Feu, fertilité, chaos... L’Écosse fait renaître un ancien rituel païen

Cette fête celtique du feu et de la fertilité atteint son point culminant lors de l’union de la Reine de mai et de l’Homme vert, puis à l’arrivée de l’été.

De Rebecca Crowe
Publication 26 avr. 2025, 14:08 CEST
Des flammes s’élèvent derrière un artiste lors du Beltane Fire Festival, dans le sud de l’Angleterre. ...

Des flammes s’élèvent derrière un artiste lors du Beltane Fire Festival, dans le sud de l’Angleterre. Des événements comme celui-ci, ou encore celui d’Édimbourg, s’inspirent de traditions séculaires qui marquaient autrefois le changement de saison dans le monde celtique.

PHOTOGRAPHIE DE Andrew Matthews, PA Images, Getty Images

Chaque printemps, dans la nuit du 30 avril, des milliers de personnes se rassemblent sur Calton Hill, à Édimbourg, pour accueillir le retour de l’été avec des feux de joie. Des artistes vêtus de costumes spectaculaires se meuvent au cœur de la foule, reconstituant d’anciens rituels au son des tambours et des chants qui résonnent à travers la ville.

Cette foule, formée de la population locale et de touristes, vient assister au Beltane Fire Festival, la plus grande célébration moderne, en Grande-Bretagne, d’une tradition ancienne qui honore le feu, la fertilité et le changement de saison. Ramené à la vie en 1988 par un groupe d’artistes et de bénévoles, cette fête s’est développée jusqu’à devenir un spectacle électrisant, ancré dans la tradition mais façonné par les valeurs modernes.

Comment un rituel du feu païen presque oublié est-il devenu l’un des événements annuels les plus emblématiques d’Écosse ?

 

D’OÙ BELTAINE TIRE-T-ELLE SES ORIGINES ? 

Beltaine est l’une des huit célébrations saisonnières du calendrier celtique, avec SamainYule, Imbolc, OstaraMidsummerLughnasadh et Mabon. Ses origines remontent à plusieurs siècles, prenant racine sur les terres écossaises, irlandaises, galloises et de l’île de Man. 

Des artistes costumés se préparent pour le Beltane Fire Festival d’Édimbourg. Cet événement annuel, qui mêle ...

Des artistes costumés se préparent pour le Beltane Fire Festival d’Édimbourg. Cet événement annuel, qui mêle rituels celtiques anciens et performances artistiques modernes, attire des milliers de personnes à Calton Hill, marquant ainsi l’arrivée de l’été.

PHOTOGRAPHIE DE Jim Richardson, Nat Geo Image Collection

Beltaine signifie « feu de Bel », « feu bénéfique », élément au cœur des festivités. Il célèbre l’arrivée des mois ensoleillés de l’été et la fertilité de la nature, y compris celle des êtres humains et du bétail, qui découle du changement de saison. 

La tradition voulait que tous les membres de la communauté éteignent les feux de leur foyer et qu’un immense feu de joie, appelé « needfire », feu rituel purificateur, soit allumé dans l’espace communautaire. Une partie de ce rituel consistait à conduire le bétail entre deux « needfires » centraux afin de le protéger de la maladie pour la saison à venir. Une fois ce rituel de protection achevé, les festivités se poursuivaient jusque tard dans la nuit avec musique, danses et breuvages.

« Beltaine est depuis longtemps un élément important des traditions et de la culture écossaises, depuis la colonisation anglo-saxonne du pays, avant l’arrivée du christianisme », explique Romaine Furmston-Evans, de la Beltane Fire Society, organisation à but non lucratif qui vise à éduquer le grand public sur les traditions du calendrier celtique, encourager la participation aux traditions écossaises et faire progresser les arts du spectacle. « Lorsque ces conquêtes de territoire ont eu lieu au cours de l’histoire, les traditions comme Beltaine ont été adoptées par la culture dominante et adaptées à ses moyens. Ainsi, ces célébrations ne se sont jamais vraiment évanouies ; elles ont simplement été transformées et souvent rebaptisées. Beltaine, pour sa part, est devenue le 1er mai. »

