La vraie histoire derrière la légende noire des Borgia
À l’instar de nombreuses familles italiennes de la Renaissance, les Borgia étaient assoiffés de pouvoir, corrompus et ne se refusaient rien. Toutefois, leur dynastie donna deux papes. Méritent-ils eux aussi cette réputation infamante ?
Entouré par l’élite européenne, le pape Alexandre VI (au milieu), né Rodrigo Borgia, domine ce détail d’un tableau de 1500 peint par Cola da Orte. Parmi les hommes qui se tiennent derrière lui se trouve son fils, César, et parmi les femmes à droite, sa fille, Lucrèce.
En août 1942, sous la chaleur écrasante de Rome, une grande et somptueuse cérémonie eut lieu pour l’intronisation d’un nouveau pape ayant obtenu sa charge par la corruption : le cardinal Rodrigo Borgia, de Valence, en Espagne, que l’on appela dès lors Alexandre VI. Âgé de 60 ans, le nouveau pape était un homme imposant aux manières raffinées et au charme affable. Il avait officié en tant que doyen du Collège des cardinaux et en tant que vice-chancelier de l’Église durant cinq pontificats et jouissait ainsi d’une autorité, de connaissances, d’une expérience et d’une influence sans égales chez les autres prélats.
Mais Rodrigo était également un homme du monde séculier. Il était déjà père d’un garçon et de deux filles lorsqu’il rencontra Vannozza Cattanei, qui fut sa maîtresse pendant plus de trois décennies. Avec elle, il eut quatre enfants de plus (César, Giovanni, Lucrèce et Geoffroi), qu’il reconnut et qui furent, chacun à leur manière, brillants et controversés. Ils furent des acteurs de premier plan dans les événements scandaleux qui entourèrent la famille Borgia. Ce sont leurs ennemis qui créèrent leur « légende noire », qui les présente sous un jour hautement défavorable. Bien que largement fondée sur des ragots malfaisants, celle-ci continue de fasciner.
UN PÈRE AIMANT
Rodrigo Borgia fut un père dévoué et attentionné. Mais les projets qu’il avait pour ses enfants alliaient à cette affection un certain pragmatisme. Chaque membre de la famille devait jouer son rôle dans le projet commun qui visait à accroître le pouvoir, l’influence et la richesse déjà grands des Borgia. En 1485, Rodrigo fit l’acquisition du duché de Gandia, dans l’est de l’Espagne, auprès du roi Ferdinand II d’Aragon, et promis à ce dernier un mariage entre son aîné, Pedro Luis, et la cousine germaine du roi, María Enríquez de Luna.
Cela permit un ancrage solide à Rodrigo dans son royaume natal de Valence (il avait vu le jour à Xàtiva), d’où il pouvait désormais établir le pouvoir séculier de la famille Borgia. Trois ans plus tard, Pedro Luis mourut et son demi-frère, Giovanni, devint duc de Gandia. Giovanni épousa également la promise du défunt. À ce moment-là, Rodrigo avait alors déjà perdu une fille et l’autre était mariée à un noble de Rome. Il concentra donc toutes ses attentes et tout son amour paternel sur les enfants qu’il avait avec Vannozza Cattanei.
César, Giovanni, Lucrèce et Geoffroi avaient passé leur jeunesse dans une maison jouxtant le palais des Borgia, la plus belle et la plus somptueuse résidence de Rome. Célèbre pour sa fortune extrême, Rodrigo s’était vu sévèrement réprimandé par le pape Pie II pour ses écarts avec différentes maîtresses. Malgré les mariages successifs de Vannozza Cattanei, qui compliquèrent le tableau, la relation entre les deux fut, pendant de nombreuses années, intense et affectueuse. À la naissance de Geoffroi, leur cadet, leur histoire d’amour se refroidit. Mais leurs rapports n’en restèrent pas moins amicaux.
L’élection pontificale de Rodrigo eut une influence considérable sur la famille Borgia, car elle lui apporta encore davantage de pouvoir, de richesse et d’ennemis. Ce dernier était immensément fier de ses enfants, qui étaient alors tous dans la fleur de l’âge. Il aimait leur jeunesse, leur grâce et leur beauté, leur esprit vif, leurs bonnes manières et leur joie. Il les voulait près de lui de sorte à pouvoir profiter de leur compagnie et à pouvoir les exhiber. Il installa Lucrèce au palais Santa Maria in Portico, attaché à la basilique Saint-Pierre, et hébergea ses fils soit dans le palais apostolique du Vatican, soit tout près de là.
