Comment le drapeau arc-en-ciel est-il devenu le symbole de la communauté LGBTQIA+ ?
Le drapeau arc-en-ciel ne cesse d’évoluer afin de mettre en lumière les diverses identités présentes au sein de la communauté LGBTQIA+. Sa dernière version inclut désormais les personnes intersexes.
Des centaines de drapeaux arc-en-ciel ont pu être observés lors de la marche des fiertés de Torremolinos, en Espagne, le 1er juin 2024. Le drapeau arc-en-ciel a évolué au fil des décennies pour inclure différents symboles et couleurs, reflétant l’inclusion et la diversité croissantes au sein de la communauté LGBTQIA+.
L’emblématique drapeau arc-en-ciel LGBTQIA+, que l’on voit souvent orner les maisons, les entreprises et les pare-chocs des voitures du monde entier, est bien plus qu’une simple bande de tissu colorée. Ce drapeau constitue un vibrant témoignage de la marche des Fiertés, ou Pride, l’emblème d’un soutien indéfectible.
« La communauté LGBTQ+ est présente dans le monde entier… tout comme les arcs-en-ciel », déclare Robert Kesten, directeur exécutif du Stonewall Museum.
D’OÙ VIENT LE DRAPEAU ARC-EN-CIEL ?
En préparation de la Pride de San Francisco du 25 juin 1978, le premier élu californien ouvertement gay, Harvey Milk, demanda à Gilbert Baker, vétéran gay, drag queen, activiste et artiste, de créer un symbole pour représenter la communauté LGBTQIA+.
Photographie de Gilbert Baker, l’artiste à l’origine du drapeau arc-en-ciel, en train de fabriquer l’un des 500 drapeaux de la fierté présentés dans le cadre d’une installation réalisée en 1998 pour le Gay Rights Project.
Le drapeau arc-en-ciel à huit couleurs de Baker, qui exprime selon lui la joie, la beauté et la puissance de la communauté LGBTQIA+, s’inspire du drapeau américain. « À la fin des années 1970, la fierté nationale était à son apogée en raison du bicentenaire des États-Unis, et l’homophobie était monnaie courante dans la société américaine. L’utilisation de symboles nationaux pour représenter la fierté homosexuelle a trouvé écho chez de nombreuses personnes homosexuelles », explique Christopher Ewing, professeur adjoint d’histoire à l’université de Purdue.
Environ 15 000 personnes ont défilé dans les rues de Nantes pour la Pride 2023. Des dizaines de personnes se sont rassemblées sur cette fontaine en agitant des drapeaux aux couleurs de l'arc-en-ciel. Le slogan de la Marche des fiertés de cette année était « Ignorance et préjugés entraînent haine et violence », dans le but de lutter contre la transphobie et d'accroître la visibilité des personnes LGBTQIA+.
Photographie de Harvey Milk en train de prêter serment devant la juge Ollie Marie-Victoire. Il devint ainsi le premier élu ouvertement gay de l'histoire de la Californie.
À l’origine, le drapeau contenait également du rose, pour représenter le sexe et du turquoise pour symboliser la magie. Quant au rouge, il est là pour symboliser la vie ; l’orange, la guérison ; le jaune, la lumière du soleil ; le vert, la nature ; le bleu, l’harmonie, et le violet, l’esprit. Après l’assassinat de Harvey Milk en novembre 1978, la demande en drapeaux arc-en-ciel augmenta, ce qui conduisit à la suppression des bandes roses et turquoises en raison de contraintes de fabrication. Les six couleurs arc-en-ciel restantes devinrent alors le symbole durable de la fierté homosexuelle.
VERS PLUS D’INCLUSIVITÉ
Le drapeau arc-en-ciel de Baker fut modifié à de nombreuses reprises pour devenir plus inclusif. « L’évolution du drapeau arc-en-ciel montre que la communauté queer fait encore face à des problématiques raciales et de genre. Les récentes versions du drapeau mettent l’accent sur les personnes queer BIPOC et les personnes de genre non conforme qui sont elles-mêmes discriminées dans les espaces queer », explique Cookie Woolner, professeure agrégée d’histoire à l’université de Memphis.
