Se scotcher la bouche pour mieux dormir, est-ce vraiment une bonne idée ?

Dormir la bouche scotchée, avec un scotch médical placé sur les lèvres pour empêcher la respiration par la bouche, est une tendance populaire sur les réseaux sociaux.

En mars dernier, Olivia Tennison, créatrice de contenu sur TikTok, a partagé son expérience de la pratique d'hygiène du sommeil. Début septembre, la vidéo comptabilisait plus de huit millions de vues. 

« Je dormais la bouche grande ouverte et c'était gênant. Après une nuit passée la bouche scotchée, je savais que la pratique allait continuer de faire partie de ma routine du sommeil pour toujours, » déclare Olivia Tennison. « Non seulement cela permet de garder la bouche fermée pendant la nuit, ce qui évite la sécheresse buccale que je ressentais auparavant, mais cela m'aide également à rester endormie toute la nuit. » 

Selon un sondage mené en 2023 auprès de 2 005 adultes qui avaient récemment essayé des tendances du sommeil, plus d'une personne sur dix avait essayé le scotch pour la bouche. Des personnes admettent avoir essayé la tendance pour arrêter de ronfler, réduire la respiration par la bouche et même pour… changer la forme de leur visage. Sur les réseaux sociaux, certaines vidéos affirment que le scotch pour la bouche améliore la ligne de la mâchoire et réduit l'apparition d'un double menton. 

Malgré la popularité de cette habitude du sommeil sur Internet, les données médicales soutenant la pratique sont presque inexistantes, indique Indira Gurubhagavatula, professeure de médecine au sein de la Perelman School of Medicine at University of Pennsylvania, et porte-parole de l'American Academy of Sleep Medicine.

En réalité, se scotcher la bouche pourrait même causer des problèmes de santé.

LES RISQUES DU SCOTCH BUCCAL

Bien que certains utilisateurs, comme Olivia Tennison, n'aient pas rencontré de problèmes associés au scotch pour la bouche, la pratique limite l'apport en oxygène. « Plus particulièrement, les personnes souffrant de problèmes respiratoires ou d'apnée du sommeil doivent faire preuve de prudence quant à l'utilisation du scotch pour la bouche », déclare Indira Gurubhagavatula. 

L'apnée obstructive du sommeil, ou l'affaissement partiel ou total des voies respiratoires, est l'un des troubles du sommeil les plus répandus, avec près de 2 milliards de personnes touchées entre les âges de 30 et 69 ans dans le monde. 

Une étude menée en 2022 s'est intéressée à 20 patients présentant une apnée du sommeil modérée qui dormaient avec un scotch sur la bouche et a découvert que treize d'entre eux ronflaient moins avec le scotch. Cependant, un plus grand nombre d'études reste nécessaire pour déterminer si le scotch buccal peut réellement aider à soigner l'apnée du sommeil ou à empêcher le ronflement. 

D'après la Sleep Foundation, une organisation d'éducation à la santé du sommeil, se scotcher la bouche provoquerait des effets secondaires parmi lesquels la perturbation du sommeil ou des difficultés à respirer par le nez.Le scotch pour la bouche irriterait également les lèvres et pourrait être douloureux à retirer.

Cependant, le scotch buccal favorise la respiration par le nez, ce qui contribue à filtrer l'air, réguler la température et empêcher les changements structurels du visage. 

LES BIENFAITS DE LA RESPIRATION PAR LE NEZ

Aucune étude ne suggère que le scotch pour la bouche modifie la ligne de la mâchoire chez l'adulte, indique Salma Batool-Anwar, directrice de programme pour la Sleep Medicine Fellowship de Massachusetts General Brigham. En revanche, la respiration par la bouche peut modifier la forme de votre visage pendant l'adolescence et le début de l'âge adulte.

Une étude menée en 2022 montre que les enfants qui respiraient par le nez présentent un palais et une langue correctement positionnés, alors que ceux qui respiraient par la bouche ont présenté des changements dans les muscles faciaux, les lèvres, la langue et la mâchoire. 

Quant aux adultes, de plus amples recherches sont nécessaires pour comprendre entièrement l'impact de la respiration par la bouche sur la structure faciale au long terme, indique Indira Gurubhagavatula. 

Les effets négatifs associés à la respiration par la bouche incluent également la formation de caries, la parodontite, la sécheresse buccale et la mauvaise haleine. « Certaines personnes qui respirent par la bouche peuvent se réveiller avec la gorge irritée ou la bouche sèche, » indique Indira Gurubhagavatula. « Parfois, ces symptômes peuvent être si gênants qu'ils perturbent le sommeil. »

Contrairement à la respiration par la bouche, la respiration par le nez peut contribuer à réguler la température de l'air que vous respirez, tout en filtrant les allergènes avant leur arrivée dans les poumons, indique Batool-Anwar. En outre, il y aurait moins de résistance dans les voies respiratoires supérieures : « Pendant le sommeil, la résistance est plus faible pour la respiration nasale que pour la respiration buccale. »

En d'autres termes, la respiration nasale offre une meilleure qualité de sommeil.

QUE FAIRE POUR AMÉLIORER LA RESPIRATION NASALE ? 

« Si quelqu'un ressent le besoin de respirer par la bouche, au lieu de la scotcher, il peut être utile de faire vérifier un éventuel blocage des voies nasales en raison d'une congestion due à une allergie, une infection virale, des polypes, une déviation de la cloison nasale ou une autre différence structurelle », indique Indira Gurubhagavatula.

La meilleure chose à faire pour vos habitudes de sommeil est d'adopter une bonne hygiène du sommeil, indique Batool-Anwar. Resprectez des horaires de sommeil réguliers, évitez les écrans avant de vous coucher et dormez dans une pièce plongée dans le noir.

Néanmoins, si l’envie vous prend de vous scotcher la bouche, il est essentiel d'utiliser des rubans médicaux au lieu du scotch de masquage ou du scotch traditionnel.

« L'approche à privilégier est de consulter votre médecin pour qu'il vous oriente vers un spécialiste du sommeil, qui pourra vous aider à identifier la racine du problème et à le résoudre de manière efficace », conclut Indira Gurubhagavatula.