Comment créer sa propre "zone bleue" (et vivre plus longtemps)
Il existe dans le monde des régions où l'on vit vieux et en bonne santé, et même centenaire. Pas besoin de déménager, voici quelques conseils pour créer votre propre "zone bleue".
En Sardaigne, où se trouvent ces formations rocheuses, on a tendance à faire du déjeuner le repas le plus important de la journée. Concentrer ses apports journaliers sur la première partir de la journée et peu manger dans la soirée semble être un précepte de longévité suivi dans les zones bleues.
Ces six recommandations ont le pouvoir de créer un cycle vertueux qui allie la nourriture, des relations sociales viables, une grande liberté de mouvement, une vie spirituelle et, surtout, le bien-être. Les intégrer dans votre routine quotidienne pourrait vous aider à créer votre propre « zone bleue », où vous vivrez une vie longue et saine.
UN CARACTÈRE SACRÉ
Savoir quel genre de nourriture manger et en quelle quantité est le premier pas vers une alimentation qui vous permettrait d'atteindre les cent ans. Les habitants des zones bleues ont bien plus à nous apprendre en matière d'alimentation. Pour eux, cultiver, préparer, servir et manger sont des pratiques sacrées qui leur permettent de réunir leur famille, leur foyer, leur communauté, dans une harmonie et un rythme quotidiens. Après avoir vu la manière dont les principes des zones bleues prennent vie dans les communautés d'Amérique du Nord, je me suis concentré sur les six pratiques alimentaires les plus importantes de ce cycle vertueux. Les voici, accompagnées de quelques réflexions sur leur mise en pratique.
PETIT-DÉJEUNER COMME UN ROI
Un adage adventiste rappelait de « déjeuner comme un roi, dîner comme un prince, et souper comme un mendiant ». En d'autres termes, il faut que votre premier repas de la journée soit le plus conséquent et manger seulement trois repas par jour. C'est la même routine dans presque toutes les zones bleues. Leurs habitants petit-déjeunent copieusement avant le travail, déjeunent, puis terminent la journée par un souper léger. De temps à autres, ils mangent un fruit en milieu de matinée ou une poignée de noisettes en milieu d'après-midi. Mais la majorité d'entre eux ne grignote pas. Un repas normal contient environ 650 calories, alors avec seulement trois repas par jour et un petit encas, ils absorbent toutes les calories dont ils ont besoin dans la journée. Ajouter un quatrième repas, même léger, peut faire grimper votre apport calorique journalier. La plupart de ces aliments sont consommés avant midi. Les Nicoyens mangent souvent deux petit-déjeuners et un dîner léger. Le déjeuner a au contraire tendance à être le repas le plus important pour les Icariens et les Sardes. Les Okinawaïens aiment sauter le dîner. De nombreux Adventistes suivant la règle de « déjeuner comme un roi » ne mangent que deux repas par jour, un en milieu de matinée et un autre aux alentours de seize heures. Des recherches récentes confirment l'intérêt de concentrer la majorité des apports caloriques en début de journée.
CONTRÔLER SES ALIMENTS
Dans leur immense majorité, les résidents des zones bleues mangent chez eux. Manger à l'extérieur y est considéré comme un événement, une célébration, habituellement réservée pour un mariage ou quelque autre occasion festive. Quand on cuisine chez soi, on peut contrôler son alimentation. On peut choisir des ingrédients frais de qualité et éviter de consommer les aliments transformés bon marché qui finissent dans la majorité des plats servis au restaurant. Même les restaurants cinq étoiles ont pris l'habitude d'ajouter du beurre et du sel. Cuisiner encourage aussi à être actif puisque vous devez vous tenir debout, mélanger, mixer, pétrir, hacher... Toute cette activité physique compte plus que ce qu'on pourrait penser, surtout comparée au fait de rester assis dans un restaurant. Une étude a suivi les habitudes alimentaires et les apports caloriques de mille personnes pendant une semaine. Par cette étude, on a découvert que les personnes qui mangeaient à l'extérieur consommaient en moyenne 275 calories de plus par jour que celles qui mangeaient chez elles. Pourquoi ? Parce que les restaurants servent des plats qui contiennent plus de calories. Selon la plupart des estimations, 200 calories supplémentaires par jour peuvent représenter un gain de dix kilos au cours d'une année.
Être debout et préparer les ingrédients pour cuisiner à la maison présente plus d'avantages que vous ne le pensez. La préparation des repas implique une activité physique plus importante qu'un simple repas dans un restaurant.
