Qui était Élisabeth Ire, dernière représentante de la dynastie Tudor ?
Si le monde a aujourd’hui les yeux rivés sur Élisabeth II, dont on vient de célèbrer le jubilé de platine après un règne record de 70 ans, Élisabeth Ire avait en son temps placé la barre très haut pour les monarques qui devaient lui succéder.
Portrait d’Élisabeth Ire (vers 1600) vêtue des parures dorées qu’elle portait lors de son couronnement en 1559.
Du 2 au 5 juin 2022, le Royaume-Uni a sorti le grand jeu pour célébrer le jubilé de platine de la reine Élisabeth II qui fête sa soixante-dixième année sur le trône. Quoiqu’il advienne, elle aura régné plus longtemps que tout autre monarque britannique. Mais en son temps, à la fin du 16e siècle, une autre Élisabeth, Élisabeth Ire (1533-1603), marqua elle aussi l’histoire. Pas tant pour la longueur de son règne (qui dura « à peine » 45 ans) que pour avoir fait entrer l’Angleterre dans une période qui vit fleurir la politique, l’exploration et les arts : l’âge d’or élisabéthain. La multitude d’obstacles plus insurmontables les uns que les autres qui se dressèrent sur son chemin n’eurent pas raison de cette reine intelligente et déterminée.
PROBLÈMES FAMILIAUX
Élisabeth n’était pas destinée à accéder au trône. Née le 7 septembre 1533, fille d’Henri VIII et de sa deuxième femme Anne Boleyn, Élisabeth fut écartée de la succession en 1536 quand son père fit exécuter sa mère pour adultère et trahison. Désavouée, elle finit toutefois par réintégrer la famille et retrouva sa troisième place dans l’ordre de succession.
Le mariage d’Henri VIII et Anne Boleyn donna lieu à un schisme tumultueux entre l’Angleterre et Rome. Elle donna naissance à Élisabeth Ire en 1533. Ne lui donnant pas de fils, Henri la fit exécuter en 1536.
Élisabeth Ire entourée de courtisans lors d’une de ses « parades » estivales dans son royaume.
En 1547, à la mort d’Henri VIII, c’est Édouard, fils de sa troisième femme (Jane Seymour) et jeune demi-frère d’Élisabeth, qui accède au trône à l’âge de 10 ans. Mais ce roi chétif meurt en 1533 et c’est au tour de Marie, aînée et demi-sœur d’Élisabeth, de devenir reine.
Fanatique résolue à rétablir la religion catholique en Angleterre, Marie Ire est persuadée qu’Élisabeth cherche à renverser le gouvernement pour revenir à la foi protestante. Elle la fait arrêter et enfermer dans la tour de Londres au printemps 1554. La jeune femme parviendra toutefois à éviter de justesse le destin tragique de sa mère.
QUERELLE RELIGIEUSE
Le 17 novembre 1558, à la mort de la reine Marie, Élisabeth monte enfin sur le trône et est couronnée en janvier 1559 au lendemain d’une parade enjouée dans les rues de Londres. Mais le conflit religieux est toujours bien présent. Chez les sujets d’Élisabeth, on adopte toutes sortes de croyances religieuses. Quant aux propres préférences doctrinales de la reine, la question demeure en suspens… Beaucoup la croyaient et la croient encore catholique mais elle ne fit jamais connaître ses convictions.
Élisabeth Ire entourée de courtisans lors d’une de ses « parades » estivales dans son royaume.
Prenant conscience du fait qu’il allait être impossible de satisfaire toutes les parties prenantes de l’antagonisme religieux qui avait déchiré le royaume, et sachant que sa propre légitimité reposait sur une séparation d’avec l’Église catholique, la reine rétablit le protestantisme. On ne reviendrait plus au catholicisme, mais les obédiences religieuses extérieures, et intérieures, seraient tolérées.
PROJETS DE MARIAGE
Une pièce dorée rare frappée du portrait d’Élisabeth Ire.
