 80 % des nouvelles infrastructures énergétiques fonctionnent encore grâce aux énergies fossiles. « Nous avons un meilleur bilan énergétique mais nous consommons autant que dans les années 1990, » explique Jackson.
On observe cependant des tendances plus positives. Les émissions carbone diminuent sensiblement au Mexique et en Amérique latine. La Chine a plafonné le chauffage au charbon pour l'hiver à venir et annoncé son engagement à limiter la circulation des véhicules essence et diesel.
« "Décarboniser" le secteur des transports est sans doute la chose la plus difficile à faire. Donc si la Chine y parvient, ce sera un grand pas, » estime Robert Jackson.
La nouvelle étude suggère que la hausse des émissions carbone devrait continuer à augmenter de 3 % par an, au rythme auquel elles augmentaient dans les années 2000. Mais cela dépendra des décisions énergétiques prises dans les mois à venir.
« Pour le moment, les États sont peut-être un peu trop contents d'eux-mêmes, » conclut Corinne Le Quéré.