Le vaste désert d’Arabie était autrefois un paradis vert et luxuriant

Une nouvelle étude visant à reconstituer le passé ancien de la péninsule arabique donne de nouveaux indices sur la façon dont les Premiers Hommes ont quitté l’Afrique.

De Tom Metcalfe
Publication 14 avr. 2025, 19:46 CEST
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Des dromadaires marchent à travers les dunes du désert d’Arabie qui borde Margham, aux Émirats Arabes Unis. Une nouvelle étude étoffe les théories selon lesquelles cette région était autrefois un paradis vert et humide.

PHOTOGRAPHIE DE Brooke Whatnall, Nat Geo Image Collection

Une nouvelle étude menée sur des stalagmites trouvées dans des grottes en Arabie Saoudite centrale apporte des preuves irréfutables que la région était verte et luxuriante durant une grande partie des huit derniers millions d’années. Un phénomène que l’on connaissait sous le nom d’« Arabie verte », qui était encore une hypothèse jusqu’à il y a peu.

Cette étude indique également que la bande centrale des déserts « barrières » du monde, qui s’étendent du Sahara à l’ouest, à travers l’Arabie et le désert Thar en Inde à l’est, étaient jadis des paysages bien irrigués, aux allures de savane. Des écosystèmes qui ont encouragé la migration de primates et d’autres animaux hors d’Afrique, dont Homo sapiens et certains de nos ancêtres hominidés.

« Les mers de sable que nous avons l’habitude de voir n’ont pas toujours existé », déclare l’archéologue Michael Petraglia, directeur du centre de recherche australien de l’évolution humaine au sein de l’université Griffith. « Cela a eu un effet considérable sur notre évolution. »

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Un arbre pousse dans une région aride où la nappe phréatique se trouve juste sous la surface du sable dans le désert d’Oman, le Rub al Khali.

PHOTOGRAPHIE DE Bill Hatcher, Nat Geo Image Collection

 

COMMENT LES SCIENTIFIQUES REMONTENT LE TEMPS

Michael Petraglia est l’un des auteurs principaux de l’étude publiée dans la revue scientifique Nature. Il travaille sur la théorie de l’Arabie verte depuis 2010, en étudiant principalement des carottes de sédiments prélevés dans les lacs asséchés de la région.

Les prélèvements contiennent des traces des plantes qui y poussaient auparavant et donnent des renseignements sur les types de sédiments en lien avec le climat. Ils montrent que l’Arabie, et probablement les déserts orientaux et du Sahara, étaient des régions humides durant une longue période.

Les carottes des sédiments ne dataient en revanche que d’un demi-million d’années.

Les nouvelles données climatiques des grottes de la région centrale d’Arabie Saoudite ont toutefois été utilisées afin de modéliser le climat de la région au cours des huit derniers millions d’années. Une avancée spectaculaire.

Celles qui ont permis cette percée majeure proviennent de sept grottes d’As Sulb, un plateau de calcaire érodé situé au nord-est de Ryadh, au centre de l’Arabie Saoudite. Là-bas, vingt-deux échantillons de roche ont été prélevés en 2019.

Les échantillons ont surtout été récoltés sur des stalagmites, qui poussent du sol au plafond à mesure que de l’eau chargée en minéraux goutte lentement sur eux. Les stalactites, elles, s’accrochent au plafond des grottes.

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    Gauche: Supérieur:

    Aliya, la déesse de la fertilité, est représentée aux côtés de chasseurs, de chameaux, de bouquetins et d’un guépard, dans la province de Najran, en Arabie Saoudite.

    Droite: Fond:

    D’anciens pétroglyphes illustrent la faune et la flore qui prospérait dans ces terres dorénavant arides : un bouquetin sur un rocher dans la province de Najran, en Arabie Saoudite.

    Photographies de Eric Lafforgue, Hans Lucas, Redux
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    Gauche: Supérieur:

    Des pétroglyphes sur des roches montrent des palmiers dans la province de Najran, en Arabie Saoudite.

    Droite: Fond:

    Un pétroglyche d'autruche dans la province de Najran, en Arabie Saoudite.

    Photographies de Eric Lafforgue, Hans Lucas, Redux

    Huw Groucutt, archéologue de l’université de Malte et l’un des co-auteurs de l’étude, explique que les stalagmites contiennent souvent les preuves que cherchent les scientifiques, dont des traces de plomb, d’uranium et de thorium, utilisées pour leur datation.