Un autre dilemme attendait Élisabeth : le mariage. Étant donné le passé de sa mère, de son père et de sa demi-sœur Marie, le maintien d’une lignée était tout sauf évident. Épouser un étranger invitait à des alliances et à des dépendances lointaines ; épouser un Anglais, c’était risquer la jalousie des factions domestiques et donc la révolte. Élisabeth Ire fit un choix radical : au lieu de se marier, elle resterait célibataire indéfiniment, unie à son pays et à ses sujets. « J’entends, dit-elle un jour, que l’Angleterre ait une maîtresse et point de maître. »
RIVAUX ET MENACES
Les années passant, la situation exigea d’Élisabeth des prouesses conciliatoires face aux divergences d’opinions qui traversaient sa société. Ce ne fut nulle part plus sensible que dans ses relations avec l’Écosse qui, en 1560, avait déjà connu sa Réforme et avait adopté un protestantisme austère sous l’influence de prédicateurs radicaux comme le calviniste John Knox. De même qu’en Angleterre, les révoltes religieuses écossaises avaient monté les protestants contre les catholiques, et contre une catholique en particulier : Marie Ire d’Écosse.
Celle qu’on connaît également sous le nom de Marie Stuart était la cousine d’Élisabeth au deuxième degré. Tant que cette dernière n’avait pas d’enfants, Marie était première prétendante au trône anglais ; elle avait d’ailleurs déjà donné naissance à un héritier, James Stuart, né en 1566, et cela préoccupait fortement Élisabeth. En 1567, les désaccords religieux et les intrigues politiques eurent raison de Marie Ire d’Écosse qui abdiqua. Abandonnant son fils en bas âge, elle s’échappa en Angleterre, où elle devait passer le restant de ses jours.
Le catholicisme de Marie en fit une figure de proue pour les catholiques d’Angleterre… et une menace pour le règne protestant d’Élisabeth Ire. Sur ordre de la reine, Marie fut emprisonnée. Elle resta confinée dans divers châteaux du pays pendant 19 ans. Mais Élisabeth n’était pas au bout de ses peines. En 1570, le pape Pie V la déclara hérétique et l’excommunia. Il délivra les catholiques d’Angleterre de leur allégeance à la reine. Après de multiples complots, les conseillers d’Élisabeth plaidèrent en faveur de l'exécution de Marie. Ce n’est qu’en 1586 qu’Élisabeth (à contrecœur) ordonna la mise à mort de sa cousine après avoir pris soin de la faire condamner pour complot contre elle à des fins d’accession au trône.
Les Anglais envoyèrent des brûlots chargés de poudre à canon au cœur de l’armada espagnole. Même si peu de navires ennemis furent coulés, l’invincible flotte espagnole, prise de panique, fuit. Les Anglais prirent leur ennemi en chasse et les tensions culminèrent lors de la bataille de Gravelines. Le mauvais temps et une mer peu fiable parachevèrent la déroute espagnole.
LA MENACE ETRANGÈRE
En matière d’affaires étrangères également Élisabeth Ire dut revoir ses positions. L’Espagne était à cette époque le pays le plus puissant du monde et son roi, Philippe II, conspirait pour détrôner la reine d’Angleterre. L’Angleterre était un petit pays aux ressources limitées et Élisabeth autorisa donc les actes de piraterie à l’encontre de l’Espagne et de ses colonies en octroyant des lettres de marques à des corsaires comme Sir Francis Drake ou Sir John Hawkins qui ne tardèrent pas à se faire un nom.
Ces pillages irritèrent Philippe II au plus haut point. Il prépara une flotte immense dans le but d’envahir l’Angleterre et Élisabeth n’eut d’autre choix que de faire face à l’Espagne. Des soldats anglais allèrent à la rencontre de la flotte espagnole sur le littoral anglais et combattirent avec acharnement pour leur liberté. Lors de cette bataille, qui occupe une place particulière dans le cœur des Anglais, l’armada espagnole connut une défaite humiliante.
Peinture à l’huile de Paul Delaroche représentant la mort de la reine Élisabeth Ire (1828).
LA FIN D’UNE ÉPOQUE
À partir de 1588, la mort des amis et des conseillers d’Élisabeth Ire aigrit la saveur du règne de cette reine vieillissante. L’Angleterre subit des revers militaires contre l’Espagne et l’Irlande, les impôts sont élevés, les récoltes mauvaises, et le chômage gangrène le pays. Malgré cela, Élisabeth, avec son culte de la personnalité soigneusement cultivé et sa volonté redoutable, se maintiendra jusqu’au bout. Elle meurt vierge, comme promis, et emporte avec elle la dynastie des Tudor. Lui succéda un Stuart : Jacques VI, fils de Marie Ire d’Écosse, qui deviendra Jacques Ier d’Angleterre et d’Irlande.
Cet article est en partie extrait de l’Atlas of the British Empire. Copyright ©2020 National Geographic Partners, LLC en langue anglaise.