LE JEÛNE PARTIEL
Les catholiques fervents sardes et nicoyens jeûnent pendant le carême, c'est-à-dire les quarante jours qui précèdent Pâques, pendant lesquels ils s'abstiennent de manger de la viande. Des études montrent que jeûner une fois de temps en temps, même pour une journée, peut être bénéfique pour la santé. Cela peut rééquilibrer le taux d'insuline, ce qui permet au pancréas de faire une pause. Cela peut aussi réduire temporairement le taux de cholestérol et la pression sanguine. Il s'agit d'un moyen à court terme pour perdre du poids, pour rompre les cycles de dépendances alimentaires et peut-être même pour nettoyer le système digestif. Les jeûnes modérés sur des périodes plus longues peuvent créer une forme de restriction calorique et peuvent ralentir le vieillissement. Cela fait passer nos cellules en mode survie, ce qui présente au moins deux avantages. D'abord, les cellules produisent moins de radicaux libres, des agents oxydants qui font « rouiller » notre corps de l'intérieur. Des niveaux plus faibles de radicaux libres renforcent les artères, les cellules cérébrales et même la peau. Jeûner partiellement semble également réduire les niveaux des facteurs de croissance 1 ( IGF-1), une hormone importante pour la croissance des cellules mais potentiellement dangereuse après l'âge de vingt ans puisque des niveaux élevés peuvent favoriser le cancer de la prostate et le cancer du sein, entre autres.
SE FAIRE UN PEU PLAISIR
Aucun de ces rituels ne doit être une restriction, une limitation ou une privation. Ne vous méprenez pas. Faites-vous plaisir avec de bons petits plats et des fêtes occasionnelles. On mange environ 1 100 repas par an. Si on se fait plaisir quelques fois par semaine et qu'on mange ce qu'on aime, il nous reste quand même 1 000 repas par an à manger à la manière des zones bleues. « Ce que les personnes qui suivent un régime oublient, c'est que manger est l'un des plus grands plaisirs de la vie », déclare Antonia Trichopoulou, l'une des plus grandes expertes du régime méditerranéen. Si cela vous rend heureux, ne passez pas à côté de cette part de bûche à Noël, ou de cette part de gâteau d'anniversaire, ou même de ce steak-frites hebdomadaire. Cela ne semble pas forcément sain mais, comme nous l'ont démontré les résidents des zones bleues, le corps possède une certaine capacité à s'équilibrer après un petit plaisir occasionnel. L'astuce, c'est de trouver sans peine ce juste équilibre entre le fait de se faire plaisir et celui de se comporter de manière à préserver notre santé le plus longtemps possible. Dans notre monde, ces deux forces sont en conflit mais, dans les zones bleues, ces deux forces s'harmonisent. Alors, n'hésitez pas à faire la fête de temps en temps.
C'est une règle dans les zones bleues : on ne mange jamais seul, comme cette famille en Grèce.
FAITES DES REPAS UN MOMENT DE PARTAGE
Les repas dans les zones bleues sont un moment de gratitude, de partage, de résolution de problèmes et de renforcement des liens familiaux. Voici la règle : personne ne mange seul, debout ou une main sur le volant. Comme l'a souligné Thea Parikos, ma guide icarienne, lorsque sa famille se met à table, elle laisse derrière elle le stress de la journée. Les Icariens, dit-elle, mangent lentement en conversant avec leur famille, un bon rituel pour renforcer les liens familiaux mais aussi pour des corps plus sains. Votre manière de manger peut s'avérer aussi importante que ce que vous mangez. Manger vite favorise la suralimentation et, comme le montrent les recherches, peut doubler le risque d'obésité. Une étude a démontré que les enfants et les adolescents qui prennent des repas en famille au moins trois fois par semaine ont plus de chances d'avoir un poids normal et des habitudes alimentaires saines. Un rapport du National Center on Addiction and Substance Abuse souligne également que les adolescents qui dînent en famille plus de trois fois par semaine sont moins susceptibles d'avoir de mauvais résultats scolaires. Assurez-vous d'avoir une table conviviale, ronde de préférence, assez petite pour encourager les conversations familiales.
Des parties de cet article sont précédemment apparues dans Blue Zones, The Science of Living Longer, de Dan Buettner. Copyright ©2021 National Geographic Partners, LLC. Disponible dans n'importe quelle bibliothèque et librairie anglophone.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.