Pétra : des origines à la chute de la cité antique

Construite il y a plus de 2000 ans, cette célèbre cité du désert jordanien continue de fasciner les touristes comme les archéologues.

De Carolyn Wilke
Publication 26 déc. 2024, 18:03 CET
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Le Deir, ou « monastère », est l’une des nombreuses façades de la cité antique sculptées dans le gré à Wadi Moussa, en Jordanie.

PHOTOGRAPHIE DE Image Professionals GMBH, Alamy Stock Photo

À leur arrivée à Pétra depuis la gorge sinueuse du Sîq, les visiteurs se retrouvent face à l’imposante façade de la Khazneh, ou « trésor », taillée dans un grès rose. Mais pour nombre d’entre eux, la visite de cette cité antique du sud-ouest de la Jordanie s’arrête là. Pourtant, Pétra a bien plus à offrir, comme plus de 600 façades de pierre, ainsi qu’une intrigante liste d’indices sur ses précédents occupants.

Pétra fut pendant des siècles la capitale du peuple nabatéen, avant que les Romains n’annexassent le royaume vers l’an 106 de notre ère. Cette ancienne capitale commerciale abritait autrefois plusieurs dizaines de milliers de personnes. Sa population avait cependant chuté depuis longtemps lorsqu’en 1812, l’aventurer Suisse Johann Burckhardt se fit passer pour un pèlerin musulman à la recherche de la tombe du prophète Aron et convainquit un guide bédouin de l’emmener à la cité qui, pour de nombreux occidentaux, n’était alors plus qu’un mythe. Dès lors, la renommée de Pétra alla crescendo. Preuve en est, la cité est inscrite au patrimoine mondial de l’humanité depuis 1985, et des scènes du film Indiana Jones et la dernière croisade, sorti en 1989, y ont été filmées.

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Il arrive que Pétra subisse des tempêtes de sable, dont l’intensité et la fréquence pourraient augmenter à cause du changement climatique.

PHOTOGRAPHIE DE TAYLOR KENNEDY, Nat Geo Image Collection

« Ne comptez pas visiter Pétra en l’espace d’une seule journée », insiste Zeyad Al-Salameen, archéologue de l’université Mohamed Bin Zayed pour les sciences humaines d’Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis. Du haut d’Umm el-Biyara, la plus haute montagne de Pétra où reposent des ruines datant de l’âge du fer, les visiteurs peuvent admirer la rue principale traversant la cité, ses nombreux temples et l’agitation des touristes en contrebas. « C’est une ville vivante qui s’offre à vous », souligne Al-Salameen, qui a passé sa jeunesse à explorer les temples, les monuments et les habitations de Pétra.

La majeure partie des vestiges de la ville demeurent enfouis, et les documents attestant de la présence nabatéenne sont rares. « Les Nabatéens n’ont pas laissé de nombreuses traces écrites », explique Megan Perry, anthropologue à l’Université de l’Est de la Caroline à Greenville, en Caroline du Nord. Les chercheurs ont découvert le passé vivant de Pétra grâce aux écrits grecs et romains, aux documents commerciaux en papyrus et aux ruines elles-mêmes.

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    La Khazneh, ou « trésor », n’est que l’une des nombreuses façades taillées dans les montagnes de l’ancienne Pétra.

    PHOTOGRAPHIE DE Muhammed Muheisen, Nat Geo Image Collection

     

    QUI A CONSTRUIT PÉTRA ?

    En tant que marchands, les Nabatéens servaient d’intermédiaires entre les producteurs du sud de l’Arabie, de l’Afrique et de l’Inde, et les clients grecs et romains. Leurs caravanes attelées à des dromadaires transportaient diverses marchandises, telles que de l’encens, des épices et de la soie. Ils accumulaient des richesses grâce aux taxes, comme en témoigne une source historique précisant que les Nabatéens prélevaient une taxe de 25 % sur les importations. « Cette richesse se reflète à Pétra », explique Al-Salameen : elle rendit possible la construction de la cité, de ses temples, de ses bains et de sa rue à colonnades.

    La plupart des vestiges archéologiques de Pétra sont des tombeaux, souligne Al-Salameen. Les Nabatéens devaient accorder une grande importante à la vie après la mort, ajoute-t-il. « La vie n’était pour eux qu’une aventure de courte durée ». Certains tombeaux, comme la Khazneh (où des archéologues ont découvert douze squelettes en 2024) reposent derrière des façades élaborées taillées dans le roc, quand d’autres ne sont que des puits taillés dans le grès.