Les ainsi nommées chambres secrètes des appartements Borgia, destinées à l’usage exclusif de pontife, devinrent le lieu de réunion de la famille. C’est là que Lucrèce célébra son premier mariage, entourée de centaines d’invités, et qu’elle organisa la fête de son second mariage. Pour l’une de ces occasions, les chambres furent richement décorées, avec notamment une fontaine et des amuseurs déguisés en animaux qui émergeaient du feuillage pour danser avec les invités. Une après-midi, le plafond de l’une des pièces s’effondra sur le trône d’Alexandre VI alors qu’il attendait ses enfants. La solidité de la canopée qui couvrait le siège lui sauva la vie. Dans une chambre voisine fut assassiné Alphonse d’Aragon, le second époux de Lucrèce Borgia. Le palais des Borgia fut pendant onze années un théâtre de bonheur et de malheur.
Cette fresque de 1494 a été peinte par Pinturicchio pour la salle des Mystères des appartements Borgia dans le palais apostolique du Vatican. Le pape Alexandre VI (en bas à gauche) contemple le Christ ressuscité ; sa mitre papale est posée à terre.
Calixte III, pape de la famille Borgia, fut l’un des premiers pontifes à résider au sein du palais du Vatican, construit au 15e siècle. Les papes qui lui succédèrent laissèrent leur marque sur cet édifice, ce fut le cas du neveu de Calixte, Alexandre VI, qui fit construire les appartements Borgia. La salle montrée ici est la galerie des Cartes géographiques, créée au 16e siècle.
POLITIQUE ET FAMILLE SE MÊLENT
L’accession de Rodrigo à la papauté introduisit des éléments nouveaux dans ses projets : les carrières et mariages de ses enfants allaient devoir faire plus que simplement satisfaire les intérêts personnels de la famille Borgia. Les nominations népotiques étaient assez répandues au sein de l’Église. Rodrigo fut nommé cardinal lorsque son oncle, Calixte III, était pape. Puis Alexandre VI nomma à son tour son fils César à la même fonction lorsqu’il devint pape. Tout mariage devait également renforcer les États pontificaux, les dominions de l’Église sur le sol italien, qui étaient menacés par la France et par les rois catholiques espagnols.
Entre 1493 et 1494, le pape Alexandre VI scella trois alliances importantes. Giovanni, duc de Gandia, épousa María Enríquez de Luna, cousine de Ferdinand II. Lucrèce épousa Giovanni Sforza, parent du puissant duc de Milan. Et Geoffroi épousa Sancie d’Aragon, fille illégitime du roi Alphonse II de Naples (lui aussi un parent de Ferdinand II). En dépit de la franche opposition du pape, le roi français envahit l’Italie en 1494 avec l’aide du duc de Milan. À la suite de cette invasion, le mariage de Lucrèce et Giovanni Sforza fut annulé, au bout de trois ans seulement. Celle-ci épousa ensuite Alphonse d’Aragon, le frère de Sancie. Cette union renforça l’alliance napolitaine du pape.
Durant cette période tumultueuse, des événements politiques conduisirent le cardinal César à abandonner sa carrière ecclésiastique et, en accord avec son père, à épouser l’une des sœurs du roi de Navarre, un parent du roi de France. Cette alliance était incompatible avec les intérêts du roi de Naples et de sa famille, notamment les monarques catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand II d’Aragon. Des tensions apparurent au sien de la famille Borgia, car Lucrèce et César se retrouvèrent, de par leurs époux respectifs, dans des camps opposés de la guerre jusqu’à ce que l’époux de Lucrèce soit tué en 1500. Ces tensions finirent par s’apaiser par le mariage de Lucrèce avec le futur duc de Ferrare, une union jugée acceptable par le reste de la famille.
PÈRE ET ENFANTS
Les enfants d’Alexandre VI ne remirent pas en question les décisions de leur père. Il était la source de leur pouvoir et de leur richesse. Ils lui devaient obéissance à la fois en tant que parent et que souverain pontife. Mais le comportement d’Alexandre pouvait être troublant et pesa sur ses enfants et sur les rapports qu’ils entretenaient les uns avec les autres. Bien qu’il les aimât tous, le pape ne cacha pas pour autant ses préférences. Geoffroi, le cadet, n’était pas son favori. Plus d’une fois, Alexandre se demanda si celui-ci, de nature timide, était vraiment son fils. Le détachement relatif dont Alexandre fit preuve à l’égard de ce fils donna lieu à des confrontations animées entre le pape et Sancie, l’épouse de Geoffroi. Tandis que ce dernier avait tendance à courber l’échine et à obéir aux ordres de son père, elle n’était pas du genre à tenir sa langue.
