L'histoire de ces cinq dirigeants mêle réalité et fiction

Réalité et fiction s'entremêlent dans les récits de ces personnages qui ont marqué l'Histoire par leurs convictions, leur violence et leur persévérance. Dans quelle mesure leurs actes sont-ils historiques ?

De Patricia S. Daniels
Publication 21 oct. 2022, 11:52 CEST
Opener

Le roi Salomon et la reine de Saba, d'après une miniature originale. Persian School.

PHOTOGRAPHIE DE World History Archive, Alamy Stock Photo

Au cours de l’Histoire, nombreux furent les dirigeants qui endossèrent des rôles plus grands que nature. Quetzalcóatl, dans la vallée de Mexico, abolit par exemple les sacrifices humains, une décision controversée dans la société méso-américaine de l’Antiquité. La reine de Saba évalua quant à elle la sagesse du roi Salomon et lui offrit des bijoux et des chameaux, tandis que Shaka Zulu mena une quête sanglante visant à dominer l’Afrique australe.

Pourtant, l’Histoire n’assure pas toujours la fiabilité de ses récits, tout particulièrement lorsque l’histoire orale entre en jeu. Ainsi, des questions demeurent. Quetzalcóatl était-il un homme, un dieu, ou un mélange des deux ? Qui était vraiment la reine de Saba ? Shaka Zulu était-il vraiment aussi assoiffé de sang ? Voici un portrait approfondi de cinq des dirigeants et dirigeantes les plus légendaires de l’Histoire, et une tentative de démêler la réalité de la fiction de leurs récits.

 

VENCESLAS Ier, DUC DE BOHÊME

Le duc Venceslas Ier de Bohême naquit vers l’an 907 dans ce qui est aujourd’hui la République tchèque. Son père était chrétien, mais sa mère, Drahomíra, était d’origine païenne. Lorsque Venceslas perdit son père à l’âge de 13 ans, il fut confié à sa grand-mère Ludmila, également chrétienne. Drahomíra fit tuer Ludmila mais ne parvint pas à convaincre Venceslas de renoncer à ses croyances chrétiennes.

Selon certains récits, le duc de Kouřim se rendit au roi Venceslas après avoir vu des anges l'accompagner, comme le montre cette lithographie en couleurs du 20e siècle.

PHOTOGRAPHIE DE Collection privée, Archives Charmet, Bridgeman Images

En tant que souverain, il se fit connaître comme un pacificateur et un promoteur du christianisme. Selon la tradition catholique, deux anges formaient sa garde rapprochée. On raconte qu’il faisait preuve de charité envers les orphelins, les veuves et les prisonniers. En 935, son frère Boleslav, connu plus tard sous le nom de Boleslav le Cruel, le fit assassiner.

À sa mort, Venceslas fut canonisé et déclaré roi à titre posthume. Aujourd’hui, il est le saint patron de l’État tchèque. La légende veut qu’en cas de besoin, sa statue équestre à Prague s’animerait afin de lever une armée endormie qui vaincrait les ennemis du pays.

 

QUETZALCÓATL

Était-il un homme ou un dieu ? Les récits aztèques d’un ancêtre héroïque, le chef toltèque Ce Acatl Topitzin, ou Quetzalcóatl, circulèrent entre le 10e et le 12e siècle dans la vallée de Mexico. Ce dieu serpent à plumes inventa le calendrier, et introduisit la culture du maïs et l’étude de l’astronomie au Mexique. Son acte le plus révolutionnaire fut toutefois d’interdire les sacrifices humains, qui faisaient partie intégrante de la culture méso-américaine. En fin de compte, d’autres chefs religieux, ou peut-être le dieu Tezcatlipoca (son frère), le poursuivirent jusqu’à la côte des « eaux divines » (l’océan Atlantique), où il s’ôta la vie par le feu ou prit la mer sur un radeau fait de serpents. Selon certains récits, il s’installa à Chichén Itzá, dans la péninsule du Yucatán.

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    Hernandez Cortes, le conquistador espagnol, arrive au Mexique avec son groupe dans cette illustration tirée d'un codex aztèque.

    PHOTOGRAPHIE DE Ann Ronan Pictures, Print collector, Getty Images

    Cette histoire est une légende, d’après les récits des Toltèques et des Mayas, Quetzalcóatl aurait pu être une véritable personne qui fonda la civilisation toltèque : c’est là que la réalité se mêle à la fiction. Le véritable Ce Acatl Topitzin fut peut-être déifié, devenant le dieu Quetzalcóatl ; ou peut-être l’homme endossa-t-il le rôle d’une divinité qui existait déjà.

    L’histoire ne s’arrête pas là. Après la conquête des Aztèques par l’Espagne au 16e siècle, l’histoire espagnole prétendait que les Aztèques croyaient que leur chef, Hernán Cortés, était Quetzalcóatl lui-même, revenu d’outre-mer. Selon les historiens d’aujourd'hui, ces récits furent adaptés pour montrer la crédulité des Aztèques. Quoi qu’il en soit, Quetzalcóatl demeure une figure emblématique pour de nombreux Mexicains de notre époque.

