Cinq sociétés secrètes qui ont changé le monde
De l'Oracle de Delphes aux Francs-Maçons en passant par les Templiers, les sociétés secrètes existent dans toutes les cultures et agissent dans l'ombre depuis les premières heures.
Initiation dans une loge maçonnique viennoise en 1784.
Les sociétés secrètes existent depuis l’apparition des premières grandes civilisations, sous la forme de cultes religieux, d’associations politiques ou encore de fraternités universitaires. Comptant dans leurs rangs des philosophes, des artistes, des présidents et même des astronautes, les membres menaient généralement leurs affaires en privé, cachant leurs activités et parfois leur identité au public. Certains utilisaient des poignées de main et des symboles secrets, tandis que d’autres portaient des vêtements ou des bijoux codés. Ils renversèrent des dirigeants et remodelèrent des nations, influencèrent des écrivains et des artistes, et changèrent la façon dont les humains pensaient à Dieu. Et ils existent encore de nos jours.
Que faisaient-ils exactement dans l’ombre ? Que cachent leurs mystérieux rituels ? Voici les véritables histoires de certaines des sociétés les plus secrètes de l’Histoire.
L’ORACLE DE DELPHES
Dans la Grèce antique, les citoyens qui avaient une question importante à poser pouvaient solliciter la sagesse des dieux par le biais d’oracles, et il n’existait pas d’oracle plus influent que celle de Delphes. Au maximum de son influence entre les 8e et 6e siècles avant notre ère, ce temple massif dédié au dieu Apollon se trouvait au cœur du sanctuaire de Delphes qui, la plupart du temps, servait de lieu de culte. Mais neuf jours par an, le temple se transformait en oracle lorsqu’une médium, appelée la Pythie, recevait un groupe limité de visiteurs sélectionnés pour les dons importants qu’ils avaient fait.
La sibylle de Delphes est l'une des cinq sibylles représentées sur la fresque du plafond de la chapelle Sixtine réalisée par Michel-Ange en 1512.
Le temple d'Apollon à Delphes fut construit au 7e siècle avant notre ère dans le style dorique.
Au jour fixé, la Pythie, généralement une jeune femme originaire de Delphes, buvait et se baignait dans les eaux de la fontaine Kassotis. Elle entrait ensuite dans le temple pour prendre place dans le sanctuaire intérieur, l’adyton. L’oracle elle-même ne « parlait » jamais. Au lieu de cela, elle entrait en transe, provoquée, selon l’historien grec Plutarque, par de mystérieuses « vapeurs », se tordant et convulsant tout en émettant des sons et des cris étranges. Les prêtres interprétaient ses paroles et produisaient une réponse, et étaient ainsi dorés d’un pouvoir énorme, surtout si la question portait sur des sujets politiques importants.
LE CULTE DE MITHRA
Les mystères mithriaques, ou mithraïsme, une société secrète qui se développa au 1er siècle de notre ère dans tout l’Empire romain, en grande partie grâce à sa popularité auprès des troupes romaines, s’inspiraient d’une divinité indienne et perse connue sous le nom de Mithra, censée être née d’un rocher. Dépeint comme un dieu sauveur, Mithra était souvent représenté en train d’abattre un taureau sacrificiel ou de partager un banquet avec Sol, le dieu du Soleil.
Le mithraeum sous la basilique Saint-Clément-du-Latran à Rome.
Nous ne savons pas grand-chose du fonctionnement interne de ce culte exclusif, mais l’accent aurait été mis sur la glorification de la guerre, la victoire sur le mal et l’obtention du salut. Tous les candidats devaient passer sept niveaux complexes d’initiation, y compris les sacrifices d’animaux, avant d’être considérés comme des membres à part entière ou syn-dexioi, « scellés par une poignée de main ».
Jusqu’à 30 fidèles se réunissaient dans un espace caverneux appelé mithraeum (les archéologues découvrirent plus de 45 mithraeums sur au moins 680 dans la seule ville de Rome) pour partager un repas de pain et de vin, et mener des cérémonies secrètes devant une effigie du dieu tuant un taureau. À son apogée, le culte représenta un défi majeur pour une autre religion en plein essor : le christianisme. Les premiers chrétiens les persécutèrent, et la société fut éliminée avant la fin du 4e siècle.
Un panneau montrant Mithra terrassant le taureau, daté à environ 200 de notre ère.
LES TEMPLIERS
Des sept grandes croisades lancées pour libérer la Terre sainte de la domination musulmane, seule la première obtint des résultats tangibles : la prise de Jérusalem en 1099 et le massacre de la plupart des habitants juifs et musulmans qui tentaient de défendre la ville. Le mouvement des croisades inspira la fondation de plusieurs ordres militaro-religieux dont le rôle était de tenir et de défendre la Terre sainte. Les plus célèbres étaient les Templiers.