    Certaines tombes portent des inscriptions funéraires rédigées en araméen, la langue de l’époque. Ces inscriptions énumèrent les personnes qui pouvaient être enterrées au sein des tombeaux, les actes considérés comme de la profanation de tombes, et les sanctions ou malédictions encourues par les transgresseurs, explique Al-Salameen. D’autres sites portent des inscriptions commémoratives constituant une sorte de livre d’or pour les voyageurs, et qui peuvent inclure un nom ainsi qu’une prière adressée à une divinité.

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    Des tombes creusées dans les falaises de grès de Pétra.

    PHOTOGRAPHIE DE Rafael Heygster, Agentur Focus, Redux

    Des inscriptions retrouvées à Pétra et sur d’autres sites nous ont fourni quelques informations sur la religion polythéiste des Nabatéens. Ces derniers vénéraient des dieux comme Dusarès, dieu masculin suprême, ou la divinité féminine Allat, dont les représentations ont évolué au fil du temps, explique Perry. Initialement, ces divinités étaient représentées sous des formes abstraites ressemblant à des blocs, qui sont peu à peu devenues plus anthropomorphes. Plus tard, Dusarès fut associé à Zeus, et Allat à Aphrodite. Si l’influence gréco-romaine est évidente, les véritables raisons de cette transformation dans la représentation des dieux demeurent inconnues.

     

    COMMENT VIVAIT-ON À PÉTRA ?

    Selon les données archéologiques, l’alimentation des Nabatéens était composée de divers types de fruits, de céréales et de viandes. Al-Salameen explique également que des actes de vente écrits sur des papyrus nous ont apporté de précieux indices sur les pratiques agricoles de l’époque. D’autres éléments proviennent des tombes ou des salles de banquet adjacentes où des restes de festins funéraires, comme des ossements d’animaux, ont été mis au jour. « De nombreuses données archéologiques indiquent que les Nabatéens se retrouvaient autour de festins », explique Perry. La culture de plantes et d’arbres se concentrait notamment dans une zone connue sous le nom de Beidha, au nord de Pétra. Par ailleurs, les analyses des restes de repas ont montré que les habitants de Pétra consommaient aussi du poisson importé de la mer Morte.

    La population de Pétra a prospéré dans un environnement désertique inhospitalier grâce à un « système sophistiqué de collecte qui visait à recueillir la moindre goutte d’eau », explique Al-Salameen. Les Nabatéens acheminaient l’eau depuis des sources situées à l’extérieur de la ville et creusaient des canaux dans la roche pour recueillir l’eau de pluie. Ils ont également construit des barrages et des citernes pour stocker l’eau.

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    Pétra compte plus de 600 façades en pierre.

    PHOTOGRAPHIE DE Annie Griffiths, National Geographic

     

    POURQUOI PÉTRA A-T-ELLE ÉTÉ ABANDONNÉE ?

    Un tremblement de terre survenu en 363 de notre ère détruisit de nombreux bâtiments de la ville. À la suite d’un autre tremblement de terre survenu des siècles plus tard, la population de la ville déclina.

    Ces tremblements de terre endommagèrent l’infrastructure hydraulique de Pétra. « C’est la raison pour laquelle la ville a progressivement été abandonnée », explique Al-Salameen. Les habitants se sont réinstallés près des sources.

     

    QU’IGNORONS-NOUS ENCORE DE PÉTRA ?

    La majeure partie de Pétra, dont des habitations, n’a pas encore été fouillée. « Des centaines de questions restent encore sans réponses », raconte Al-Salameen. Les chercheurs s’intéressent aux aspects de la vie quotidienne des Nabatéens, et notamment aux relations entre les individus et les familles, à la manière dont ils gagnaient leur vie et à la façon dont ils interagissaient avec leurs dieux, en plus de leur accorder des offrandes.

    Les archéologues ont encore beaucoup à apprendre sur cette cité qui grouillait autrefois de vie. De nombreuses habitations se sont effondrées en même temps que d’autres édifices séculaires. Avant que les tremblements de terre n’endommagent la ville, Pétra devait compter environ 30 000 habitants, selon Perry. « Pétra n’est pas qu’un mausolée. Ce n’est pas une cité des morts. »

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    Une mule tire un chariot à l’entrée de Pétra.

    PHOTOGRAPHIE DE Jodi Cobb, Nat Geo Image Collection

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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