Nos corps sont uniques. Nos cancers le sont aussi.
Octobre rose permet de mettre à l'honneur la sensibilisation au développement du cancer. Pour autant, les chercheurs restent confrontés à un défi de taille : le cancer a plusieurs visages.
Une femme réalise une autopalpation mammaire afin de s’assurer de l’absence d’anomalies. Le cancer du sein est le type de cancer le plus répandu chez les femmes et l'autopalpation est à l’origine de 65 % des dépistages de cancers du sein.
Le corps est une remarquable machine, conçu pour être robuste et résistant. Il guérit de ses blessures et se défend contre les maladies. Il génère des lymphocytes T qui parcourent le corps pour détecter et détruire les anomalies et les agents envahisseurs. La plupart du temps, le système s’autorégule sans même que nous ne nous rendions compte du travail qu’il accomplit. Pourtant, il arrive que le système dysfonctionne, comme lorsqu’un cancer se développe.
Comme l’explique le Dr Jedd Wolchock, un cancérologue qui a traité mon cancer, mais surtout l’homme qui m’a sauvé la vie : « La surveillance immunitaire se décompose en plusieurs phases. La première est l’élimination : une tumeur apparaît, le système immunitaire la repère et s’en débarrasse. Fin de l’histoire. La phase suivante est l’équilibre : une tumeur apparaît, le système immunitaire la repère, n’arrive pas vraiment à s’en débarrasser, mais le cancer n’agit plus, ne se répand pas. »
« Enfin, il y a le E final : l’échappement. L’échappement, c’est ce à quoi nous faisons malheureusement face jour après jour. La tumeur a acquis des qualités lui permettant d’échapper au système immunitaire. »
Les cellules cancéreuses, ces entités malfaisantes, émettent un signal inhibiteur qui brouille la réponse du système immunitaire. C’est ce qui permet au cancer de survivre et c’est aussi la raison pour laquelle il se répand : les lymphocytes T censés les détruire ne savent pas comment opérer.
CIBLER OFFICIELLEMENT LE CANCER
Une fois le système immunitaire mis en déroute, c’est traditionnellement au tour de protocoles conventionnels — et invasifs — de prendre le relais et de combattre le cancer. Et une fois passée cette expérience du cancer, on vous explique généralement que vous vivrez le restant de vos jours conscient du fait qu’il ne sera jamais bien loin, menaçant votre futur, prêt à se manifester sur les prochaines séries de radiographies. La situation pourrait se répéter, le signal pourrait être une nouvelle fois brouillé.
En 1998, une famille quitte une église entourée d’usines chimiques à Lions, en Louisiane. Les villes situées le long du fleuve Mississippi, près de Baton Rouge, sont connues pour être situées dans la Cancer Alley (« l’allée du cancer ») en raison des hauts taux de cancers enregistrés dans cette zone et de ses nombreuses usines chimiques et pétrochimiques.
Depuis des générations, le traitement contre le cancer n’a quasiment pas changé puisqu’il faut encore subir des chirurgies, des radiothérapies et des chimiothérapies — la sainte trinité désignée par les termes « entailler, brûler, empoisonner ». Chez de nombreux patients, ces traitements sont très efficaces. Puisque le cancer agit à l’échelle cellulaire, son éradication peut s’avérer particulièrement difficile. Sans oublier qu’elle se fait souvent au détriment des parties saines du corps. La chirurgie retire de larges morceaux de tissus autour de la zone cancéreuse. La chimiothérapie détruit les cellules saines en division, comme les cellules cancéreuses.
La maladie, comme son traitement, se paye au prix fort. Dans un écrit de 1957, le virologue australien Macfarlane Burnet affirmait qu’il y avait peu de place pour l’optimisme avec le cancer, ajoutant qu’à l’époque, les médicaments contre le cancer étaient aussi cancérigènes. Il a mis en avant le fait qu’il existait une approche un peu plus encourageante, mais qui n’avait jamais été sérieusement considérée, du fait de sa forte dépendance aux ressources du corps : l’approche immunologique.