Giovanni, en revanche, était adoré par le pape. À la demande des rois catholiques d’Espagne, on l’envoya dans la péninsule ibérique pour qu’il y soit fait duc de Gandia et pour sceller le mariage qu’on lui avait arrangé avec la cousine de Ferdinand II. Alexandre prépara un avenir encore plus splendide à Giovanni sur le sol italien. Il le couvrit de titres, d’honneurs, de territoires et de richesses. De plus, Giovanni, bien que ne suivant pas toujours les conseils de son père, savait le persuader. Mais en 1497, quand il revint à Rome, un drame survint. Il fut poignardé à mort par des assassins inconnus et jeté dans le Tibre. La désolation d’Alexandre fut totale : « Si nous avions sept papautés, nous les donnerions toutes pour le ramener à la vie », déclara-t-il en pleurs devant le consistoire.
En tant que cardinal, César offrit dès le début un soutien ferme au pape dans les affaires à la fois de l’Église et de l’État. Un ambassadeur, Gianandrea Boccaccio, écrivit ceci à son sujet : « C’est un homme de grand talent et d’excellente nature ; ses manières sont celles du fils d’un grand prince… » Peut-être son père vit-il en lui un potentiel troisième pape Borgia… Quoi qu’il en soit, Alexandre VI ne céda pas immédiatement aux demandes répétées de César, qui souhaitait abandonner sa carrière ecclésiastique pour laquelle il ne se sentait, clamait-il, aucune vocation. Le pape n’accepta la démission de César qu’un an après la mort de Giovanni.
César voyait en son père un maître dans l’art de la politique et des alliances, qui furent changeantes à cette époque. Ils partageaient plusieurs objectifs, mais César était conscient qu’étant donné l’âge de son père et étant donné sa santé déclinante, le temps pressait. En tant que commandant de l’armée papale, César conquit des villes afin de créer un État à la solde des Borgia. Même ses alliés méprisaient son pouvoir de plus en plus grand. Après la mort de son père, privé du soutien papal, il eut du mal à conserver sa mainmise.
LUCRÈCE, ENFANT CHÉRIE
De tous les enfants du pape, Lucrèce était sa préférée. Sa beauté, sa nature douce et raffinement en faisaient le joyau de la famille. Un lien affectif solide liait père et fille. Le premier époux de Lucrèce fut Giovanni Sforza, parent du duc de Milan. Ce mariage échoua non seulement à un niveau personnel mais également au niveau politique. Il prit fin en étant annulé et Lucrèce connut un épilogue amer. Sforza insinua qu’elle avait eu des rapports incestueux avec son père. Des rumeurs se propagèrent qui impliquaient ses frères également. Bien que ces affirmations fussent niées à l’époque, elles persistèrent.
Malgré toute l’affection familiale, Lucrèce découvrit bientôt que son père était tout aussi capable de la blesser que de l’aimer, et qu’il lui serait impossible de trouver la paix tant qu’il pouvait interférer avec sa vie. Ainsi, après l’assassinat de son second époux, Alphonse d’Aragon, elle se maria une troisième fois, cette fois-ci à Alphonse Ier d’Este, héritier des duchés de Ferrare et de Modène et Reggio. Cela lui permit de s’éloigner de Rome. Conscient des raisons de son départ, et des avantages de cette union pour la famille entière, son père accepta la séparation. Au sujet de l’estime du pape pour Lucrèce, le secrétaire du duc de Ferrare écrivit la chose suivante : « Sa Sainteté l’aime plus que tout autre personne de son sang. »
Vers 1510, Bartolomeo Veneto peignit ce portrait de Béatrice d’Este, pieuse ancêtre du 13e siècle d’Alphonse d’Este, duc de Ferrare, qui fut le troisième époux de Lucrèce et dont on voit le portrait à droite. Les historiens de l’art se demandent aujourd’hui encore si le peintre s’est inspiré des traits de Lucrèce pour ce portrait ainsi que pour un autre.
RIVALITÉS ENTRE FRÈRES ET SŒURS
Partout où se réunissaient les Borgia-Cattanei, galanterie, esprit et musique prenaient leurs quartiers. Mais tout ne se déroulait pas sans heurts pour autant. Certaines querelles naturelles entre frères et sœurs se cristallisèrent et générèrent du ressentiment. Lucrèce était d’une certaine manière celle qui garantissait leur cohésion à tous. Geoffroi était particulièrement proche de Lucrèce : ils allaient partout ensemble et elle se montrait protectrice vis-à-vis de lui. Ils se rapprochèrent encore davantage quand Lucrèce épousa Alphonse d’Aragon, frère de sa femme, Sancie. Lucrèce et Sancie étaient grandes amies et ni l’échec du mariage de cette dernière avec Geoffroi, ni la mort d’Alphonse ne brisèrent le lien d’amitié qui liait les deux belles-sœurs. Ce fut aussi Geoffroi qui protégea Rodrigo, fils de Lucrèce et Alphonse, qui n’avait que deux ans lorsqu’eurent lieu des actes violents à Rome après la mort du pape. Le père du petit Rodrigo, Alphonse d’Aragon, était déjà mort à ce moment-là.