 

L’HISTOIRE DU BELTANE FIRE FESTIVAL D’ÉDIMBOURG

Bien que la répression du paganisme et des fêtes traditionnelles se soit poursuivie tout au long des 19e et 20e siècles, Beltaine n’a pas complètement disparu. En 1988, un groupe d’artistes a ressuscité l’esprit de cette célébration sur Calton Hill. Toujours organisé par des bénévoles de la communauté, l’événement est passé d’un modeste public d’environ 50 personnes lors de sa première édition à près de 10 000 en 1999. 

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    Lors du Beltane Fire Festival d’Édimbourg, sur Calton Hill, le feu chasse l’hiver. La Reine de mai conduit un rituel de renouveau, tandis que des artistes reconstituent la renaissance saisonnière de l’Homme vert devant une foule de plusieurs milliers de personnes.

    PHOTOGRAPHIE DE Kieran Dodds, Redux

    Ross Tinsley, chargé d’enseignement à l’université Napier d’Édimbourg, qui a mené des recherches approfondies sur Beltaine, indique que « le groupe qui l’a ressuscité cherchait à se libérer des luttes contre le paysage politique dominant du thatchérisme ». 

    Selon la tradition, les célébrations de Beltaine auraient dû avoir lieu sur les pentes d’Arthur’s Seat. Compte tenu du fait que le terrain appartienne à la Couronne, et de la symbolique politique de celui-ci, les personnes en charge de l’organisation ont porté leur choix sur Calton Hill, un lieu connu dans les années 1980 pour son lien avec la contre-culture queer.

    L’histoire de la Reine de mai et de l’Homme vert est au cœur de la version moderne de cette fête. Elle est presque une figure de la terre-mère, incarnant la nature. Quant à lui, il tente d’attirer son attention tout au long de la fête mais n’y parvient que lorsqu’il se défait de son manteau d’hiver et embrasse la nouvelle saison. Le point culminant de la fête est l’union de ces deux protagonistes et le début de l’été.

    Au fur et à mesure que le récit se déroule, d’autres personnages représentant différents aspects de la nature se joignent à la performance. Les « blancs », au service de la Reine de mai, matérialisent ses émotions et son énergie. Les « bleus », qui sont les anciens, font respecter la tradition et l’ordre. Les « rouges », sauvages et imprévisibles, qui illustrent le chaos et la sensualité de la nature, perturbent souvent ces autres groupes. Ces jeux de rôles se tiennent sur Calton Hill durant quatre heures, donnant naissance à une expérience immersive et interactive.

     

    LA RENAISSANCE DE BELTAINE

    La popularité croissante de Beltaine n’est pas uniquement le fruit de ce spectacle. « Nous assistons actuellement à un regain d’intérêt pour les cultures indigènes à travers le monde », déclare Romaine Furmston-Evans. « Cela s’inscrit dans le cadre de la réappropriation de leur héritage par les Écossais. » 

    La popularité de Beltaine reflète en partie un désir croissant de renouer avec l’autre, la nature et des rythmes ancestraux. « Cet essor peut être considéré comme le reflet d’une insatisfaction à l’égard des religions plus traditionnelles et de la cadence de la société occidentale contemporaine », expose Ross Tinsley. 

    Selon le site internet de la Beltane Fire Society, « les motivations derrière Beltaine sont la quête de la nature primitive de l’être humain, le besoin de se reconnecter avec la terre et la nature, ainsi que la mise en opposition des mouvements chaotiques et sauvages des différents constituants de la vie et de la nature avec la surrationalisation et l’ordre disciplinaire de l’État central à notre époque ».

    « Beltaine est une fête qui symbolise l’espoir d’un avenir plus radieux », décrit Romaine Furmston-Evans, source de réconfort pour beaucoup en ces temps d’incertitude.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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