Lorsque le président Richard Nixon a signé en 1971 la National Cancer Act visant à lutter contre la maladie, ce fut le début d’une nouvelle ère dans l’étude du développement du cancer et des nouveaux moyens de le traiter. D’après le docteur James Allison, professeur titulaire de la chaire d’immunologie et directeur général de la plateforme d’immunothérapie du centre médical MD Anderson, « les meilleurs conseillers dans ce domaine disaient : "Nous ne savons pas vraiment quoi faire d’autre à part de la chimio, de la radiothérapie et de la chirurgie pour éliminer le cancer." Je pense que ce qui ressort de tout cela est une incroyable quantité d’informations détaillées à propos de la régulation normale du cycle cellulaire et de la manière dont il se dérègle à cause du cancer. C’est remarquable. »
Un technicien en radiologie s’occupe d’une patiente dans une salle de radiothérapie dans les années 1960. Mise en pratique pour la première fois au début du 19e siècle, l’utilisation des rayons X pour détecter des maladies a évolué en d’autres technologies telles que la tomodensitométrie (TDM), l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et les ultrasons, entre autres.
Environ quarante ans plus tard, en 2009, l’administration Obama lançait une initiative similaire, promettant d’allouer des fonds importants à la recherche médicale dans de nombreux domaines, dont un milliard de dollars dédié à « la recherche des causes génétiques du cancer et de potentiels traitements ciblés ».
Pourtant, même aujourd’hui, le protocole par défaut pour traiter un patient est souvent limité au trio habituel : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie. Même si le taux global d’incidence du cancer et les taux de mortalité qui lui sont associés sont en déclin depuis ce que l’on a appelé la « guerre contre le cancer » débutée dans les années 1970, les progrès se font lents et les succès sporadiques.
PEUT-ON ÉRADIQUER LE CANCER ?
L’une des autres difficultés auxquelles ont été confrontés les chercheurs est la déplorable immensité de formes que peut prendre le cancer. L’être humain peut souffrir de plus d’une centaine de types de cancers qui peuvent affecter le sang, les os et les organes. Le terme cancer est vague mais les termes « sournois » et « imprévisible » semblent tous les caractériser.
Une grande découverte sur un type spécifique de cancer n’est pas nécessairement synonyme d’espoir de guérison pour les autres types. Votre neuroblastome n’est pas le même que le cancer du sein d’une autre personne. La locution « cancer du sein » elle-même n’a pas la même signification pour une personne ayant des mutations au niveau de son gène BRCA2 que pour une autre qui n’en a pas. De même, en raison de circonstances personnelles et de mutations cellulaires, mon mélanome n’est pas votre mélanome.
Zeinab, âgée de 7 ans, souffre d’un cancer. Son plus grand rêve était de devenir reine et de vivre dans un palace. Son vœu a été exaucé dans le château de Suse, dans le Khouzistan en Iran, où elle a été « couronnée ».
Une équipe de bateau-dragon, les Pink Steel, composée de femmes ayant survécu à un cancer du sein, s’entraîne à Pittsburgh pour le festival du Bateau-Dragon qui a lieu en septembre.
C’est la raison pour laquelle il n’y aura probablement jamais de traitement contre le cancer. Et je dis ça en tant que personne qui a, précisons-le, guéri du cancer. Le cancer n’est pas une maladie ordinaire et l’on ne pourra certainement jamais y remédier à l’aide d’une simple potion magique. Il faut s’y attaquer par le biais de divers protocoles. Par conséquent, lorsque des individus, pensant bien faire, (ou plus exaspérant encore, certains organismes de lutte contre le cancer, qui devraient être les premiers renseignés) parlent de trouver le « remède » à cette « maladie », il y a fort à parier qu’ils avancent un paquet de bêtises.
La voie du progrès dans la recherche médicale, ne mène pas à une solution unique pour tous les problèmes. Heureusement, grâce aux progrès, aux sophistications et aux approfondissements grandissants de la science, de plus en plus de patients auront l’opportunité de se voir prescrire un traitement (ou une combinaison de traitements) spécifique, qui pourra vraisemblablement éradiquer leur cancer.
Malgré cela, il y aura toujours des personnes chez qui ces mêmes traitements se révéleront inefficaces. Nous ne sommes pas le produit d’un travail à la chaîne. Nos corps sont uniques. Nos cancers le sont aussi.
Une radiologue étudie un négatoscope sur lequel sont disposées des mammographies issues d’une base de données nationale au Royaume-Uni. Cette base de données a pour but d’uniformiser les radiographies afin de faciliter leur comparaison et de diagnostiquer plus rapidement tous types d’anomalies visibles sur les mammographies.
Cet article est extrait de A Series of Catastrophes and Miracles: A True Story of Love, Science, and Cancer de Mary Elizabeth Williams, publié par National Geographic Partners. Copyright © 2016 Mary Elizabeth Williams.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.