Lorsqu’elle était duchesse de Ferrare, Lucrèce Borgia donna une mèche de cheveux à l’humaniste et cardinal Pietro Bembo avec qui elle entretenait une amitié étroite.
Mais le frère avec lequel Lucrèce avait le plus d’affinités était Giovanni. Entre Giovanni et César, cependant, les rapports étaient tendus. Alexandre avait manœuvré pour que Giovanni reçoive toutes sortes de titres et de territoires, persuadé que c’était dans le meilleur intérêt de la famille étendue. Pendant ce temps, César, bien que faisant de l’ombre à son frère sur le plan intellectuel, avait été contraint de suivre une voie ecclésiastique qu’il détestait. Il est possible que César se soit considéré plus qualifié que son frère pour devenir un grand prince. Cette perception s’accentua lorsque Giovanni revint à Rome et démontra la médiocrité de ses compétences sur le champ de bataille. Bien que César n’eût pas les titres de Giovanni, son influence dans les sphères politiques et ecclésiastiques dépassait celle du pouvoir du duc. D’ailleurs, en tant que cardinal-légat du pape, César s’apprêtait à couronner le nouveau roi de Naples, Frédéric II. Il s’agissait là d’un niveau d’autorité difficile à dépasser.
Mais des rumeurs vicieuses circulaient : César et Giovanni se disputaient les faveurs de leur belle-sœur, Sancie d’Aragon. Il est impossible de savoir si ces ragots avaient un quelconque caractère de vérité. Giovanni avait une réputation d’homme à femmes, mais cette histoire pourrait aussi bien être une invention pour ajouter à la « légende noire » des Borgia. Les accusations ultérieures selon lesquelles César avait assassiné Giovanni par jalousie sexuelle vis-à-vis de Sancie sont également difficiles à prouver. Ces rumeurs eurent cependant pour effet de dissimuler un mobile politique évident pour ce crime. Giovanni avait acquis un pouvoir immense sur le sol italien et sa mort porta un coup sévère au pouvoir des Borgia en Italie et dans le royaume de Valence. L’héritier de Giovanni n’avait pas encore trois ans ; la vulnérabilité du pontife était manifeste.
À Rome, nombreux sont les lieux liés aux Borgia. À côté de la piazza Campo de Fiori se trouve l’un des nombreuses auberges autrefois détenues et gérées par Vannozza Cattanei, mère des enfants du pape Alexandre VI. La façade arbore le blason des Borgia. Plus à l’ouest, vers le Colisée, se trouvent l’escalier que les frères et sœurs grimpaient pour aller rendre visite à leur mère dans sa maison située près de la basilique Saint-Pierre-aux-Liens. Après un dîner de famille à l’été 1497, Giovanni Borgia descendit ces marches une dernière fois avant d’être assassiné.
LUCRÈCE ET CÉSAR
La relation entre César et Lucrèce oscillait entre affection et rivalité. À un moment donné, leurs mariages respectifs les placèrent dans des camps rivaux : le second époux de Lucrèce, Alphonse d’Aragon, était le fils du nouveau roi de Naples, tandis que César avait épousé une sœur du roi de France. Alors que les rois de France et de Naples se préparaient à la guerre, le pape maintint son alliance avec Naples.
L’inimitié entre César et Alphonse d’Aragon, second mari de Lucrèce dont le règne fut court, était palpable. À l’été 1500, alors qu’il se remettait d’une grave agression, Alphonse fut assassiné dans son lit par des hommes de main de César. Ce dernier avança qu’Alphonse l’avait attaqué le premier en lui tirant dessus avec une arbalète depuis sa chambre de malade. Les détails de ce qui se passa réellement demeurent enveloppés de mystère. Peu après, Alexandre VI fit allégeance à la France.
Pour Lucrèce, l’assassinat de son époux fut difficile à pardonner. Et pourtant, quand César se trouva en difficulté après la mort d’Alexandre, elle l’aida en lui fournissant des armes et de l’argent. Elle était alors duchesse de Ferrare et était en mesure d’intercéder en sa faveur auprès de Ferdinand II qui le retenait prisonnier. César réussit à s’échapper et à atteindre le royaume de Navarre, où il mourut dans la ville de Viana en combattant à la tête de l’armée de Navarre. Cela affecta profondément Lucrèce qui l’aimait comme une mère.
Les Borgia avaient tendance à former un front uni dans leurs succès comme dans leurs échecs. Leur comportement, quoique similaire à celle d’autres familles de la noblesse de cette époque, faisait l’objet d’un examen attentif, et les ennemis de la famille et de la papauté s’emparaient de tout détail inhabituel qu’ils s’empressaient de déformer, écrivant ainsi petit à petit la légende noire des Borgia. Même si des preuves historiques contredisent la légende, ce « soap opéra » s’est ancré dans l’imaginaire populaire, et il y demeure.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.