Reconstitution moderne de Templiers en armure de combat.
Formé vers 1119 lorsque Baudouin II, alors roi de Jérusalem, chargea un groupe de chevaliers de protéger tous les pèlerins chrétiens en Terre sainte, les Templiers de l’Ordre du Temple étaient facilement reconnaissables à leurs robes blanches marquées d’une croix rouge. Ils développèrent une expertise particulière en matière de finance et devinrent rapidement l’une des plus puissantes organisations chevaleresques. On leur attribue même le développement d’un nouveau système bancaire.
Après la défaite des croisés lors du siège de Saint-Jean-d’Acre en 1291 et leur fuite de la Terre sainte vers Chypre, les Templiers n’entreprit jamais de nouvelle mission. Le roi Philippe IV, qui était très endetté envers l’ordre, exploita son désarroi et sa réputation de secret en arrêtant la plupart des dirigeants templiers en France. Plusieurs furent brûlés sur le bûcher sur la base d’accusations forgées de toutes pièces, ce qui ne fit qu’accroître la mystique de l’ordre.
L’Ordre du Temple fut officiellement dissous en 1307, mais sa légende perdure. Aujourd’hui, de nombreuses sociétés secrètes en France, en Allemagne et en Italie prétendent descendre des Templiers, notamment l’Association française des chevaliers du Christ, qui bénéficie du soutien du Vatican.
LES FRANCS-MAÇONS
Connus pour leurs tabliers blancs, leurs poignées de main secrètes et leurs symboles mystérieux, les francs-maçons auraient participé à la préparation des révolutions américaine et française et à la conception de la ville de Washington. Avec des branches dans le monde entier, ils comptent parmi leurs membres Voltaire, George Washington, Wolfgang Amadeus Mozart, Harry Houdini, Franklin D. Roosevelt, Winston Churchill, Gerald Ford et Buzz Aldrin.
Le Freemasons' Hall de Londres, construit en 1933, est le siège de la Grande Loge unie d'Angleterre.
Les origines de cette mystérieuse organisation sont obscures, mais elle aurait vu le jour en Europe dès le Moyen Âge. Les premiers membres étaient une guilde de maçons ou de tailleurs de pierre professionnels qui, contrairement à la plupart des autres roturiers, avaient les moyens de voyager dans différentes villes et différents pays, ce qui donnait à ces artisans une vision du monde unique et libérale qui transcendait les coutumes locales.
Au fil du temps, les francs-maçons diminuèrent le travail de la pierre pour discuter des idées philosophiques et intellectuelles occidentales fondées sur le siècle des Lumières, dont l’antimonarchisme, le gouvernement constitutionnel et le républicanisme. En tant que société non religieuse et apolitique, la franc-maçonnerie définit un nouvel ensemble de valeurs morales et spirituelles, inculquées par une série de cérémonies et de rituels, grâce auxquels les membres gravissaient progressivement les échelons (en utilisant la maçonnerie comme métaphore, ils passaient d’apprentis à compagnons, puis à maîtres). Les francs-maçons restent aujourd’hui une organisation florissante, avec de nombreuses unités de membres à travers le monde qui se consacrent à la charité et à des bonnes œuvres.
LES TIANDIHUI, HUNG MUN ET LA TRIADE
Au cours du tumultueux 18e siècle en Chine, les Tiandihui, la Société du Ciel et de la Terre, se forma comme un culte spirituel dirigé par des leaders charismatiques dans la province de Fujian. Contraints à la clandestinité par la dynastie Qing, ils devinrent un mouvement de résistance féroce contre les dirigeants mandchous des Qing. Ils avaient recours au vol à main armée pour maintenir leur stabilité financière.
Les Tiandihui inspirèrent d’autres sociétés, notamment une organisation similaire à la franc-maçonnerie connue sous le nom de Hung Mun. Parmi les membres, on peut trouver Sun Yat-sen, fondateur de la première république chinoise, et le général Chiang Kai-shek, fondateur de Taïwan. Certains restèrent fidèles aux idéaux de patriotisme, de loyauté et de justice des Tiandihui, mais d’autres dérivèrent vers la criminalité, inspirés par le penchant des Tiandihui pour les braquages de type Robin des Bois. Le plus célèbre est un groupe connu sous le nom de la Triade, qui est aujourd’hui l’un des plus grands groupes criminels asiatiques au monde.
Sceau chinois Hung Mun du 19e siècle.
Ce portrait sur soie de 1806 représente Yinghe de la dynastie Qing.
Des extraits de ce travail ont déjà été publiés dans Secret Societies. Copyright © 2017 National Geographic Partners, LLC. Text copyright Jean-Pierre Isbouts 2017. All rights reserved.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.