Une foule exhibe une bannière arc-en-ciel aux couleurs éclatantes lors de la Pride de Mexico.
En 2017, le « Philly Pride flag » (soit drapeau des fiertés de Philadelphie) créé par le Bureau des affaires LGBT de Philadelphie sous la direction d’Amber Hikes, a été dévoilé à l’hôtel de ville de Philadelphie. Cette version du drapeau arc-en-ciel comporte des bandes noires et brunes pour inclure la communauté QTBIPOC (pour Queer, Trans*, Black, Indigenous People of Color) qui a été historiquement exclue des mouvements queer malgré le fait d'avoir été confrontée aux préjugés et à la violence en tant que double minorité.
Le drapeau de la fierté de Philadelphie, une version modifiée du drapeau arc-en-ciel traditionnel, comporte deux bandes supplémentaires (une noire et une marron) placées au-dessus des couleurs habituelles. Il a pour but de représenter et d'honorer les personnes de couleur appartenant à la communauté LGBTQIA+.
« La contribution des QTBIPOC a été centrale dans la rébellion de Stonewall. Ces nouvelles couleurs leur rendent hommage et les mettent en lumière », explique Rebekkah Mulholland, professeure adjointe d’histoire à la CSU Sacramento.
En 2018, l’emblème arc-en-ciel a été actualisé par l’artiste non binaire Daniel Quasar pour inclure les bandes blanches, roses pâles et bleues du drapeau de la fierté trans*, symbolisant un engagement en faveur d’une plus grande inclusivité. « Le Progress Pride flag a pour but de résister à l’effacement des QTBIPOC au sein du mouvement », explique Ewing. « Il réincorpore le rose, l’une des couleurs originales ayant été abandonnées, dans un nouveau contexte. »
Les bandes noires et brunes forment un chevron rempli des couleurs bleu clair, rose et blanc du drapeau trans*. « Il est important de mettre l’accent sur les personnes trans*, car elles ont souvent été en première ligne de l’activisme et ont dû faire face aux répercussions les plus graves en raison de leur transgression de genre souvent visible », explique Woolner.
En 2020, un nouveau drapeau arc-en-ciel des fiertés LGBTQIA+ est apparu : le « Queer People of Color flag » (soit le drapeau des fiertés des personnes de couleur). La bannière, dont le concepteur est inconnu, met en avant l’équité queer et raciale en incorporant un poing levé, symbole du mouvement Black Lives Matter, dans un dégradé de tons de peau. Selon Ewing, « le mouvement politique qui a conduit à la création du drapeau arc-en-ciel à la fin des années 1970 n’aurait pas abouti sans la contribution des QTBIPOC » et le fait de mettre en avant les QTBIPOC « affirme la place inamovible des personnes de couleur dans le mouvement LGBTQIA+ ».
La plus récente version du drapeau des fiertés, le « Intersex-Inclusive Pride flag » (qui met à l'honneur les personnes intersexes) a été créée en 2021 par Valentino Vecchietti, chroniqueuse intersexe et personnalité médiatique. « Les drapeaux des fiertés n’ont pas pour vocation de nous enfermer ou de nous mettre dans des cases mais de refléter la diversité de notre existence et de créer une visibilité inclusive », explique-t-elle. « L’inclusion ne doit pas être qu'un concept ; il faut que nous puissions la voir. Le drapeau reprend le Progress Pride flag et y ajoute un cercle violet dans un triangle jaune, symbole de la fierté intersexe. Avec ses 11 couleurs, il constitue un clin d’œil subtil à l’emblème original des fiertés arc-en-ciel.
Le drapeau de Baker a fait l’objet de nombreuses révisions, et continuera probablement d’être revisité. « Plus nous verrons à quel point le spectre de l’identité humaine est large, plus il y aura de versions du drapeau », explique Kesten. « Dans une communauté aussi dynamique, créative et [engagée dans l’activisme] que la nôtre, ce drapeau continuera d’évoluer. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.