Trêve de Noël 1914 : ce qu'il s'est vraiment passé dans les tranchées
En décembre 1914, tout devint calme sur le front de l’Ouest lorsque des soldats des deux camps, en pleine lutte alors que Noël arrivait, conclurent spontanément des trêves. Ils fabriquèrent des décorations, échangèrent des cadeaux et jouèrent au football.
Lors des premiers mois de la Première Guerre mondiale, des soldats allemands décorèrent leur tranchée avec des Tannenbäume (des sapins).
Quand la Première Guerre mondiale éclata en juillet 1914, nombreux étaient les Européens qui pensaient que les combats ne seraient à Noël plus que de l’histoire ancienne. Mais ce ne fut pas le cas, et près de six mois après le début de la guerre, des centaines de milliers de soldats célébrèrent la période des fêtes du mieux qu’ils le purent dans les tranchées gelées d’Europe de l’Ouest.
LA BONNE HUMEUR DE YULE
Dans toute l’Europe, des campagnes permirent de collecter et de distribuer des cadeaux de Noël aux soldats du front. Les soldats britanniques reçurent une boîte en laiton estampée à l’effigie de la princesse Mary contenant du chocolat, du tabac et un message du couple royal qui disait : « Que Dieu vous protège et vous ramène sain et sauf à la maison. » Les forces allemandes reçurent des présents de la part du Kaiser Guillaume II : les soldats eurent droit à des pipes et les officiers à des paquets de cigarettes.
Quelques jours avant Noël, le président français Raymond Poincaré visita l’entrepôt parisien où les cadeaux pour les soldats français étaient en train d’être amassés. « Un grand nombre de paquets sont prêts à être transportés au front ; les vignerons ont fourni 1 200 bouteilles », rapportait le quotidien parisien Le Temps le 22 décembre 1914.
Raymond Poincaré (à l’extrême gauche) visite un entrepôt parisien.
JOYEUX NOËL
Le personnel hospitalier fit en sorte que Noël ne passe pas sans une petite célébration en l’honneur des blessés. Mary Dexter, Américaine s’étant engagée volontairement au sein de la Croix-Rouge britannique, décrivit dans le détail les préparatifs de la fête dans ses lettres : « Noël est après-demain […] Nous sommes occupés, quand nous avons quelques rares minutes de temps libre, à confectionner des chaussettes de Noël en gaze pour nos 200 hommes ; chacune contiendra des fruits, de la confiture, du tabac. » Dans un hôpital berlinois, les infirmières distribuèrent des friandises et décorèrent de petits sapins de Noël.
Louie Johnson, infirmière anglaise, se souvint longtemps des modestes présents tels qu’un paquet de cigarettes ou une écharpe qu’on lui donna afin qu’elle les transmette aux soldats. Et voilà ce que l’infirmière allemande Anna von Mildenburg dit de Noël 1914 : « L’image restera avec nous pour toujours, la façon dont nous nous tenions tous entre les soldats, les mains jointes avec ferveur. Et à la lueur vacillante des bougies de l’arbre de Noël, dans le parfum de sapin de l’arbre scintillant, nous chantâmes doucement le traditionnel chant bien-aimé en l’envoyant vers le ciel comme une ardente prière, une supplication sincère : Paix pour les hommes de la Terre. »
Des infirmières distribuent des friandises et décorent un petit arbre de Noël dans un hôpital berlinois.
Les trêves spontanées qui eurent lieu le long du front de l’Ouest, en particulier celles entre forces britanniques et allemandes, comptent parmi les événements les plus célèbres de décembre 1914. La veille de Noël, à certains endroits, des soldats allemands décorèrent leurs tranchées avec des Tannenbäume, c’est-à-dire des sapins, et entonnèrent des chants de Noël. Flottant à travers le no man’s land, une sérénade de Noël britannique se fit entendre en retour. Le lendemain, les hommes passèrent du temps ensemble en dehors des tranchées, échangèrent des salutations ainsi que des cadeaux, comme du rhum ou des cigares.
La London Rifle Brigade fume des cigarettes et va au contact de soldats allemands.
Des sous-officiers britanniques montrent des casques offerts par des soldats allemands.
L’histoire la plus célèbre de cette trêve fut peut-être aussi la plus difficile à documenter : celle des matches de football qui eurent lieu le jour de Noël. Des témoignages rapportés et indirects firent leur apparition dans les journaux et dans les courriers, mais les témoignages directs, d’une personne ayant assisté à un match ou bien en ayant directement disputé un, sont rares.
L’existence d’un « petit match » put être authentifiée grâce à deux lettres écrites par des soldats britanniques, le caporal Albert Wyatt et le sergent Frank Naden, qui y décrivent une partie à Wulvergem, en Belgique. Le récit d’Albert Wyatt fut publié dans un article du Thetford Times décrivant une « partie de ballon entre deux lignes de tir. »
À l’aide de méthodes similaires, des historiens purent confirmer l’existence d’un autre match à Frelinghien, en France. Même si les parties furent plus modestes et moins nombreuses qu’on ne le croyait à l’origine, cela n’empêcha pas les commémorations de la trêve qui se tinrent en 2014 de rendre hommage à ces matchs : une sculpture fut dévoilée à Liverpool et un obus surmonté d’un ballon de football en acier à Saint-Yvon, entre autres.
La trêve de 1914 ne dura pas et bientôt les combats reprirent sur le front de l’Ouest. Si les récits de l’observance de la fête par les journaux purent charmer les personnes se trouvant loin du front, les commandants militaires furent horrifiés. Lors des trois Noël qui suivirent, ils donnèrent des ordres de sorte à empêcher toute nouvelle fraternisation entre les forces antagonistes. La sauvagerie implacable de la Première Guerre mondiale aurait de toute manière probablement rendu ces ordres inutiles. En décembre 1914, la guerre était encore jeune, mais les hostilités se prolongèrent, et, après des années d’horreur dans les tranchées, les soldats, marqués par les combats, s’étaient endurcis ; l’attitude vis-à-vis des « échanges de cadeaux » n’était plus la même.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.