    Le principe de la datation à l’uranium/thorium repose sur la comparaison des traces d’uranium radioactifs présentes dans les échantillons, au thorium, l’élément issu de sa détérioration. Cette méthode fournit des datations précises sur les 600 000 dernières années.

    La datation à l’uranium et au plomb est cependant une nouvelle technique qui compare les isotopes d’uranium au plomb, issu de sa détérioration sur une plus longue période. Cette méthode peut évaluer l’âge d’une stalagmite sur des millions d’années, 7,44 dans le cas présent.

     

    UNE PISTE SOUVENT NÉGLIGÉE

    Ces nouvelles données climatiques s’accordent avec les preuves que défendaient Michael Petraglia dans d’autres études sur l’Arabie verte. La théorie suggère que l’intégralité de la bande de déserts qui sépare la plupart de l’Afrique de l’Eurasie, dont le Sahara et des déserts plus loin à l’est, étaient verdoyants durant de longues années.

    Il explique que l’Arabie est souvent écartée dans les représentations qui montrent les routes que les animaux et les Premiers Hommes ont utilisées pour migrer hors d’Afrique.

    Une Arabie verte pourrait cependant avoir été un passage majeur lors d’un tel déplacement.

    Et, lorsque l’Arabie était humide, continue Michael Petraglia, le Sahara et les autres déserts pourraient avoir été humides également, des changements climatiques qui auraient été causés par des variations périodiques des orbites de la Terre autour du Soleil.

    « Ces découvertes ont été spectaculaires », s’émerveille l’archéologue. « C’est une toute nouvelle source d’informations [climatiques], non seulement pour l’Arabie, mais pour de nombreux endroits à travers le monde. »

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    Un marchand de chameaux bédouin déambule dans le désert du Quart Vide, qui s’étend sur toute la péninsule arabique. Bien que les scientifiques soient de l’avis qu’une savane verte aurait permis aux humains de travers facilement la région, plus de preuves sont nécessaires pour confirmer cette théorie.

    PHOTOGRAPHIE DE Jeremy Horner, Panos Pictures, Redux

     

    DES PHASES HUMIDES

    La nouvelle étude décrit des preuves d’au moins dix phases humides an Arabie au cours des huit derniers millions d’années et deux autres phases potentielles, bien que non-confirmées.

    Huw Groucutt explique que les stalagmites n’ont poussé que lorsque l’environnement était suffisamment humide pour que l’eau s’infiltre du sol à la grotte. Les isotopes contenus dans les échantillons de roche ont révélé les dates auxquelles ces périodes de croissance ont eu lieu.

    L’étude montre que la durée des périodes humides en Arabie varie, allant d’un million d’années à des dizaines de milliers d’années. C’est suffisant pour que des animaux et les premiers hommes soient passés par l’Arabie, en provenance du Nord de l’Afrique, pour se rendre dans les régions fertiles par-delà ses frontières.

    Michael Petraglia explique par ailleurs que les recherches scientifiques menées dans les grottes de la région ont lieu depuis quelques années mais que la plupart n’avaient pas été publiées jusqu’à présent. Il explique : « Nous ne sommes qu’au début de nos travaux dans les grottes d’Arabie Saoudite. »

    Huw Groucutt décrit les expéditions qui ont déjà eu lieu pour retrouver des échantillons de grottes dans les parties septentrionales de la péninsule arabique, qui pourraient aider à affiner l’étendue géographique des phases humides.

     

    ÉPOUSTOUFLANT

    Paul Wilson, paléoclimatologue de l’université de Southampton, au Royaume-Uni, qui n’a pas pris part à la récente étude, confie avoir été époustouflé par les données issues de la modélisation du climat, beaucoup plus détaillée que ce qui se faisait jusqu’à présent.

    Ses propres recherches sur les sédiments récoltés sur le plancher marin ont montré qu’ils contenaient moins de poussière du Sahara durant plusieurs périodes humides au cours des onze derniers millions d’années. Ce qui correspond aux variations de l'orbite de la Terre autour du Soleil.

    Cependant, bien que le continent africain ait été le sujet de nombreuses études ces dernières années, l’Arabie a souvent été délaissée. « C’est une grande validation de certaines choses auxquelles nous nous attendions depuis longtemps », dit-il.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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