     

    LA REINE DE SABA

    L’un des personnages les plus intrigants de l’Ancien Testament apparaît dans de nombreux récits juifs, chrétiens et islamiques. Dans le texte de l’Ancien Testament, la reine a vent de la renommée du roi Salomon et entreprend un voyage pour le rencontrer « avec un équipage très considérable, des chameaux portant des aromates, de l’or en très grande quantité et des pierres précieuses ». Alors, elle évalue la sagesse de Salomon par le biais de questions et le récompense avec ses trésors. Les récits ultérieurs, quant à eux, sont plus hauts en couleur : dans certains d’entre eux, Salomon entend dire que la reine est dotée d’une jambe velue, semblable à celle d’une chèvre ; il fait donc polir ses sols jusqu’à y voir son reflet. Lorsqu’elle marche sur ce sol, la jambe hirsute de la reine est ainsi révélée.

    Ce tableau de 1890, conservé à la Galerie d'art de Nouvelle-Galles du Sud, montre la visite de la reine de Saba au roi Salomon.

    PHOTOGRAPHIE DE Fine Art Images, Heritage Images, Getty Images

    Les historiens ne peuvent pas confirmer l’existence de cette reine, mais beaucoup associent le nom de « Saba » au royaume de Saba, dans ce qui est aujourd’hui le Yémen. Les épices que la reine apporta à Salomon auraient pu être cultivées dans cette région, et des chameaux empruntèrent effectivement ces routes commerciales au cours du premier millénaire avant notre ère. Les récits sont cependant si anciens et enjolivés que l’on pourrait ne jamais connaître le fin mot de l’histoire.

     

    SHAKA ZULU

    Shaka, souverain zoulou au 19e siècle, était-il un grand chef, un fou, ou un peu des deux ? La réponse à cette question est encore sujette à débat. Le récit classique de la vie de Shaka commence par sa naissance illégitime ; malmené dans son enfance, Shaka acquit une réputation d’impitoyable combattant et de brillant tacticien. Il apprit à ses guerriers à utiliser une lance courte, l’iklwa, ainsi que de lourds boucliers, leur permettant de se battre presque face à face avec l’ennemi.

    Dans les années 1820, Shaka conquit les chefs de tribus voisines dans tout le sud-est de l’Afrique et créa un vaste royaume zoulou dont il était le chef. En cours de route, il tua et expropria des milliers de personnes ; une diaspora connue sous le nom de Mfecane. Et il devint de plus en plus brutal. Selon l’histoire, lorsqu’il perdit sa mère, il aurait ordonné la mort de milliers de ses fidèles afin de causer la même souffrance à leurs familles ; des vaches auraient même été tuées pour faire souffrir leurs veaux. En 1828, Shaka fut assassiné par ses demi-frères.

    Shaka Zulu, illustration européenne du 19e siècle.

    PHOTOGRAPHIE DE British Library, Robana, Shutterstock

    Il est difficile de déterminer avec certitude si Shaka était vraiment aussi meurtrier que les histoires le décrivent. Les écrivains européens étaient encouragés à le dépeindre comme un homme assoiffé de sang, et les détails concernant son éducation ne peuvent être confirmés. Cependant, on ne peut nier l’influence durable qu’il exerça sur les populations d’Afrique australe.

     

    TECUMSEH

    Le chef visionnaire des Chaouanons, Tecumseh, passa sa vie à lutter contre la mainmise des États-Unis sur les terres amérindiennes, et finit par perdre. Lui et son frère Tenskwatawa, « le prophète », acquirent une réputation de personnages à la puissance spirituelle, capables de voir l’avenir.

    Né en 1768 dans ce qui est aujourd’hui l’Ohio, Tecumseh était un guerrier et un orateur réputé. Il souffrit aux mains des soldats américains qui, dans leur chemin vers l’Ouest, brûlaient les maisons qu’ils rencontraient, les unes après les autres. Il voyagea dans tout l’Est du pays pour rallier d’autres nations amérindiennes à la cause de la résistance, et rassembla des tribus dans une communauté connue sous le nom de Prophetstown.

    En 1811, Tecumseh prédit le tremblement de terre dévastateur de New Madrid, qui eut lieu plus tard cette année-là, en disant : « Le Grand Esprit est en colère contre nos ennemis ; il parle dans le tonnerre, et la Terre engloutit les villages et boit le Mississippi ». En effet, pendant le tremblement de terre, le fleuve reflua. Il annonça également à ses disciples que la Grande Comète de 1811 était un signe de bonne chance, et le nom Tecumseh signifie « étoile filante ». Malgré ces présages, la fédération de Tecumseh fut finalement vaincue par les forces américaines pendant la guerre de 1812, et le chef fut tué au combat en 1813.

    Le chef des Chaouanons, Tecumseh, affronte William Henry Harrison lors d'une rencontre en Indiana en 1810, comme le montre cette gravure de W. Ridgway.

    PHOTOGRAPHIE DE Kean Collection, Getty Images

    Personne ne sait avec certitude qui porta le coup fatal. Une théorie proposait Richard M. Johnson dans ce rôle, ce qui lui valut le rôle de vice-président des États-Unis en 1836. Cependant, Tecumseh ne laissa derrière lui aucun journal, lettre ou témoignage. Différents récits tentent de combler les lacunes de la réalité : selon l’un d’eux, il aurait par exemple courtisé la fille blonde aux yeux bleus d’un combattant amérindien. Selon un autre, son arrière-grand-père fut gouverneur de la Caroline du Sud.

    Des extraits de ce travail ont déjà été publiés dans Mysteries of History de Patricia S. Daniels. Copyright © 2018 National Geographic Partners, LLC.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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